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Propos de Marine Le Pen sur la rafle du Vel' d'Hiv : une "provocation a minima" d'une "grande maladresse"

Pour l'historien Nicolas Lebourg, les propos polémiques de Marine Le Pen sur le Vel'd'Hiv, dimanche, tiennent plus d'une provocation maladroite que d'une lecture révisionniste de la Seconde Guerre mondiale.

Article rédigé par franceinfo
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La candidate FN à la présidentielle Marine Le Pen, lors d'un meeting au Palais des congrès d'Ajaccio, le 8 avril 2017. (PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP)

"La France n'est pas responsable du Vel'd'Hiv" a déclaré dimanche 9 avril Marine Le Pen, candidate du Front national à l'élection présidentielle. Lors de cette rafle en 1942, plus de 13 000 Juifs ont été arrêtés à Paris.

Selon Nicolas Lebourg, historien et membre de l’Observatoire des radicalités politiques, Marine Le Pen effectue "une provocation a minima". Marine Le Pen reprend "une lecture gaulliste de l'Histoire de France", selon lui. Elle ne s'adresse pas "à une frange de son parti", a-t-il estimé lundi sur franceinfo, mais aux médias, afin de "provoquer un scandale". Il estime qu'elle ne s'inscrit pas dans la lignée révisionniste du Front national, "mais se situe sur un discours contre la repentance et sur une fibre patriotique et nationale".

franceinfo : Voyez-vous dans ce discours de Marine Le Pen une résurgence du "vieux" Front national ?

Nicolas Lebourg : Non, pas du tout. J’y vois une provocation a minima, puisqu’elle permet à Matine Le Pen de rebondir en citant le général De Gaulle, dans une campagne où elle est encore très haut dans les sondages, au même niveau depuis six mois. Elle était un peu transparente lors du débat télévisé. Elle se dit donc que la vieille tradition d’une petite provocation sur laquelle les autres vont réagir lui permet de revenir un peu au centre du jeu. Elle n’a pas ses lanceurs de balles habituels. Elle était habituée à avoir un Nicolas Sarkozy, un Jean-François Copé ou un Manuel Valls, qui venaient parler de l’islam, etc. Or, la campagne est essentiellement axée sur les thématiques économiques, où elle n’est pas très à l’aise. Son programme sert même d’épouvantail.

Son discours est-il destiné aux électeurs ou à une frange de son parti ?

Je ne crois pas que ce soit adressé à une frange de son parti. Ce qu’elle dit, en reprenant la lecture gaulliste de l’Histoire de France, n’est pas quelque chose qui va séduire les petites franges d’une droite radicalisée pour qui le général De Gaulle n’est pas un modèle. Ses propos sont plutôt adressés aux médias, de manière à pouvoir provoquer un scandale et, une fois de plus, un scandale a minima. Elle effectue le service minimum de démarcation pour dire qu’elle est contre le système, sur ce thème de la repentance.

Cela n’écorne pas l’image du Front national qu’elle s’est obstinée à lisser ?

Il y a une grande maladresse dans cette référence à la rafle du Vel’d’Hiv. Dans cette rafle, il y a certes la police française, mais il y a aussi les hommes de main d’un parti collaborationniste qui s’appelle Parti populaire français, furieusement antisémite. Le numéro 2 de ce parti, Victor Barthélemy, sera le numéro 2 du Front national dans les années 70. Si Marine Le Pen connaissait un peu mieux l’histoire de son parti, elle aurait choisi un autre exemple. Cela lui éviterait qu’on parle à nouveau de Victor Barthélemy. Dans la stratégie de dédiabolisation, il y a quand même cette idée qu’on évite ce qui a trait à la Seconde Guerre mondiale et qu’il vaut mieux parler de la guerre d’Algérie. Il y a donc un calcul, mais pas extrêmement bien fait.

S’inscrit-elle dans la lignée révisionniste du Front national, comme le dénonce l’Union des étudiants juifs de France ?

Stricto sensu, pas du tout. Au niveau juridique, la loi Gayssot, dont le Front national demande l’abrogation, interdit la négation de l’Histoire. Marine Le Pen ne dit nullement qu’il n’y a pas eu d’extermination des Juifs d’Europe, qu’il n’y a pas eu plus de 5 millions d’Européens juifs qui ont été exterminés. Elle se situe sur un discours contre la repentance et sur une fibre patriotique et nationale, qui lui permet, encore une fois, de faire un service minimum de démarcation, ce qui lui permet de se présenter différemment, de faire un tollé, tout en retombant sur des choses relativement consensuelles.

Propos de Marine Le Pen sur la rafle du Vel' d'Hiv : une "provocation a minima" d'une "grande maladresse", selon l'historien Nicolas Lebourg

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