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Marches des libertés : il existe un "bloc sociologique qui pèse plus de 30% de la société et qui s'inquiète beaucoup", affirme un politologue

Selon le politologue Erwan Lecoeur, le paysage politique français est passé de l'affrontement de deux blocs gauche-droite à l'affrontement de trois blocs : extrême droite, centre libéral, gauche.

Article rédigé par franceinfo
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Une banderole de la marche des libertés de Nantes, le 12 juin 2021. (ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS)

Il existe un "bloc sociologique qui pèse plus de 30% de la société et qui s'inquiète beaucoup", affirme ce samedi 12 juin sur franceinfo le politologue et sociologue Erwan Lecoeur, alors que plusieurs centaines de personnes participent à des "marches des libertés" dans toute la France, organisées pour dénoncer la distillation des idées d'extrême droite dans le débat politique en pleine campagne des départementales et régionales et à l'approche de la présidentielle.

Que nous disent ces manifestations du paysage politique actuel ?

D'abord, elles nous disent qu'il y a en effet une restructuration complète du paysage politique. Nous sommes passés d'un affrontement gauche-droite à un affrontement en trois blocs dans lequel ce qu'on va appeler l'extrême droite a pris une part non négligeable. Et désormais, il y a une possibilité d'accession au pouvoir parce que la présidentielle fait ainsi un bloc centriste ou central libéral avec M. Macron principalement, et un bloc sociologique qui existe, qui pèse plus de 30 % de la société largement, mais qui, politiquement, par contre, est devenu minoritaire et qui s'inquiète beaucoup. C'est aussi une des raisons sans doute de cette marche aujourd'hui, c'est de reconstituer ce bloc sociologique pour en refaire un bloc politique qui soit capable un petit peu d'exister dans les médias, dans la politique et notamment vis-à-vis de la prochaine présidentielle qui a écarté toutes les autres élections et notamment les régionales et les départementales qui se jouent la semaine prochaine.

Ces manifestations ne sont-elles pas contre-productives parce qu'elles montrent au fond la désunion de la gauche ?

D'une certaine façon la désunion de la gauche ou la difficulté que la gauche, les écologistes, les humanistes ont à se retrouver dans un bloc politique apparaît lors de cette manifestation. Mais en même temps, ce type de manifestation dans l'histoire a pu permettre de redonner un sens au collectif. Et aujourd'hui, c'est cela qui est en train de se jouer. Est-ce qu'il y a encore la place politiquement pour un front, disons, populaire élargi ? Et cette manifestation peut être un point de départ, en tout cas, un point de convergence, un point de discussion. Mais c'est quand même la trace d'une inquiétude évidente dans ce peuple de la gauche, de l'écologie et de tout un tas de choses face à ce qui se passe dans les médias, sur les réseaux sociaux, etc.

C'est une inquiétude justifiée ? Les idées de l'extrême essaiment vraiment sur une large partie de la classe politique ?

La réponse est oui et non. En réalité, les idées de l'extrême droite ne progressent pas fondamentalement. Le racisme régresse dans nos sociétés depuis des années. Tout un tas de choses. L'homophobie, l'antisémitisme, tout cela régresse. Nous sommes dans une société de plus en plus ouverte à tout un tas de choses. Ce qui progresse, c'est un certain nombre de petites thématiques par rapport à l'actualité et à la façon dont l'actualité est présentée. On l'a vu avec le 21 avril 2002. Il y a eu plus de violence dans la société que d'habitude, mais le JT de TF1 et de France 2 parlaient de violence 40 fois par JT. On avait fait le calcul à l'époque, donc il y a aussi une mise en scène réalité qui n'est pas exactement la réalité, ce qu'on appelle l'imaginaire social partagé. On l'a vu sur YouTube, etc. Une banalisation et, d'une certaine façon, une résignation d'une grande partie des électeurs de gauche, mais pas seulement, qui se disent de toute façon, c'est foutu, Marine Le Pen, un jour, arrivera au pouvoir. C'est ce qu'on voit notamment dans les grandes enquêtes. On voit qu'une majorité aujourd'hui, estime possible qu'elle arrive au pouvoir, ce qui n'était pas le cas auparavant.

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