Cinq questions sur la baisse du taux du Livret A à 0,5%
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, l'a annoncé mercredi. Le taux du Livret A va atteindre, dès le 1er février, son plus bas historique.
Huit Français sur dix disposent d'un Livret A. Mais ce compte d'épargne fait grise mine. Son taux de rémunération, fixé actuellement à 0,75%, sera revu à la baisse dès le 1er février, a annoncé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, mercredi 15 janvier. Il s'établira à 0,5%, son plus bas historique depuis sa création il y a deux siècles (1818). Franceinfo revient sur cinq questions pas si bêtes autour de cette décision.
1Pourquoi le taux du Livret A a-t-il encore baissé ?
C'est une conséquence de la nouvelle formule de calcul du taux du Livret A. Comme l'a expliqué franceinfo, dans l'ancienne formule instaurée en 2004, la rémunération dépendait du niveau de l'inflation, c'est-à-dire de la hausse des prix, du mois précédent. Le taux ne pouvait descendre en dessous d'un seuil plancher : au moins 0,25% au-dessus du niveau de l'inflation.
Depuis août 2017, la méthode a changé. L'inflation n'est plus prise en compte sur un mois mais sur les six derniers mois. Surtout, en cas de circonstances économiques exceptionnelles, la rémunération du Livret A peut être alignée sur le niveau moyen de la hausse des prix.
"Ce chiffre [de 0,5%] tient compte des taux d'intérêt bas et du niveau de l'inflation", défend le ministre de l'Economie dans un entretien au Parisien, soulignant avoir suivi les recommandations du gouverneur de la Banque de France, publiées peu avant son annonce. Selon la loi, le taux du Livret A ne peut être inférieur à 0,5%. Et sans ce plancher, il aurait dû descendre à 0,23%, selon la Banque de France.
2Est-ce toujours rentable d'en avoir un ?
Non. Le Livret A a même fait perdre de l'argent aux épargnants, même avec un taux à 0,75%. "Le calcul est simple : l'an dernier, les prix à la consommation ont bondi de 1,8% alors que, dans le même temps, l'épargne des deux livrets n'a, elle, été rémunérée qu'à 0,75%", expliquait France 3, en janvier 2019.
Concrètement, si vous placez 100 euros sur un Livret A rémunéré à 0,5%, vous récupérez 0,50 euro au bout d'un an. Mais l'inflation est bien supérieure : elle s'élève à 1,5% sur un an. Donc si vous gagnez effectivement 0,50 euro, en prenant en compte l'inflation, en terme de pouvoir d'achat, vous avez perdu 1,50 euro.
3Le livret A va-t-il disparaître ?
"Je ne pense pas que le bas de laine du Livret A se dégonflera", prédit Gilles Carrez, ex-président de la commission des finances, auprès du Parisien (article abonnés). Une intuition qui se vérifie dans les faits. Le quotidien note que le Livret A a toujours la cote malgré un taux de moins en moins intéressant au fil des années. En effet, en 2019, les épargnants ont déposé plus de 14 milliards d'euros sur leurs livrets d'épargne. Un record.
Sans compter que la popularité de l'assurance, le placement préféré des Français, avec quelque 1 700 milliards d'euros, est en perte de vitesse, comme l'a expliqué franceinfo. Aujourd'hui, les pays empruntent à des taux très faibles, voire même négatifs. Ces taux sont une aubaine pour les Etats, qui en profitent, à commencer par la France, pour se financer à moindre coût. Mais les assureurs gagnent moins d'argent et les assurances-vie rapportent des sommes moins importantes aussi aux épargnants.
4A qui profite cette baisse ?
Le Livret A sert à financer l'aménagement du territoire, et notamment le logement social, au travers de la Caisse des dépôts (CDC) qui centralise une partie des dépôts des épargnants. Elle dispose ainsi de ressources pour octroyer des prêts aux différents acteurs (bailleurs sociaux, PME, collectivités). Voici les explications de France 2.
La baisse du taux "est un signal envoyé qui n'est pas bon, qui n'est pas bon du tout. D'abord sur le financement du logement social, je rappelle que ça sert aussi à ça, mais ça rend le produit moins attractif", a jugé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, jeudi sur franceinfo.
