Européennes : quel est ce parti qui promet une "nouvelle donne" ?
Le socialiste Pierre Larrouturou a lancé jeudi son parti, Nouvelle Donne. Objectif proclamé : concurrencer le PS aux européennes.
Changeront-ils la donne ? Le socialiste Pierre Larrouturou a annoncé, jeudi 28 novembre, la création de son parti, Nouvelle Donne. Un nom inspiré du New Deal qu'avait lancé, dans les années 1930, le président américain Roosevelt pour lutter contre la Grande Dépression. L'objectif de ce rassemblement d'intellectuels : tailler des croupières au PS lors des élections européennes de 2014. Mais qui participe au mouvement et que propose-t-il ?
Jaurès et Roosevelt comme références
Pour lancer son parti, Pierre Larrouturou n’y est pas allé avec le dos de la cuiller : il a choisi comme cadre de sa conférence de presse le café du Croissant, rue Montmartre, à Paris. C'est là qu'a été tué Jean Jaurès, père fondateur de la SFIO, l'ancêtre du Parti socialiste, le 31 juillet 1914. Un message sans fard envoyé au PS, dont il est issu.
Autre symbole historique annexé : la figure du président américain Franklin Delano Roosevelt. Avec la plupart des personnalités qui le rejoignent aujourd'hui dans son nouveau parti, Pierre Larrouturou avait d'ailleurs créé pendant la campagne présidentielle le collectif Roosevelt 2012, plaidant pour une série de réformes chocs contre la crise.
Un collectif d'intellectuels et de personnalités médiatiques
Qui soutient Pierre Larrouturou ? Un inventaire à la Prévert d'intellectuels et de personnalités médiatiques, souvent enthousiastes et plutôt issues de la société civile.
Parmi les figures les plus connues, le médecin urgentiste Patrick Pelloux ou l'ex-plume des "Guignols de l'info" Bruno Gaccio, auteur d'un Petit manuel de survie à l'intention d'un socialiste dans un dîner de gauche qui vulgarisait, comme l'avait souligné Paris Match, toutes les thèses du collectif Roosevelt.
Parmi les intellectuels : les philosophes Edgar Morin ou Cynthia Fleury, l'économiste Susan George, présidente d'honneur d'Attac (absente de la conférence pour raisons de santé), ou encore la journaliste Marie-Monique Robin, auteure de plusieurs documentaires sur la biodiversité menacée (Le monde selon Monsanto, Les moissons du futur...)
Pour prouver qu'il n'y avait pas que des "bac+8", une recrue de fraîche date, Isabelle Maurer, assistait aussi à la conférence de presse. La chômeuse alsacienne qui avait pris à partie Jean-François Copé lors de l'émission "Des paroles et des actes", sur France 2, s'est présentée dans un éclat de rire comme "la plus grande gueule de Mulhouse".
Il manquait en revanche un poids lourd, pourtant proche de Pierre Larrouturou : Michel Rocard. "L'ancien Premier ministre, qui a écrit en début d'année un ouvrage avec Larrouturou, n'approuve pas l'initiative", rapporte Le Nouvel Observateur.
Quoiqu'hétéroclite, l'ensemble reflète les priorités du mouvement : lutte contre le chômage, transition écologique, rénovation de la démocratie.
La promesse de "mesures chocs"
"Est-ce que c'est sérieux de dire que la croissance va revenir ? La réponse est non." C'est le credo martelé par Pierre Larrouturou, qui s'appuie sur l'un de ces graphiques qu'il affectionne.
Et de dénoncer la voie suivie par François Hollande. "Depuis un an et demi, il y a 500 000 chômeurs supplémentaires, et 600 000 'fin de droits' sont tombés dans la pauvreté. Plus d’un million de familles dont la vie a basculé ! Alors, quand Pierre Moscovici dit que tous les indicateurs sont bien orientés, on a l’impression de ne pas vivre dans le même pays", s'indigne-t-il dans Le Parisien.
Que faire ? "On fait vingt propositions concrètes pour retrouver la prospérité sans croissance", lance Pierre Larrouturou. Nouvelle Donne propose de mettre en œuvre la révolution fiscale prônée par Thomas Piketty et de "sécuriser chômeurs et précaires". Ou encore de lutter contre le dumping fiscal européen en créant un impôt européen unique sur les sociétés.
Mais quelle force de frappe ?
Ingénieur agronome de formation, Pierre Larrouturou, adhérent au PS depuis 2002 (malgré un bref passage à EELV), avait réuni près de 12% des suffrages avec la motion qu'il avait déposée avec Stéphane Hessel au congrès du PS à Toulouse, en 2012. Mais, souligne Le Nouvel Observateur, "lors de la récente constitution des listes pour les élections européennes de 2014, le parti ne leur a accordé aucune place éligible". Pierre Larrouturou a donc choisi de quitter à nouveau le Parti socialiste, où il a toujours peiné à se faire entendre, avec un bataillon peut-être convaincu, mais guère fourni…
Néanmoins, cet ancien délégué national à l'Europe de la rue de Solférino estime que les européennes peuvent donner de l'écho à ses idées. Reste à savoir s'il sera l'équivalent - en 1994 - de la "liste Sarajevo" de Léon Schwartzenberg (toute petite épine dans le pied du PS avec 1,57% des voix) ou s'il fera mieux.
Quoiqu'il en soit, Nouvelle Donne va, une fois de plus, rouvrir la fracture qui avait séparé, lors du référendum sur la Constitution européenne de 2005, les "nonistes" comme Pierre Larrouturou, et les partisans du "oui" comme François Hollande.
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