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Le cas de McKinsey est "assez banal pour toutes les multinationales", selon le journaliste Christian Chavagneux

Le Parquet national financier a ouvert une enquête pour "blanchiment aggravé de fraude fiscale". Une enquête "complexe" et qui prendra du temps selon le journaliste.

Article rédigé par franceinfo
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Des personnes arrivent à l'entrée principale du tribunal judiciaire de Paris, le 22 mars 2022. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Le cas de McKinsey est "assez banal pour toutes les multinationales", a expliqué mercredi 6 avril sur franceinfo Christian Chavagneux, éditorialiste à Alternatives économiques, alors que le parquet national financier (PNF) a indiqué avoir ouvert une enquête le 31 mars pour "blanchiment aggravé de fraude fiscale", après le rapport du Sénat sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Cette enquête vise bien et uniquement la société McKinsey sur la question de son statut fiscal en France, a appris franceinfo de source judiciaire. Pour Christian Chavagneux, on se dirige vers "une enquête complexe qui prend du temps."

franceinfo : Quelle différence y a t-il entre optimisation et fraude fiscale ?

Christian Chavagneux : La fraude fiscale, c'est quand vous tournez complétement la loi, que vous ne respectez pas la loi. L'optimisation fiscale, cela consiste à trouver un bon conseil qui vous permet d'interpréter la loi de telle sorte que cela minimise vos impôts. Si vous restez dans l'esprit de la loi, on appelle cela optimisation fiscale. Si vous allez un peu plus loin que l'esprit de la loi, on appelle cela optimisation fiscale agressive.

Comment prouve-t-on qu'une société est allée un peu au-delà de l'esprit de la loi ?

Si vous êtes un résident fiscal français, par exemple pour McKinsey France vous êtes vraiment présent physiquement en France, on doit montrer que ce que vous déclarez au fisc comme étant susceptible d'être taxé à l'impôt sur les bénéfices est largement en dessous de l'activité réelle que vous avez en France et que vous utilisez des procédés qui visent uniquement à réduire votre fiscalité. Lorsque McKinsey France va utiliser des services, par exemple de conseil ou de techniciens qui sont situés dans d'autres filiales de McKinsey situées à l'étranger, ces services vont être payés par l'entreprise française. Si le coût est très fort, bien évidemment cela va augmenter le coût, réduire les bénéfices que fait McKinsey en France. Cela pourrait expliquer pourquoi la filiale qui est située en France fait très peu de bénéfices, voire ne fait pas du tout de bénéfices et ne paie pas l'impôt sur les sociétés. La démonstration de l'optimisation fiscale consiste à dire : le prix que vous payez n'est pas du tout dans les canons du marché. Vous avez été surfacturé essentiellement pour augmenter vos coûts et diminuer vos bénéfices.

Est-ce que c'est une pratique très répandue ?

C'est une pratique répandue depuis un siècle. C'est un cas assez banal pour toutes les multinationales, qu'elles soient américaines, européennes ou françaises.

Face à cette pratique banale, on trouve une société armée d'avocats. Est-ce que l'enquête s'annonce forcément complexe ?

Cela veut dire forcément une enquête complexe qui prend du temps. Mais on peut aussi avoir des gens en interne qui vous donnent des informations. Et là, ce n'est pas simplement le fisc qui va enquêter. Il y a beaucoup de moyens qui vont être mis. Et là, on peut quand même aller assez loin dans l'enquête.

Est-ce que l'on a progressé sur la frontière ténue entre optimisation et fraude fiscale ?

Non. Avec la mondialisation, avec le développement de la complexité de la fiscalité internationale, c'est de plus en plus difficile de faire la part des choses. Mais on arrive à procéder à des redressements fiscaux, y compris au détriment de grandes multinationales.

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