Cet article date de plus de dix ans.

Manuel Valls à Hénin-Beaumont : une "tournée anti-FN" controversée

Le ministre de l'Intérieur se déplace dimanche dans le laboratoire politique de Marine Le Pen, dans le Pas-de-Calais. Une stratégie frontale face au FN plutôt risquée politiquement.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, lors d'une cérémonie d'hommage à Georges Clémenceau, le 25 novembre 2013, à Mouchamps (Vendée). (DAMIEN MEYER / AFP)

Officiellement, la visite n'a rien de politique. Manuel Valls se rend, dimanche 26 janvier, à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), ville présentée depuis plusieurs années comme un laboratoire politique du Front national. Le ministre de l'Intérieur doit assister à la cérémonie des vœux du maire, Eugène Binaisse (divers gauche), à l'invitation de l'édile. "Il n'y a pas plus républicaine que cette cérémonie-là. Un ministre nous honore de sa présence, on ne va pas cracher dessus", plaide-t-on à la mairie.

Difficile, pourtant, à l'approche des élections municipales, de ne pas voir dans ce déplacement la poursuite d'une "tournée anti-FN" entamée l'été dernier à Vauvert (Gard), dans la circonscription du député "Bleu Marine" Gilbert Collard. Depuis, le ministre de l'Intérieur s'est déplacé en octobre à Forbach (Moselle), ville convoitée par Florian Philippot, le médiatique vice-président du FN. Et la semaine dernière dans le Vaucluse : à Carpentras et Sorgues, terre d'élection de Marion Maréchal-Le Pen, à Orange, fief de l'ex-FN Jacques Bompard, et à Avignon, ville qui pourrait basculer à gauche en mars.

"Immixtion" électorale ou "démarche républicaine" ?

Un tour de France que le ministre, eu égard à l'impartialité qu'exige sa fonction, ne peut assumer trop ouvertement. Au Front national, Steeve Briois, qui brigue la mairie d'Hénin-Beaumont, s'est déjà engouffré dans la brèche en dénonçant "une grave immixtion du ministre chargé des élections (...) en vue de favoriser des candidats issus de sa formation politique". Le candidat frontiste a annoncé vouloir saisir la commission des comptes de campagne. Combien de villes le FN va-t-il remporter en mars ? "Suivez Valls. Il fait la tournée des villes qu'on va gagner", a ironisé Marine Le Pen jeudi sur BFMTV.

L'entourage du ministre récuse "cette idée de tournée anti-FN". Manuel Valls "est sollicité à de nombreux endroits", affirme à francetv info Luc Carvounas, l'un de ses principaux lieutenants et sénateur-maire d'Alfortville (Val-de-Marne), où le ministre doit tenir meeting le 3 février. "Face au racisme, à l'antisémitisme, à l'homophobie, Manuel Valls a des principes chevillés au corps. A ses yeux, aucun espace démocratique ne doit être laissé pour compte. C'est une démarche républicaine qui dépasse les clivages", concède-t-il.

Son rôle de gardien des valeurs républicaines, Manuel Valls l'a poussé à l'extrême lors de la polémique sur Dieudonné. Avec des effets plutôt négatifs sur sa cote de popularité : selon BVA, le ministre, en chute de six points en janvier par rapport à décembre, a perdu sa place de leader, au profit d'Alain Juppé, dans le classement de la cote d'influence des personnalités politiques.

Une stratégie risquée pour la gauche... et pour lui-même

L'offensive médiatique de Manuel Valls au nom de la défense de la République n'est pas sans risques. Le premier est celui d'une "mélenchonisation" dans son combat face au FN. "S'il continue à s'impliquer et que le FN finit par gagner, cela ternira son image de sauveur de la gauche", analyse Bruno Jeanbart, de l'institut OpinionWay.

L'efficacité de ce type de déplacement, elle, est sujette à caution. "Dans le passé, on n'a pas constaté que des déplacements de ministres populaires issus de gouvernements impopulaires aient pu changer la donne d'un scrutin", affirme le sondeur. Y compris lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, multipliait les visites pour vanter les mérites du gouvernement auquel il appartenait.

En se posant en rempart contre le Front national, Manuel Valls, dont la fermeté est très appréciée dans l'électorat de droite, essaie peut-être de se "regauchiser", avance Bruno Jeanbart. Au risque de perdre des plumes auprès de l'électorat conservateur, à un moment où le ministre de l'Intérieur doit faire face aux critiques de l'opposition après la publication de chiffres de la délinquance en hausse.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.