Augmentation des enseignants, baisses d'impôts... Comment le gouvernement compte-t-il financer ses coups de pouce ?
La France a encore un peu de marge, affirme Jacques Le Cacheux, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste des finances publiques.
Un milliard d'euros de revalorisation promis aux enseignants, dont la moitié dès 2017. Une centaine de millions d'euros finalement redonnés à la recherche après la tribune de sept prix Nobel et une médaille Fields, indignés par des coupes budgétaires, adressée à François Hollande. Sans oublier d'éventuelles baisses d'impôts qui pourraient être décidées cet été.
A un an de l'élection présidentielle, l'Elysée a-t-il décidé de dénouer quelque peu les cordons de la bourse après des années de disette ? Au risque de fâcher Bruxelles, toujours sourcilleux sur le déficit budgétaire ? Francetv info a posé la question à Jacques Le Cacheux, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste des finances publiques.
Francetv info : Quelles sont les conséquences budgétaires des dépenses annoncées par le gouvernement ?
Jacques Le Cacheux : Il devient évidemment plus difficile de tenir l'objectif budgétaire, et de faire passer le déficit en-dessous des 3% du PIB en 2017. Mais il faut aussi regarder un peu plus près, au-delà des effets d'annonce.
En ce qui concerne la recherche, par exemple, François Hollande n'est revenu que sur la moitié des économies annoncées. Après avoir reçu les Nobel, il a accepté de redonner 134 millions d'euros... sur 256 millions initialement supprimés. Pareil pour la revalorisation du salaire des enseignants : l'exécutif annonce une enveloppe d'un milliard d'euros pour la période comprise d'ici à 2020. Pour 2017, il ne s'agit que de 500 millions.
L'exécutif ne prend-il pas le risque de mécontenter la Commission européenne, qui veut que la France rentre dans les clous des 3% de déficit exigés par les traités ?
Vous avez vu ce qu'il s'est passé avec Madrid et Lisbonne, qui affichent un déficit bien supérieur [respectivement de plus de 5% et de 4,4% en 2015, rappellent Les Echos] ? Bruxelles s'est bien gardé d'intervenir avant les nouvelles élections en Espagne, à la fin juin. La Commission européenne va éviter, autant que possible, de s'immiscer dans la campagne présidentielle française d'ici à 2017. Tacitement, le gouvernement français table là-dessus : il considère que même s'il n'est pas dans les clous, ce n'est pas dramatique.
Bien sûr, il faut essayer de contrôler le déficit, mais la France devrait être autour de 3% l'an prochain. Elle peut faire des accrocs, d'autant que, depuis 2012, le déficit a été considérablement réduit [de 5,2% du PIB en 2011 à 3,5% en 2015]. Il y a eu, les années passées, des coupes importantes dans les dépenses, à l'exception des secteurs sanctuarisés comme la Défense, la police ou la justice. Il y a donc des petites marges.
Le gouvernement ne parie-t-il pas aussi sur un retour de la croissance, qui pourrait gonfler les recettes ?
Oui. Quand Paris a annoncé 1,5% de croissance pour la France en 2016, il n'a pas été suivi par de nombreux observateurs, mais le FMI lui a récemment donné raison, prévoyant que ce serait sûrement 1,5%. Pour le gouvernement, la croissance va être un peu meilleure que prévu, donc les rentrées fiscales suivront. Conséquence : il peut se permettre de dépenser quelques milliards supplémentaires.
Au risque d'accroître la dette ?
La dette française n'est pas insolvable. La France n'est pas la Grèce ! Elle emprunte à des taux très bas, ce qui signifie que les investisseurs et épargnants ont confiance dans notre dette publique. Il y a beaucoup d'épargne en Europe, il faut bien la placer quelque part. La dette publique allemande est le meilleur placement, mais on se rabat sur la dette française ou sur celle des Pays-Bas, qui sont quand même des dettes assez sûres.
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