Régionales : entre Bartolone et Pécresse, une campagne de coups bas en Ile-de-France
Invectives, plaintes, polémiques… En Ile-de-France, le combat entre Claude Bartolone et Valérie Pécresse pour les élections régionales vire au pugilat.
"C'est une des régions les plus disputées, ça crée un peu plus de tension qu'ailleurs." Claude Bartolone était lucide, début octobre, sur le climat sulfureux dans lequel se déroule la campagne des élections régionales en Ile-de-France, qui l'oppose notamment à Valérie Pécresse, des Républicains.
Plaintes en diffamation, polémiques surjouées… Entre les deux camps, donnés au coude-à-coude dans les sondages, tout est bon pour tenter de déstabiliser l'adversaire. Dernière escarmouche : l'équipe de Claude Bartolone, accusé de communautarisme par ses rivaux, après avoir cité l'intellectuel musulman Tariq Ramadan, dimanche 25 octobre, a indiqué qu'elle porterait plainte pour diffamation. Retour sur un premier mois de campagne agité.
Des tracts de Pécresse découverts dans une mairie
Fin septembre, la mairie de Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne), dirigée par les Républicains, sollicite, par mail, une vingtaine de mairies du canton pour venir chercher "des tracts pour les élections régionales". Des documents qui sont, en fait, des tracts de Valérie Pécresse : près de 4 000, constate un huissier, après que des mairies socialistes ont sonné l'alerte. "C'est totalement interdit par le Code électoral", s'insurge le directeur de campagne de Claude Bartolone, Luc Carvounas, le 1er octobre, dénonçant même "un vrai dispositif à l'échelle départementale". Le PS dépose plainte pour "aide prohibée d'une collectivité à un candidat".
Dans le camp de Valérie Pécresse, on dénonce "une nouvelle boule puante dans la campagne détestable" de Claude Bartolone. Le porte-parole de l'ancienne ministre, Geoffroy Didier, invoque "une initiative malheureuse" d'un militant. Le lendemain, l'équipe de campagne de Valérie Pécresse annonce le dépôt d'une plainte contre X pour éclaircir ce qu'elle décrit comme un "détournement" de ses documents. Mais aussi pour diffamation contre Claude Bartolone et Luc Carvounas.
Une enquête contre Bartolone après une saisie par ses opposants
Le 6 octobre, le parquet de Bobigny annonce avoir ouvert une enquête préliminaire sur un recrutement du cabinet de Claude Bartolone, en 2012, alors que celui-ci présidait le conseil général de Seine-Saint-Denis. L'objectif ? Déterminer si l'emploi de Didier Ségal-Saurel, ancien élu socialiste devenu chargé de projet, était fictif ou non. En pleine campagne, l'affaire tombe mal.
Pour Claude Bartolone, "il n’a échappé à personne qu’une campagne électorale est engagée. La ficelle est un peu grosse." En effet, c'est le président du groupe Les Républicains en Seine-Saint-Denis qui a saisi le parquet, après la publication d'un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) sur la gestion départementale de Claude Bartolone. La CRC, obligée d'avertir le parquet quand elle constate un délit, ne l'avait pas saisi du cas de Didier Ségal-Saurel. Preuve, pour le candidat socialiste, qu'il est visé par "une campagne de calomnies". "Je fais confiance à la justice", commente de son côté Valérie Pécresse.
Bartolone convaincu d'être espionné par ses rivaux
Le lendemain, mercredi 7 octobre, Claude Bartolone tient sa conférence de rentrée devant les journalistes parlementaires à l'Assemblée nationale, et s'emporte. D'abord contre son surnom de "Parrain du 9-3", ressurgi dans les médias à la faveur de l'enquête pour emploi fictif, et dont il dénonce la "connotation raciste" en lien avec ses racines italiennes.
Mais il accuse surtout ses opposants, sans les nommer, d'employer "des méthodes qui relèvent de la Stasi" pour espionner ses déplacements. "Hier, je faisais une émission à BFM et j'ai découvert que l'on m'envoyait un jeune gamin de 18 ans prendre en photo, à 6h30 du matin, la voiture avec laquelle j'arrivais", raconte-t-il. "Claude Bartolone pète les plombs. (...) C'est surréaliste et diffamant pour Valérie Pécresse", riposte le porte-parole de cette dernière.
Le CSA saisi du cas Bartolone par la droite
Une semaine plus tard, le 15 octobre, la quasi-totalité des députés des Républicains, dont François Fillon et le président du groupe à l'Assemblée, Christian Jacob, adressent un courrier au président du CSA, pour se plaindre de la diffusion de la conférence de presse de Claude Bartolone par la chaîne LCP. "Un mélange des genres", estiment-ils, le président de l'Assemblée ne s'étant pas privé de commenter la campagne. Pour eux, "la diffusion de cet événement porte un coup à la nécessaire équité dans le débat politique".
Dans le camp d'en face, on brandit, graphiques à l'appui, l'argument selon lequel le président de l'Assemblée nationale n'aurait utilisé qu'une toute petite partie du temps qui lui était imparti à la campagne des régionales, l'essentiel de son intervention concernant la politique nationale. Pas comme la conférence de presse donnée en juin par Valérie Pécresse devant la même association de journalistes à l'Assemblée…
Avec #Pécresse, c'est un jour, un mensonge. Nous, c'est #AvecBarto! pic.twitter.com/1aMKEs2KUL
— Avec Barto (@AvecBarto) 9 Octobre 2015
La polémique finit par accoucher d'une souris : le 21 octobre, le CSA répond à Christian Jacob que la régulation de la chaîne LCP n'est pas de son ressort, mais de celui du Bureau de l'Assemblée nationale.
Une citation de Tariq Ramadan montée en épingle
Dimanche 25 octobre, Claude Bartolone donne une interview à Radio J, et prononce une phrase de Tariq Ramadan, en indiquant que ces propos lui servent de "boussole" dans son engagement politique. Immédiatement, les condamnations fusent : "Pour nous, la pensée de Tariq Ramadan n'est pas une boussole mais un repoussoir !" déclinent sur tous les tons les partisans de Valérie Pécresse, qui y va aussi de son propre tweet.
Ma boussole c'est la République, où les droits des femmes ne sont pas négociables! #indignée #ForumRadioJ @frhaz https://t.co/M9NHZhsIO3
— Valérie Pécresse (@vpecresse) October 25, 2015
Pourtant, en écoutant attentivement les propos de Claude Bartolone, on se rend compte que le candidat a cité Tariq Ramadan pour en prendre le contre-pied, comme le relève Le Scan. Ni une ni deux, le directeur de campagne de Claude Bartolone, Luc Carvounas, annonce une plainte en diffamation "contre Geoffroy Didier et toutes celles et ceux qui véhiculent ces propos".
L'affaire pourrait même aller plus loin car, du côté du PS, on relève que le tweet de Valérie Pécresse est apparu (au moins un moment) comme "sponsorisé" sur Twitter. Quelqu'un aurait donc dépensé de l'argent pour faire en sorte que ce message soit davantage visible sur le réseau social, une pratique interdite en période électorale. Interrogé par Metronews, l'entourage de Valérie Pécresse évoque "une erreur individuelle". Chez Claude Bartolone, on s'apprête déjà à saisir la Commission nationale des comptes de campagne.
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