Grève à la SNCF à Noël et au Nouvel An : que sait-on du collectif des contrôleurs "apolitique et non syndiqué" à l'origine du mouvement social ?
Et si la SNCF était débordée par un conflit social initié en dehors du cadre strictement syndical ? Là réside la crainte de la compagnie ferroviaire, alors qu'une grève entraîne la suppression d'un train sur trois en moyenne pour le week-end de Noël, avant d'autres perturbations prévues pour le Nouvel An. "C'est un mouvement atypique", a d'ailleurs reconnu Christophe Fanichet, PDG de SNCF voyageurs, mercredi 21 décembre, au micro de franceinfo.
D'abord, ce mouvement social est "atypique" car il a été lancé par les seuls chefs de bord, l'autre nom des contrôleurs, dont une partie des 10 000 salariés en France est réunie au sein du Collectif national ASCT (CNA), le sigle ASCT représentant "les agents du service commercial trains". La page Facebook du CNA a été créée à l'été 2022 et regroupe aujourd'hui 3 500 salariés dans un mouvement qui se veut "apolitique et non syndiqué".
Un lien particulier avec les syndicats
Le groupe s'est aussi lancé sur WhatsApp et Telegram et est géré aujourd'hui par une dizaine de personnes, a expliqué mercredi sur France Inter Olivier, l'un de ses membres. "Nous avons réalisé que le malaise était généralisé, que nous avions les mêmes attentes, les mêmes souffrances au travail, et nous avons décidé de nous développer", a raconté cet homme, contrôleur à la SNCF depuis vingt-cinq ans. Selon lui, "pendant des années, [les syndicats] n'ont pas pu nous aider de façon catégorielle".
"Le collectif a permis de mettre en avant toute la complexité de notre métier et de fédérer au niveau national, parce que les syndicats n'y arrivaient plus."
Un membre du collectif des contrôleurssur France 2
Si les syndicats sont critiqués, ils n'ont pas pour autant été complètement mis sur la touche par ces salariés mécontents. Dans un premier temps, pour négocier avec la direction de la SNCF, les membres du CNA ont mandaté des organisations syndicales, seules autorisées à mener ce dialogue social au sein de l'entreprise. "Tout collectif doit passer par les organisations syndicales et un collectif ne peut dialoguer avec la direction qu'à travers les syndicats", rappelait début décembre Didier Mathis, patron de l'Unsa-Ferroviaire (cadres), à BFM Business. "A partir du moment où ils sont organisés, nous sommes leur porte-voix", soulignait auprès du même média Eric Meyer, secrétaire fédéral SUD-Rail.
Dans un second temps, c'est grâce au préavis de grève déposé début décembre et maintenu lundi 19 décembre par la CGT-Cheminots et SUD-Rail que le collectif a pu permettre à ses membres de se mobiliser à Noël et au Nouvel An, bien que les syndicats n'aient pas appelé à la grève. Cela avait déjà été le cas lors du premier week-end de décembre, avec 60% des TGV et des trains Intercités annulés.
Des négociations avec la direction dans l'impasse ?
Depuis cette première mobilisation, intervenue avant un premier cycle de discussions autour des salaires dans l'entreprise, la mobilisation du CNA ne faiblit pas. Ses membres ne se contentent pas des propositions de la direction, qui sont d'après l'Unsa-Ferroviaire d'un "très bon niveau et répondent aux revendications du CNA". Dans le détail, la SNCF a mis sur la table une prime de travail de 600 euros brut par an, commune à tous les cheminots et dont une partie serait intégrée au salaire en 2024, en plus d'une autre prime de 600 euros brut par an spécifique aux contrôleurs. Des mesures pour favoriser les promotions ont aussi été proposées mais elles ont elles aussi été refusées pour l'instant.
"C'est largement en dessous de ce que nous espérions et ces mesures sont quasiment inefficaces. Nous demandons à avoir une carrière à la hauteur de notre engagement et de nos responsabilités."
Olivier, contrôleur à la SNCFsur France Inter
Les chefs de bord dénoncent par ailleurs une dégradation de leurs conditions de travail. "On nous donne de plus en plus de choses à faire, en étant généralement seul à bord à gérer 500 ou 600 voyageurs, a déploré une contrôleuse sur France 2, mardi. Là, vous voyez, je n'ai aucun lavabo avec de l'eau. Je téléphone à tout le monde en disant : 'Il n'y a pas d'eau sur mon train. Je me fais engueuler par tout le monde, tout le long du voyage, alors que j'essaye de le signaler.'"
En face, la direction reproche aux grévistes un mouvement social "inacceptable" en période de fêtes. "Je dis aux chefs de bord que c'est Noël et que les Français ont besoin de pouvoir partir, a lancé Christophe Fanichet, mercredi matin sur franceinfo. Aujourd'hui, les propositions sont sur la table et la porte de la direction est ouverte." Selon le CNA, les négociations avec la direction de la SNCF étaient pourtant au point mort, mardi soir. De quoi compliquer davantage la situation dans les transports pour ces fêtes de fin d'année.
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