Enquête au Bolchoï après l'agression à l'acide du directeur artistique
La police s'intéresse à l'entourage professionnel de Sergueï Filine, dans un théâtre habitué des scandales.
La police arpente les coulisses feutrées d'un des plus prestigieux théâtres du monde. Au Bolchoï, à Moscou (Russie), l'entourage professionnel du directeur artistique Sergueï Filine, agressé à l'acide jeudi, est au coeur de l'enquête. "Pour la deuxième journée consécutive, ils interrogent les employés du théâtre, les artistes", a expliqué Anatoli Iksanov, le directeur général du théâtre, samedi 19 janvier.
Filine raconte son agression
Sergueï Filine souffre de brûlures au troisième degré au visage et à la cornée des deux yeux. L'ancien danseur, directeur artistique du ballet du Bolchoï depuis 2011, a été attaqué jeudi soir tard par un inconnu qui lui a jeté de l'acide au visage, au pied de son immeuble du centre de Moscou. "J'ai cru qu'on allait me tirer dessus. Je me suis retourné pour m'enfuir, mais il m'a rattrapé et il m'a aspergé le visage", a-t-il pu raconter, vendredi matin, dans sa chambre de l'hôpital n°36 de Moscou.
Sergueï Filine, 42 ans, a dansé au Bolchoï à partir de 1988 avant de devenir en 2008 le directeur artistique d'un autre théâtre musical moscovite, le Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko, dont il a fait l'une des scènes les plus prestigieuses de Russie. En mars 2011, ce père de trois enfants a remplacé au Bolchoï le précédent directeur artistique Iouri Bourlaka.
Directeur artistique, un métier dangereux
La police moscovite a dit privilégier la piste de son entourage professionnel. Les médias russes ont fait état de soupçons dont auraient fait part en privé des artistes du Bolchoï et des proches de Sergueï Filine, sans qu'aucun nom ne soit cité. "Le directeur artistique prend des décisions très importantes, sur la rémunération des artistes, sur qui jouera quel rôle", a expliqué une ancienne danseuse du Bolchoï, Anastasia Volotchkova, qui a insisté sur la "cruauté du monde du ballet".
Devant la presse convoquée vendredi au théâtre, le directeur du Bolchoï avait révélé que Sergueï Filine avait fait l'objet de menaces, et avait vu sa messagerie et son compte Facebook piratés, son téléphone bombardé d'appels muets, les pneus de sa voiture crevés ces dernières semaines. En 2011, un autre candidat au poste, Guennadi Ianine, directeur du ballet, avait renoncé et démissionné du Bolchoï après la diffusion sur l'internet de photos pornographiques.
Le Bolchoï, habitué du scandale
Le chorégraphe Alexeï Ratmanski, ancien directeur artistique du Bolchoï, a jugé que l'attaque contre Sergueï Filine "n'était pas un hasard", compte tenu des habitudes du théâtre. Il a notamment fustigé la "pratique révoltante des applaudissements payés (...) les trafiquants et revendeurs de billets, les fans à moitié fous, prêts à sauter à la gorge des concurrents de leurs idoles".
L'historien du ballet Vadim Gaïevski, interrogé par l'AFP, a cependant rappelé que les intimidations n'étaient pas une nouveauté au Bolchoï. Il a raconté qu'à l'époque soviétique, les danseuses retrouvaient parfois dans leurs pointes des éclats de verre, et que la célèbre ballerine Galina Oulanova avait reçu une lettre dans laquelle on la menaçait de lui briser les jambes.
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