Belgique-Italie : pour les Diables Rouges, le paradis passe par l'exil
Le milieu de terrain Hans Vanaken est le seul joueur de sa sélection à évoluer dans le championnat belge.
Ils étaient deux au début de l'Euro. Mais après le forfait du deuxième gardien, Simon Mignolet, Hans Vanaken est devenu le seul joueur de la sélection belge à évoluer dans son championnat national. Et encore, le milieu du Club Bruges n'a disputé qu'une seule petite minute dans la compétition, et s'est assis à trois reprises en tribunes. Championnat peu attractif, exil des jeunes joueurs... Christophe Franken, chef de la rubrique foot du quotidien belge La Dernière Heure, apporte quelques éléments d'explication sur cette particularité.
L'absence de joueurs de Jupiler Pro League en équipe nationale ? "On commence à y être habitués", répond Christophe Franken. La Belgique a connu une longue période sans aucune qualification pour un tournoi majeur, entre 2002 et 2014 : "Avant 2002, beaucoup de Diables Rouges venaient du championnat, mais il a perdu en qualité et nos joueurs sont devenus trop forts pour la Jupiler Pro League. Donc depuis 2014, quasiment tous les joueurs sélectionnés jouent à l'étranger", résume le journaliste belge.
Lors du retour de la Belgique sur la scène internationale, à l'occasion de la Coupe du monde 2014, seuls trois joueurs de la première division belge avaient été sélectionnés, contre quatre pour l'Euro 2016 et un seul lors du Mondial 2018. À titre de comparaison, le Portugal, les Pays-Bas et la Russie, les championnats qui se situent juste devant la Jupiler Pro League au classement UEFA des ligues nationales, ont retenu respectivement 6, 12 et 22 joueurs locaux dans leur liste pour cet Euro 2021.
11.5 million Belgians. 26 names. 1 goal. #EURO2020 pic.twitter.com/DYK7pYPz9j
— Belgian Red Devils (@BelRedDevils) May 17, 2021
"Un championnat de post-formation"
Qu'il semble loin le temps où les clubs belges étaient abonnés aux finales de coupes d'Europe et notamment celles de la Coupe des coupes, remportée à trois reprises par une équipe du plat pays entre 1976 et 1988 (Anderlecht par deux fois et Malines). Depuis 2001, seule La Gantoise s'est qualifiée pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions, en 2016, et a été éliminée à ce stade. Dans l'histoire de la C1, seul Bruges s'est hissé en finale, en 1978.
Une faiblesse du championnat qui ne permet pas de retenir ou d'attirer les meilleurs joueurs : "Même quand Simon Mignolet est revenu à Bruges, qui est notre plus gros club, en 2019, c'était une grosse surprise. C'est très rare de voir un joueur qui était le deuxième gardien de Liverpool, revenir dans le championnat belge, même en fin de carrière", observe Christophe Franken.
La majorité des clubs se concentrent alors sur la formation, le repérage, pour faire de la plus-value avec de juteux transferts : "La Jupiler League est en fait un championnat de post-formation. Anderlecht, par exemple, a formé de nombreux grands joueurs belges, mais dès qu'ils passent un cap, ils doivent s'exiler s'ils veulent jouer en équipe nationale", note le chef du football à la DH. "C'est le cas de Jérémy Doku, parti à Rennes. Il était l'un des meilleurs joueurs du championnat belge, mais il a vu une vraie différence de niveau alors que Rennes n'est même pas le meilleur club de la Ligue 1, qui n'est pas le meilleur championnat. On voit aussi qu'il a beaucoup progressé quand il revient en équipe nationale", ajoute-t-il.
Un Eldorado en Angleterre
Si Roberto Martinez, le sélectionneur, ne s'appuie pas sur le vivier évoluant en Jupiler Pro League, il compte beaucoup sur ses internationaux qui garnissent les effectifs des clubs anglais : "Finalement, le championnat des Diables Rouges, c'est la Premier League, plaisante Christophe Franken. D'ailleurs, différents médias belges ont envoyé des correspondants permanents en Angleterre pour suivre le championnat". Pour cet Euro, Martinez a fait appel à dix joueurs de Premier League, dont la star de Manchester City, Kevin de Bruyne, ou encore le milieu de Leicester, Youri Tielemans. Ils étaient même onze lors du dernier Mondial, quand Eden Hazard évoluait encore du côté de Chelsea.
"Paradoxalement, il ne faut pas trop de Diables Rouges dans le championnat belge, ce serait un mauvais signe sur le niveau de la sélection."
Christophe Frankenà franceinfo: sport
Pourtant, à en croire Christophe Franken, le sélectionneur est régulièrement présent dans les stades du championnat belge pour observer les joueurs locaux : "Il convoque souvent des groupes élargis pour des matchs amicaux ou des éliminatoires, pour montrer qu'il suit les joueurs, leur envoyer des signaux positifs, mais on sait bien que le noyau dur joue à l'étranger." Roberto Martinez s'emploierait-il à garder un minimum de joueurs de Jupiler Pro League en sélection, par principe ? "On peut même se demander si Vanaken aurait été pris si la liste n'avait pas été élargie à 26 joueurs."
Selon Franken, même le projet de fusion entre les ligues belge et néerlandaise (BeneLeague) n'inverserait pas la tendance : "Le but est de devenir le cinquième championnat européen, mais ça ne rendrait pas la Belgique plus attractive. Ça permettrait peut-être simplement de retarder les départs des bons éléments." Et la fédération belge se retrouve sans solution, alors que les clubs n'ont pas les moyens de retenir leurs joueurs : "Au début, c'était choquant, mais la fédération a bien compris que c'était peine perdue. Finalement, on n'aurait pas été spécialement choqués s'il n'y avait pas eu de joueur du championnat belge avec les Diables à l'Euro", admet Christophe Franken.
Malgré un championnat national délaissé, la Belgique reste un favori de l'Euro. Elle affronte l'Italie vendredi 2 juillet, une sélection qui présente des caractéristiques diamétralement opposées, avec seulement quatre joueurs évoluant loin de la Serie A.
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