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Classes dans des préfabriqués, toilettes dans la cour… Vous nous avez raconté, grâce à #MonMaire, le retard d'un chantier scolaire à Savigny-sur-Orge

Via l'opération #MonMaire lancée par franceinfo, des internautes ont signalé l'action d'Eric Mehlhorn, maire de Savigny-sur-Orge depuis 2014. Il est reproché à l'élu sa gestion de plusieurs chantiers d'envergure, dont celui de regroupement d'écoles.

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Le site de l'école élémentaire Ferdinand-Buisson en travaux à Savigny-sur-Orge (Essonne), le 14 novembre 2019.  (CHARLOTTE CAUSIT / FRANCEINFO)

Les vestiges d'une fresque enfantine et des bâtiments rasés contrastent avec l'ébullition de la sortie de l'école. A Savigny-sur-Orge (Essonne), il ne reste qu'un morceau de l'école Ferdinand-Buisson. "La moitié des bâtiments de l'école devait être détruite et reconstruite dans l'année", pour bâtir un nouveau groupe scolaire, explique Anne Andraud-Costanzo, une mère d'élève. Si la démolition a bien eu lieu, la phase de reconstruction se fait attendre. "En octobre, le maire [Eric Mehlhorn, LR] a annoncé que l'appel d'offres pour la reconstruction avait été infructueux. On a pris au moins un an dans la vue !", s'insurge cette habitante, qui a contacté franceinfo via l'opération d'enquête participative #MonMaire.

La circulation est souvent dense, sur l'avenue Charles-de-Gaulle, qui descend jusqu'à la gare RER de Savigny, l'une des plus importantes de l'Essonne. A 16h30, les véhicules affluent et les piétons s'agglutinent sur le trottoir. Celui d'en face est en partie condamné par les travaux de démolition de l'école. Pour remonter l'artère, il faut obligatoirement traverser la route. Avec d'autres parents d'élèves, Christian Deschamps, délégué FCPE, a informé la mairie du danger que présentait cette situation. En réponse, trois policiers municipaux ont été déployés. Pas de quoi calmer l'exaspération des parents.

"Je suis le délégué pipi"

Les vieilles briques orangées des bâtiments d'époque ont été remplacées par des ensembles gris temporaires. Installées dans la cour de l'école, ces constructions modulaires avec escalier extérieur accueillent trois classes. Les autres continuent d'avoir classe dans la moitié d'école encore debout. Si les parents confirment que "les enfants ne se plaignent pas tant que ça" et saluent la gestion du personnel enseignant, ils restent préoccupés par cette situation, qui pourrait s'éterniser. Maxime, 7 ans, fait partie des CE1 qui vont en classe dans les modulaires. Anne Andraud-Costanzo, sa mère, raconte : "Il m'a demandé l'autre jour s'il verrait la nouvelle école."

Anne Andraud-Costanzo et son fils Maxime, 7 ans, à la sortie de l'école Ferdinand-Buisson, à Savigny-sur-Orge (Essonne).  (CHARLOTTE CAUSIT / FRANCEINFO)

"Je suis le délégué pipi", explique le petit garçon. Avec sa camarade Dung Anh, ils détaillent leur vie d'élèves actuelle. "Comme il n'y a pas de robinet, ni de toilettes, on a fait un responsable pipi." Maxime s'occupe donc d'accompagner ses camarades aux toilettes, situées dans la cour.

Toute l'organisation du quotidien est troublée. Les projets de peinture sont mis entre parenthèses, faute d'accès à un lavabo, et il ne reste qu'une seule cour de récréation, au lieu de deux. Alors les enfants sortent s'aérer une classe après l'autre. "Quand il fait chaud et qu'on ouvre les fenêtres, c'est difficile de travailler à cause du bruit de la récré", râle Minh Chau, la grande sœur de Dung Anh. "En septembre, les enfants avaient froid le matin et ils sortaient le visage tout rouge le soir, à cause de la chaleur !", tempête Anne Andraud-Costanzo. Les parents redoutent déjà l'été prochain. "Ça devait durer deux ans, mais maintenant on ne sait même pas !"

Christian Deschamps, parent d'élève délégué FCPE et ses filles Dung Anh et Minh Chau, scolarisées à l'école Ferdinand-Buisson, à Savigny-sur-Orge (Essonne). (CHARLOTTE CAUSIT / FRANCEINFO)

Le projet de groupe scolaire était pourtant largement salué par les habitants. "A l'origine, c'était plutôt une bonne chose, car l'école était vétuste", souligne Anne Andraud-Costanzo. Construite il y a plus de 130 ans, l'école Ferdinand-Buisson manquait d'équipements, était amiantée et ne disposait pas de self-service, obligeant les élèves à prendre leurs repas dans un bâtiment annexe. L'objectif était donc "de refondre un groupe scolaire moderne plus vaste, plus fonctionnel et doté de nouveaux espaces de vie et de travail", expliquait le cabinet d'Eric Mehlhorn dans Le Parisien, début septembre.

"Au lieu d'assumer, ils cherchent une excuse"

Au total, huit classes doivent être créées pour faire face à l'augmentation de population attendue par la ville. Pour ce faire, la municipalité décide de transférer les locaux de l'école maternelle Paul-Bert sur le site de l'école élémentaire Ferdinand-Buisson, qui doit être entièrement détruite afin d'accueillir le nouveau groupe scolaire. Coût total du projet : environ 11 millions d'euros, dont 4,2 millions financés par le département.

