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Euro 2021 : l'accident cardiaque du Danois Christian Eriksen était "totalement imprévisible", selon le cardiologue François Carré

Selon ce spécialiste, il était impossible de prévoir un tel malaise de la part de l'international danois. 

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le milieu de terrain danois Christia Eriksen, lors du match contre la Finlande au cours duquel il a été victime d'un malaise, le 12 juin 2021. (HANNAH MCKAY / POOL / AFP)

Après sa perte de connaissance, samedi 12 juin, lors du match de groupe de l'Euro face à la Finlande, le milieu de terrain de la sélection danoise Christian Eriksen a été transporté dans l'hôpital le plus proche de la ville de Copenhague, où se déroulait la rencontre, et son état est stable. Au lendemain de cet accident, François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, nous explique comment un tel événement a pu se produire. 

Comment un athlète de haut niveau comme Christian Eriksen, très surveillé médicalement, peut-il s'écrouler en plein match comme ce fut le cas samedi soir ? 

François Carré : Les footballeurs, comme tous les sportifs de haut niveau et professionnels, sont très suivis médicalement. Toutefois, malgré ce suivi poussé, nous ne sommes pas capables de détecter quelque chose qui va se passer dans l'avenir s'il n'y a aucune trace avant. Il faut savoir que les sportifs passent des examens comme un électrocardiogramme au repos, une échographie cardiaque, et généralement une épreuve d'effort. Mais il est possible que ces examens s'avèrent normaux alors que le patient, et ici le sportif, a une maladie génétique qui peut provoquer ce genre d'accident. Certaines pathologies sont indétectables. 

D'autre part, cet accident peut aussi s'expliquer par la présence de "cicatrices" sur le cœur du sportif. Comme quand vous avez une cicatrice après que vous vous soyez coupé la peau, vous pouvez avoir des cicatrices sur la paroi du cœur, liées le plus souvent aux myocardites (qui sont des inflammations du cœur, causées par une infection virale comme la grippe). Cette myocardite va donc vous laisser une petite cicatrice, qui, un jour, pourra peut-être déclencher une arythmie (anomalie qui affecte la fréquence cardiaque normale).

Ce genre d'accident est-il donc totalement imprévisible ?

Oui, c'est totalement imprévisible, sauf si le joueur avait décrit auparavant des symptômes. Mais je ne pense pas que ce fut le cas, car Eriksen joue dans un grand club, il était donc très bien suivi médicalement. Donc d'après moi, il n'a sûrement jamais eu de symptômes.

Peut-on dire que son malaise a été provoqué par l'effort lors du match ? 

Ce qui a provoqué le malaise, c'est l'intensité de l'effort. D'ailleurs, on sait que l'accident arrive non pas pendant un effort intense, mais plutôt dans les secondes qui suivent, c'est-à-dire que le joueur fait son action, s'arrête, ralentit, marche et tombe. 

"Le sport ne provoque pas l'arythmie, il la révèle."

François Carré, cardiologue du sport

à franceinfo: sport

Ce risque est donc indétectable ? 

Pour le détecter, il faut réaliser une Imagerie par résonance magnétique (IRM). On pourrait donc penser qu'il faut faire passer des IRM à tous les footballeurs ou sportifs de haut niveau, sauf que, quand on fait l'IRM, on peut certes détecter ces petites cicatrices, mais qui peuvent rester silencieuses. Donc, on ne va pas interdire à des footballeurs de faire une carrière alors qu'il est possible que rien ne leur arrive jamais. C'est pour cela qu'aujourd'hui il a été décidé de ne pas faire d'IRM à tous les joueurs. On estime le risque à un cas sur 200 000 avant 35 ans, puis 1 sur 50 000 au-delà de 35 ans (chiffre qui augmente avec le risque d'infarctus). 

Si on compare cet accident à celui qui a coûté la vie au Camerounais Marc-Vivien Foé en 2003, les équipes sur place ont été très réactives, une réactivité qui lui a surement sauvé la vie ?

Oui, depuis l'accident de Marc-Vivien Foé, on a mis en place des protocoles à suivre. Déjà l'arbitre est intervenu tout de suite, et surtout les secouristes qui sont des gens formés à la réanimation, sont arrivés très vite, dans les trois minutes. C'est cela qui a sauvé Eriksen. A l'époque de Marc-Vivien Foé, il n'y avait pas tout ça. Aujourd'hui, on a retenu la leçon et ce qui a été mis en place a fonctionné, donc c'est rassurant. On n'a certes pas pu prévoir l'arrivée de l'accident, mais quand il est arrivé, on a empêché que le joueur décède.

Une fois remis, Eriksen pourra-t-il reprendre sa carrière ?

Tout d'abord, vu comment il a été capable de parler à sa famille et à ses coéquipiers, et d'après ce que j'ai pu lire et entendre, il a récupéré immédiatement. Quand il est sorti du terrain, il était déjà réanimé et il avait un masque à oxygène. S'il avait été en arrêt cardiaque, on l'aurait intubé. Maintenant, c'est le temps des bilans. On va faire une IRM, une radio des artères du cœur, qui s'appelle la coronarographie, qu'on fait pour rechercher les infarctus. Si on ne trouve rien, on va sûrement lui faire un bilan génétique. C'est un examen un peu plus long que les autres car on prélève du sang et on cherche à savoir s'il y a une anomalie dans ses gènes qui peuvent expliquer une maladie cardiaque.

Ensuite, on a deux solutions pour la reprise. La première : si on trouve une petite cicatrice sur la paroi du cœur, on peut aller la traiter avec des sondes dans le cœur. Dans ce cas-là, il est possible qu'il reprenne. Mais si on ne sait pas ce qu'il s'est passé, ou que l'on trouve une maladie génétique qu'on ne puisse pas traiter et guérir complètement, à ce moment-là, on va lui poser un défibrillateur ou un pacemaker qui détecte les battements anormaux du cœur et fournit des impulsions électriques. Si on trouve la cause et qu'elle est traitable, il y a un petit pourcentage pour qu'il puisse reprendre sa carrière mais celui-ci est très faible.

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