Euro 2024 : la réhabilitation du stade olympique de Berlin, théâtre de la finale délesté de son lourd héritage

L’Olympiastadion a été construit par le régime nazi pour accueillir les Jeux olympiques de 1936.
Article rédigé par Hortense Leblanc - envoyée spéciale en Allemagne
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le stade olympique de Berlin sera le théâtre de la finale de l'Euro, entre l'Angleterre et l'Espagne, le 14 juillet 2024. (Hortense Leblanc)

Son allure antique contraste avec le reste de la ville de Berlin, en partie reconstruite après les bombardements subis durant la Seconde guerre mondiale. A l’ouest de la capitale allemande, le stade olympique se dresse tel le Colisée de Rome. Ses imposantes pierres calcaires intimident toujours les visiteurs ou les supporters, près de 90 ans après sa construction, ordonnée par Adolf Hitler pour accueillir les Jeux olympiques de 1936. Malgré ce lourd passé, l’enceinte est toujours en service et sera le théâtre de la finale de l’Euro, dimanche 14 juillet, entre l’Angleterre et l’Espagne.

Pour cette finale, les Anglais seront considérés par l’UEFA comme l’équipe jouant à domicile et bénéficieront ainsi du vestiaire le plus spacieux. Une coïncidence ou un clin d’œil à l’histoire de l’Olympiastadion, qui avait hébergé le quartier général des troupes britanniques lors de l’occupation de la ville par les Alliés après la Seconde guerre mondiale. "Il y a alors eu des discussions pour savoir que faire de ce stade, s’il fallait le détruire en raison de son histoire. Mais il avait été épargné par les bombes et il a été décidé de le conserver à condition de le dénazifier", raconte Elisabeth Hauschildt, guide pour les visites touristiques du lieu.

Pensé comme un outil de propagande nazie

Ainsi, "le balcon du Führer – puisque tout était nommé en son hommage – et les deux aigles moulés qui s’y trouvaient de part et d’autre, ont été détruits", poursuit la guide. Il faut dire que tout avait été pensé par Adolf Hitler pour faire des Jeux olympiques de 1936 une vitrine de la propagande nazie, "alors que, quand les JO ont été attribués à l’Allemagne en 1931 par le CIO, c’était notamment parce que le pays était une démocratie", explique Elisabeth Hauschildt.

Mais en 1933, Adolf Hitler prend le pouvoir et son ambition est sans limite. Exit le plan initial et économe de l’ancien gouvernement de rénover l’ancien "Deutsches Stadion", le dictateur veut y construire à la place le plus grand stade du monde, avec 110 000 places. Le site complet du stade olympique, composé également d’un amphithéâtre ou encore d’une esplanade destinée aux manifestations de propagande, voit le jour en deux ans et demi. Sans recours au travail forcé cette fois, mais plutôt à la mobilisation de la main-d’œuvre allemande, pour montrer sa grandeur.

Les coursives du stade olympique de Berlin, dont les torches rappellent le style antique souhaité par Adolf Hitler. (MANUEL COHEN / AFP)

Composé de 136 colonnes de 14 mètres de haut, il est aussi célèbre pour le trou qui divise sa tribune ouest, où se trouve le chaudron olympique, et qui donne une perspective vers le clocher au pied duquel se trouve le Langemarck, un lieu où les nazis ont souhaité commémorer les combattants morts durant la Première guerre mondiale. Autour de l’enceinte, des stèles, suggérées par Adolf Hitler en 1934, honorent toujours les champions olympiques allemands.

Jesse Owens puis Usain Bolt y marquent l'histoire


Malgré tous ces efforts de propagande, le message renvoyé par les Jeux de 1936 est contraire à ce qu’aurait espéré le dictateur. Jesse Owens, athlète américain noir, petit-fils d’esclave, marque l’évènement de son empreinte, avec quatre médailles d’or sur le 100 mètres, le 200 mètres, le saut en longueur et le 4x100 mètres, qui abattent la théorie de la supériorité de la race aryenne. Et sublime ironie de l’histoire, c’est dans ce stade qu’Usain Bolt battra les records du monde, qu’il détient toujours, du 100 mètres et du 200 mètres, en 2009, lors des championnats du monde d’athlétisme.

Depuis la tribune est du stade olympique, le trou laissé dans la tribune ouest donne une perspective sur le clocher au pied duquel un monument rend hommage aux combattants morts lors de la Première guerre mondiale. (Hortense Leblanc)

Car depuis sa réhabilitation après l’époque nazie, l’Olympiastadion s’est imposé parmi les enceintes qui ont accueilli des évènements mondiaux majeurs. De la culture, avec les concerts des plus grands, comme Madonna ou Michael Jackson, au sport, avec notamment la Coupe du monde de football en 2006 et le triste coup de boule de Zinédine Zidane en finale contre l’Italie. Des évènements rendus possibles grâce à la rénovation du stade, dont les travaux ont duré quatre ans entre 2000 et 2004 pour y construire un toit et pour aménager les tribunes plus proches du terrain. Des coursives ont aussi été creusées sous le stade – les vestiaires sont par exemple enterrés –, mais son enveloppe extérieure reste intacte.

L’Olympiastadion est désormais occupé à l’année par le Hertha Berlin, club de football rétrogradé depuis une saison en deuxième division, et qui ne remplit en moyenne "que" 50 000 des 75 000 places du stade. Le club est donc en pourparlers avec la mairie de Berlin pour quitter l’enceinte, et en construire une nouvelle plus à sa mesure.

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