En début d'année, la municipalité lance un appel à projets pour la démolition de l'école. "C'était autour de janvier-février", précise Bernard Blanchaud, conseiller municipal d'opposition sans étiquette. Une entreprise est retenue et les travaux débutent pendant l'été, afin d'éviter la gêne pour les enfants, partis en vacances. "L'objectif était que les travaux de reconstruction de la nouvelle école commencent dès septembre, pour s'achever d'ici la rentrée 2021", explique Bernard Blanchaud. La municipalité ne lance pourtant son second appel à projets pour la reconstruction du site que le 26 juillet. Un mois avant la date envisagée pour le début des travaux. 

Les modulaires dans lesquels les enfants ont cours à l'école élémentaire Ferdinand-Buisson, à Savigny-sur-Orge (Essonne). (ANNE ANDRAUD-COSTANZO)

Une seule entreprise se porte candidate, pour un coût trop élevé. "Le gros œuvre était estimé à environ 6,5 millions d'euros. Or, la seule offre reçue dépassait de 40% cette estimation", indique la ville dans l'édition d'octobre du journal municipal. Une situation qu'elle explique aux parents d'élèves par le projet du Grand Paris, qui absorberait l'essentiel des entreprises franciliennes. "Les grosses entreprises et même celles de tailles moyennes sont saturées en région parisienne", confirme Laurent Frölich, avocat spécialiste en droit public. Le délai du lancement du second appel à projet reste tout de même trop court, selon lui : "Les deux appels d'offres auraient dû être lancés concomitamment, même si les travaux se faisaient ensuite en décalé", relève-t-il.

Les collectivités gèrent comme elles veulent leurs appels d'offres, mais il est clair que le maire aurait dû prendre plus de précautions.

Laurent Frölich, avocat spécialiste en droit public

à franceinfo

Christian Deschamps, le délégué FCPE, suit depuis deux ans les réunions de préparation aux travaux, en présence à chaque fois du cabinet du maire et des architectes. "Pas une seule fois nous n'avons été alertés sur cette problématique du Grand Paris", assure le parent d'élève. "Au lieu d'assumer leurs erreurs, ils cherchent une excuse", s'agace-t-il. De son côté, Alexis Izard, candidat d'opposition (LREM) pour les municipales, a "du mal à croire qu'aucune entreprise de l'Essonne ne soit intéressée par un chantier à plusieurs millions". "Tout a été fait dans la précipitation, sans doute pour des raisons électorales, avance-t-il. Il aurait fallu découper le chantier en plusieurs appels d'offres, pour que de petites entreprises puissent répondre."

Selon l'élu d'opposition Bernard Blanchaud, c'est l'option retenue par la municipalité, qui planche sur un nouveau cahier des charges qui puisse permettre à des entreprises locales de postuler. "Les délais seront allongés, précise-t-il, car le timing initial de 21 mois était trop court, ce qui entraînait 1,5 million d'euros de pénalités de retard par la seule entreprise candidate." En attendant, "on se retrouve avec un retard incompréhensible de 8 à 9 mois, avec ensuite 23 mois de chantier. Et pendant tout ce temps, les gosses seront sur place", s'indigne l'élu.

Même problème au club de foot

Les élèves des écoles Paul-Bert et Ferdinand-Buisson ne sont pas les seuls à attendre de nouveaux équipements. Les 600 licenciés du club de foot amateur de Savigny-sur-Orge ont le même problème. Ils sont impatients de voir arriver les nouveaux vestiaires du stade Jean-Moulin. Les anciens, trop vétustes, ont été rasés en août, tout comme le foyer, dans lequel se retrouvaient parents et encadrants les week-ends de match.

L'intérieur d'un modulaire, installé au bord de l'un des terrains du stade Jean-Moulin, à Savigny-sur-Orge (Essonne) le 14 novembre 2019. (JULIETTE CAMPION / FRANCEINFO)

"C'est sûr qu'il fallait faire des rénovations", concède Martial Louise-Alexandrine, entraîneur au C.O. Savigny foot. "Les travaux de reconstruction étaient censés reprendre dès début septembre, mais rien ne se passe", s'inquiète-t-il. Là encore, la démolition du site a été lancée avant la validation de l'appel d'offres de reconstruction.

Le maire nous a dit qu'il y avait eu un problème avec le maître d'œuvre et qu'il avait fallu lancer un nouvel appel d'offres. Quand on l'a vu début novembre, il nous a dit que le dossier avançait.

Martial Louise-Alexandrine, entraîneur du C.O.Savigny foot

à franceinfo

En attendant, trois préfabriqués ont été installés. Les parents s'y entassent entre les ballons et les maillots, pour attendre leur progéniture à l'abri du froid. Aucun ne comporte de douches et un seul bloc de toilettes est censé supporter les besoins des dizaines de jeunes. "On est mal à l'aise quand il faut accueillir les équipes des villes voisines", déplore Martial Louise-Alexandrine. Les enfants se changent dehors, dans le froid hivernal, et partagent leurs douches avec le club d'athlétisme. "On n'a pas l'impression que le maire nous porte un véritable intérêt, alors qu'on est l'une des principales associations sportives de la ville", s'agace l'entraîneur.

Affiche placardée sur un panneau d'affichage public, sur l'avenue Charles de Gaulle à Savigny-sur-Orge (Essonne) le 14 novembre 2019.  (CHARLOTTE CAUSIT / FRANCEINFO)

Contacté à deux reprises, le maire Eric Mehlhorn n'a pas souhaité répondre aux questions de franceinfo. "Il n'y a rien de plus à ajouter que ce qui a été dit à la population, par courrier ou dans le bulletin municipal", a précisé son directeur de cabinet. Christian Deschamps, parent d'élève et délégué FCPE, dit avoir été abordé par un opposant qui s'est dit prêt à l'"aider", ce qu'il a refusé. "Avec les municipales qui arrivent, ils vont tous en profiter ! En même temps, si le boulot avait été bien fait…"

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