"C'est une cause qui me tient à cœur" : qui sont les électeurs qui ont porté le Parti animaliste à plus de 2% aux européennes ?
La formation, au programme entièrement consacré à la défense du bien-être animal, a séduit près de 500 000 personnes, bien au-delà de ce qu'annonçaient les sondages.
Il y a eu la percée d'Europe Ecologie-Les Verts, la déroute des Républicains... Mais une autre grande surprise des résultats des élections européennes, dimanche 27 mai, est le score du Parti animaliste. Cette petite formation, qui participait seulement à son deuxième scrutin (après les dernières législatives de 2017), a récolté 2,17% des voix, soit plus de 490 000 voix. L'absence de figures connues sur ses affiches – à la place se trouvait un chien – ne l'a pas empêché de devancer les listes de personnalités comme Nathalie Artaud (LO), François Asselineau (UPR) ou Florian Philippot (Les Patriotes). Franceinfo s'est demandé comment les électeurs animalistes avaient fait ce choix plutôt inattendu. Des dizaines d'entre-eux ont répondu à notre appel à témoignages.
"Je ne suis ni végétarienne ni vegan"
Le fait qu'ils soient souvent propriétaires d'animaux ne surprendra personne. "On a quatre chats, des poules et des canards", explique par exemple Aurélie, qui dit qu'elle a "toujours été consciente que les animaux n'étaient pas des objets". Christophe, lui, explique que son amour pour "un petit chien que j'ai recueilli il y a 6 ans, alors qu'il partait à la SPA" a "peut-être joué" sur sa sensibilité aux arguments du Parti animaliste. Certains électeurs, comme Virginie, sont déjà engagés pour la cause animale en dehors de l'isoloir. Cette dernière pense que cette expérience a renforcé ses convictions : "
Être bénévole dans un refuge m'a dégoûtée des gens. Ils vous amènent leur animal en vous disant 'Oh bah, c'était un cadeau et je n'en veux plus'.
Virginieà franceinfo
Elle aimerait que les politiques durcissent les amendes contre les propriétaires maltraitants. Aurélie, elle, est particulièrement remontée "contre la chasse, qui me répugne totalement" :
Des chasseurs ont installé leur cabanon en face de chez moi, ils piègent des pies. Ça a joué dans mon agacement.
Aurélieà franceinfo
Le sort des animaux d'élevage, la cruauté de la corrida et de la captivité dans les cirques et les zoos sont d'autres questions qui reviennent dans les témoignages envoyés par de nombreux électeurs animalistes à franceinfo. Et tous sont justement au cœur du programme du parti.
Certains de ces électeurs se défendent, d'ailleurs, d'être très radicaux dans leurs convictions. Plusieurs d'entre eux précisent qu'ils continuent de manger de la viande, avec plus ou moins de culpabilité. "Je ne suis ni végétarienne, ni vegan ou autres clichés à la mode", prévient Sandra. Mais la défense des droits des animaux lui semble tout de même une évidence : "Je suis lassée de voir à quel point ils sont maltraités et surexploités."
"Mon premier vote d'adhésion"
Ces électeurs ont parfois tourné le dos à leurs partis habituels. Ils auraient pu voter LREM, Génération.s, PS mais surtout Europe Ecologie-Les Verts, la formation la plus souvent mentionnée dans leurs témoignages. "EELV ne parle pas de l'abolition de la chasse, soutient les éleveurs et le pastoralisme", déplore Philippe, pour qui "le Parti animaliste représente une écologie plus radicale". Josie enfonce le clou : "Ce parti [EELV] existe dans notre pays depuis des décennies sans que ni les humains ni les animaux n'en voyons les effets."
Plus largement, le vote animaliste apparaît souvent comme un geste de rejet du reste des politiques, accusés de se désintéresser de la cause animale. "J'ai 40 ans, et j'ai voté pour la première fois de ma vie", confie Adeline, quand Valérie parle de son "premier véritable vote d'adhésion à un programme". Parfois lassés par l'idée d'un vote "utile", ces électeurs se réjouissent d'enfin adhérer pleinement à un programme.
Issu d'un département, l'Yonne, où voter RN est devenu un art de vivre, c'était ma façon de faire barrage tout en embrassant une cause qui me tient à cœur.
Tanguyà franceinfo
L'alternative était souvent le vote blanc, comme pour le mari de Charlotte* : "Il était parti voter blanc. Arrivé devant les panneaux électoraux, il a vu ce mignon chien et s'est dit : 'Autant voter pour le Parti animaliste, mon vote comptera !'"
"Donner une voix à ceux qui n'en ont pas"
Si Virginie trouve que les 2,2% récoltés par les animalistes ne sont "pas suffisants", la plupart des électeurs interrogés sont agréablement surpris par ce score et ne s'attendaient pas à ce que des animalistes soient réellement élus. "Ça peut paraître bizarre de voter pour les animalistes alors que les enjeux de l'élection sont généraux, mais c'est un vote symbolique", juge Christophe. Il espère surtout que le message envoyé poussera les politique à investir cette thématique. Christele résume les choses de façon plus cynique :
A force de voter pour eux, il y aura bien une autre liste, plus connue, qui prendra enfin ces problèmes en considération afin de ratisser de votes.
Christeleà franceinfo
Plusieurs électeurs parlent de "donner une voix à ceux qui n'en ont pas", les animaux. Et puis, après tout, ils ne sont pas les seuls à avoir voté pour une liste donnée en-dessous des 5% par les sondages : "Mon mari aussi a voté pour un parti qui ne risquait pas de gagner : il a voté Hamon", rigole Aurélie.
Avec près de 500 000 voix, les électeurs de cette liste ont sans doute montré que leurs idées touchaient un public conséquent, avec lequel il faudrait compter à l'avenir. Mais quel est le futur du parti en lui-même ? Si Ophélie explique à franceinfo qu'elle "espère pouvoir [se] battre également en faveur des animaux dans [sa] commune rurale aux municipales", la plupart des électeurs interrogés se sont senti une liberté de voter pour ces idées aux européennes qu'ils ne prendront pas forcément aux autres élections. "Aux législatives ou à la présidentielle, je ne suis pas sûre que je l'aurais fait, reconnaît Aurélie. Là, c'était plus facile." Le Parti animaliste à un an avant les prochaines élections pour la convaincre.
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