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La mise en examen de l'ex-président du Louvre lève le voile sur un commerce illicite d'antiquités devenu "massif"

L'ancien président du Louvre, Jean-Luc Martinez, a été mis en examen fin mai dans une enquête sur un trafic illégal d'antiquités. Une affaire qui illustre comment le pillage d'antiquités est devenu un phénomène massif depuis les Printemps arabes.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Des touristes font la queue autour de la Pyramide du Louvre le 19 juillet 2019. (ALAIN JOCARD / AFP)

C'est un homme qui est dans l'œil du cyclone. Ex-président du Louvre, Jean-Luc Martinez est mis en examen dans le cadre d'une enquête judiciaire sur un important trafic d'antiquités. Si son nom fait les gros titres des médias du monde entier en raison de son ancienne fonction, Jean-Luc Martinez n'est que le personnage secondaire d'un phénomène bien plus vaste : le pillage à grande échelle d'antiquités. 

Dans de nombreux pays gangrenés par la corruption ou instables politiquement comme l'Irak, la Syrie ou l'Egypte, des sites archéologiques sont devenus de "véritables supermarchés à ciel ouvert", selon Vincent Michel, professeur d'archéologie de l'Orient à l'université de Poitiers.

Cet expert dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels décrit une chaîne sophistiquée: depuis les pays sources, via des pays de transit (Asie, pays du Golfe, Israël et Liban) vers des pays de destination (mondes anglo-saxon et européen mais aussi de plus en plus Russie, Japon, Chine ou pays du Golfe) qui abritent les acheteurs et nombre de musées ou projets de musées. "Ce trafic, né des fouilles clandestines et aggravé par la paupérisation, croît depuis les Printemps arabes de 2011. On ne peut plus le minimiser", souligne le spécialiste, qui intervient régulièrement à l'Unesco. 

En Égypte, une explosion des fouilles clandestines

"Impossible à chiffrer" précisément, le trafic mondial d'antiquités porterait sur "des dizaines voire des centaines de millions" d'euros. "Le marché de l'art légal a un chiffre d'affaires de près de 63 milliards de dollars annuel et les trafiquants se disent qu'il y a de l'argent à se faire", souligne Vincent Michel, qui forme les services spécialisés de police, de justice et des douanes.

Ce commerce illicite "alimente la petite délinquance comme le grand banditisme", met-il en garde. "Connecté aux trafics de stupéfiants et d'armes, il s'inscrit dans une criminalité organisée polymorphe de blanchiment de capitaux", qui "sert les mafias, narcotrafiquants et groupes terroristes".

Un site de fouilles archéologiques en Irak, un pays où le pillage d'antiquités est fréquent.  (- / AFP)

En Égypte, où circulent aussi quantité de faux, on est passé de 1 500 fouilles clandestines par an à 8 960 en 2020, indique l'expert. Les oeuvres pillées sont en parfait état de conservation en raison du climat aride, comme au Mexique, relève-t-il. Les pilleurs ont notamment recours à des détecteurs de métaux, pour cibler en priorité l'or, l'argent et le bronze.

Selon Xavier Delestre, conservateur régional de l'archéologie à la Direction régionale des affaires culturelles de Provence-Alpes-Côte d'Azur, où "le pillage des sites archéologiques locaux s'est aggravé", les services de l'Etat sont aussi confrontés à "un trafic de biens culturels en provenance de l'étranger", d'Afrique et d'Amérique latine notamment. Il s'agit, ajoute t-il, "d'oeuvres d'art de très haute valeur marchande qui vont échouer dans les ports francs et réapparaître avec une fausse histoire, puis être réintégrées dans le marché licite; ou d'objets de moindre valeur circulant en masse à partir des réseaux sociaux vers des sites de vente en ligne".

L'ingéniosité incroyable des faussaires

Les faussaires sont d'une "ingéniosité incroyable pour blanchir les objets pillés en mélangeant les informations fausses et vraies, inventant des pedigrees, fabriquant de faux documents d'exportation ou factures d'achat, afin de masquer l'origine illicite", précise Vincent Michel.

Une fois réintroduit dans le marché légal, "un objet pillé est presque indétectable". Cette "criminalité transnationale nourrit une économie de prédation qui intéresse notre sécurité nationale. C'est aussi une atteinte au patrimoine irréversible car un objet pillé, sorti de son contexte, perd toute valeur scientifique", déplore-t-il.

Internet a aggravé le phénomène en raison de "l'anonymat", de "la multiplication des sites de vente", des "innombrables moyens de blanchiment" et de la "faculté d'adaptation" des trafiquants, selon les deux experts.

L'ex-président du Louvre, Jean-Luc Martinez, nie lui toute implication dans un trafic illégal. L’enquête cherche à savoir s'il aurait "fermé les yeux" sur de faux certificats d’origine de cinq pièces d’antiquité égyptiennes, dont une stèle en granit rose de Toutânkhamon, acquises par le Louvre Abu Dhabi pour plusieurs dizaines de millions d’euros. Il conteste les faits "avec la plus grande fermeté".

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