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Les quatre maux de campagne qui ont pu faire perdre Bartolone en Ile-de-France

Dimanche 13 décembre, c'est la candidate de la droite et du centre, Valérie Pécresse, qui a remporté la région Ile-de-France, avec quelques milliers de voix d'avance sur le socialiste Claude Bartolone. Retour sur ce qui a pu coûter la victoire au président de l'Assemblée nationale. 

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le candidat PS Claude Bartolone et son adversaire Valérie Pécresse (LR), lors d'un débat d'entre-deux tours des élections régionales, le 9 décembre 2015. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Avec 43,8% des voix au second tour des élections régionales, Valérie Pécresse a arraché l'Ile-de-France à la gauche, dimanche 13 décembre. La tête de liste Les Républicains-UDI-MoDem présidera le conseil régional pour les six années à venir. Avec 42,18% des suffrages, le candidat de la gauche, Claude Bartolone, son principal adversaire, n'est pas parvenu à garder la région gérée par son camp depuis 1998. 

Comment expliquer cette défaite ? Porté par son destin national, Claude Bartolone a-t-il péché par excès de confiance en se lançant dans la bataille ? Francetv info a relevé quatre faiblesses de sa campagne qui lui ont sans doute en partie coûté la victoire.

Une candidature tardive

C’est seulement la veille de la date butoir fixée par son parti, le 7 mai 2015, que Claude Bartolone annonce sur BFMTV qu’il se tient "à la disposition du Parti socialiste, puis des écologistes et de toute la gauche". "Si ma candidature peut permettre le rassemblement, je la déposerai", ajoute-t-il. Alors que Jean-Paul Huchon, le président sortant, et sa première vice-présidente Marie-Pierre de La Gontrie se sont déjà portés candidats. Et que, quinze jours auparavant, le président de l’Assemblée nationale a assuré à François Hollande qu’il ne briguerait pas ce mandat.

Mais la direction du PS cherchait manifestement un troisième homme pour affronter Valérie Pécresse, candidate du parti Les Républicains. Au risque de paraître opportuniste ? Les colistiers de Claude Bartolone s'en défendent aujourd'hui. "Bartolone n'est pas désigné comme un suiveur du gouvernement, remarque Morgane Caradec, colistière dans l’Essonne. Il était attendu comme l’homme providentiel. Il représente quelque chose de central à gauche." "Son entrée tardive dans la campagne n’a pas joué dans la défaveur de Claude Bartolone, affirme sa colistière des Hauts-de-Seine Valérie Mathey. D’ailleurs, même en faisant une campagne de cinq ou six ans avant les élections, Valérie Pécresse les a remportées de très peu."

Pourtant, la candidate de la droite peut se targuer d'un travail de longue haleine. Déjà en campagne contre Jean-Paul Huchon aux élections de 2010, Valérie Pécresse brigue la présidence du conseil régional depuis plusieurs années, et a largement mis en avant son implication dans le combat pour la région pendant sa campagne. "Nous avions face à nous une candidate qui était en campagne depuis cinq ans", note l’écologiste Emmanuelle Cosse, qui a fusionné sa liste avec celle de Claude Bartolone entre les deux tours, rapporte Le Monde. Selon le quotidien, le soir de sa victoire, Valérie Pécresse aurait déclaré à son adversaire : "Le travail paie parfois !"  

Une accusation de clientélisme qui tombe mal

Fustigeant pendant la campagne "le système Bartolone", Valérie Pécresse a souvent cherché à dépeindre son adversaire comme le "parrain" de la Seine Saint-Denis, où l'homme politique a tissé ses réseaux.

Début octobre, une information révélée par Le Monde vient apporter du grain à moudre à la candidate de la droite : une enquête préliminaire a été ouverte au parquet de Bobigny pour des soupçons d'emploi fictif au conseil général de Seine-Saint-Denis, lorsque celui-ci était présidé par Claude Bartolone.

La justice s'intéresse à l'embauche de Didier Segal-Saurel, un élu de Pantin. En 2008, ce dernier "laisse sa place" à Claude Bartolone sur la liste de gauche pour les régionales, relate Le Monde. Après la victoire de cette liste, il est engagé dans le cabinet de Claude Bartolone. Lorsque celui-ci quitte la présidence de la Seine-Saint-Denis pour celle de l'Assemblée nationale, Didier Segal-Saurel devient "chargé de projet" à la direction de la culture du département. Son contrat est signé par "le président du conseil général lui-même", souligne la Chambre régionale des comptes, pour qui "une incertitude existe sur la réalité de son service au sein de cette direction".

Claude Bartolone affirme recevoir cette accusation avec "sérénité", mais elle ouvre pour Valérie Pécresse une brèche dans laquelle elle s'engouffre.

Une sortie sur la "race blanche" qui ne passe pas

De cet entre-deux-tours en Ile-de-France, on a retenu une phrase de Claude Bartolone qui a provoqué une polémique : "[Valérie Pécresse] tient les mêmes propos que le FN, elle utilise une image subliminale pour faire peur. Avec un discours comme celui-là, c'est Versailles, Neuilly et la race blanche qu'elle défend en creux." Des propos tenus dans un entretien à L’Obs le 9 décembre et répétés lors d'un meeting le soir même à Créteil (Val-de-Marne).

L'évocation d’une "race blanche" rappelle les propos de Nadine Morano, qui lui ont coûté sa candidature aux régionales dans le Grand Est pour Les Républicains. Valérie Pécresse ne tarde pas à exprimer son indignation face aux accusations de son rival socialiste. Dès le lendemain, elle annonce sur LCI son intention de porter plainte pour "injure aggravée" et juge "abjecte" cette déclaration du candidat de la gauche.

"Cette polémique nous a plombés, admet Jérôme Impellizzieri, candidat sur la liste PS en Seine-et-Marne. Pourtant, la dynamique de rassemblement était de notre côté dans l’entre-deux-tours avec la droite qui se déchirait face à l’UDI. On est tombés dans une campagne de caniveau." "Ce sont des propos qui ont beaucoup desservi la campagne, des deux côtés. Ça a fait monter la mayonnaise et tout le monde s’en est offusqué. C’est vraiment dommage que ce soit la seule chose que l’on garde", regrette Valérie Mathey, candidate dans les Hauts-de-Seine.

Un emploi du temps trop chargé ?

Entré en campagne tardivement, Claude Bartolone s'est-il surestimé en pensant pouvoir mener de front une campagne exigeante et son poste de président de l'Assemblée nationale ?

"Il pouvait très bien faire les deux. D’ailleurs, Jean-Yves Le Drian en est le parfait exemple. Il est resté ministre de la Défense et a remporté les élections haut la main", assure Valérie Mathey. Mais la popularité des deux candidats socialistes n’est pas comparable. Bien qu’il ait très peu fait campagne, accaparé par les enjeux sécuritaires, le ministre de la Défense a fait le "meilleur score des têtes de liste socialistes", avec 35% des suffrages au premier tour, rappelle Le Monde, citant ses proches. Claude Bartolone n'a pas pu compter sur la même assise.

Dans ce contexte, la suspension de la campagne par le PS après les attentats du 13 novembre, jusqu’à l’hommage national aux victimes, n'a sans doute guère aidé. Elle a repris tout juste une semaine avant le premier tour.

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