Mais le quotidien Les Echos a une analyse tout à fait différente et montre que la baisse va finalement profiter aux logements sociaux, favorisant le lancement de nouveaux projets ou des opérations de rénovation. Avec un taux ramené à 0,5%, soit une baisse de 25 points de base, "cela équivaut à une baisse de charges financières de 317 millions d'euros pour les emprunteurs", a expliqué Eric Lombard, le président de la CDC, au journal. "Autant d'argent qui pourra donc être réinvesti dans le logement social – la somme correspond à la construction de 17 000 logements supplémentaires, souffle-t-on du côté de la Caisse", écrit Les Echos.
En décembre, des élus LREM militaient pour une hausse du taux, pour préserver le pouvoir d'achat des Français. "Il faut tout faire pour faire en sorte que l'épargne soit rémunérée au plus près de l'inflation puisqu'il ne s'agit pas d'une épargne qui vise la spéculation, mais tout simplement à rémunérer une épargne de précaution", avait estimé Jacques Savatier, député LREM de la Vienne, auprès de France 2.
5Quelles sont les alternatives sûres au Livret A ?
Le Plan épargne logement. Avec un taux à 1% (depuis 2016), le Plan épargne logement (PEL) est à nouveau attractif, remarque Les Echos. Il était pourtant considéré comme un produit devenu inintéressant depuis la baisse de son taux.
Le Livret d'épargne populaire. Le ministre de l'Economie va simplifier l'accès au Livret d'épargne populaire (LEP). Ce placement est réservé aux personnes aux revenus modestes (au maximum 19 977 euros annuels pour une personne seule). Il bénéficie d'un taux d'intérêt garanti et est exonéré d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Bruno Le Maire souligne que "40% des Français y sont éligibles et il n'y a aujourd'hui que 7 millions de Livrets d'épargne populaire qui sont ouverts". Son taux de rémunération est actuellement fixé à 1,25% mais il passera au 1er février à 1%, dans le sillage de la baisse à 0,5% du taux du Livret A. D'après François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, le LEP "reste l'instrument de protection du pouvoir d'achat de l'épargne populaire, avec un taux de rémunération plus élevé que celui du Livret A".
Le Plan épargne retraite. Selon Les Echos, l'exécutif souhaite également "réorienter l'épargne vers des investissements plus productifs à travers les nouveaux produits créés par la loi Pacte (Plan épargne retraite, nouveaux fonds eurocroissance)". Le ministère de l'Economie a d'ailleurs mis en ligne, jeudi, une page détaillant différents produits. Sur le Plan épargne retraite (PER), Bercy écrit qu'il s'agit d'"un produit d'épargne à long terme. Il permet d'économiser pendant la vie active pour avoir à la retraite une rente viagère et sur option un capital". Dans le détail, avec la loi Pacte, franceinfo explique que deux nouveaux produits d'épargne retraite d'entreprise ont été lancés : un produit collectif, ouvert à tous les salariés, visant à remplacer l'actuel Perco (plan d'épargne pour la retraite collective), et un produit pouvant être réservé à certaines catégories de salariés seulement, qui doit succéder aux contrats dits "article 83" (des contrats souscrits par les employeurs pour leurs salariés) voués à disparaître en octobre 2020.
Fonds eurocroissance. La volonté du gouvernement d'aiguiller vers les nouveaux fonds eurocroissance n'est pas nouvelle. "Je compte vraiment sur les assureurs pour assurer le succès de ce nouveau fonds eurocroissance, qui va fournir une alternative aux fonds euros, dont les rendements (...) baissent d'année en année", avait déclaré Bruno Le Maire, en octobre 2019. De quoi s'agit-il ? Lancés en 2013, les fonds eurocroissance devaient offrir une alternative aux fonds euros, dont le capital est garanti à tout moment mais dont le rendement est peu élevé dans un contexte général de taux très bas. Les contrats en eurocroissance offrent un rendement supérieur aux fonds euros, tout en garantissant un certain capital, à condition de respecter un délai de détention d'au moins huit ans.
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