Euro 2024 : moins décisif mais indéboulonnable, Cristiano Ronaldo jouit toujours d’un statut particulier avec le Portugal
Les images de ses larmes de tristesse après avoir manqué un pénalty durant la prolongation contre la Slovénie en huitièmes de finale de l'Euro 2024 ont fait le tour du monde, lundi 1er juillet. Comme s’il portait tout le poids de la réussite du Portugal sur ses épaules, Cristiano Ronaldo a cédé à la pression, avant de finalement marquer lors de la séance de tirs au but et voir la Seleçao rejoindre la France en quarts de finale, vendredi 5 juillet. Une pression qu’il se met sans doute seul, bien aidé par son statut de meilleur joueur de l’histoire de son pays, qui compte quand son sélectionneur Roberto Martinez doit faire des choix.
Son nom scandé par le public à la moindre occasion qu’il se procure, de nombreux spectateurs qui entrent sur le terrain pour essayer de prendre un selfie avec lui… Pas de doute, le quintuple Ballon d’Or attire toujours les foules, même si son début d’Euro n’est pas flamboyant (0 but, une passe décisive). "On ne voit peut-être plus un Cristiano d'une autre planète, peut-être qu'on voit plus l'homme que le footballeur", écrivait le quotidien sportif portugais A Bola après la difficile qualification en quarts de finale.
La presse internationale, elle, s’est montrée plus critique, comme le Guardian. "Il y a toujours une fascination à voir les légendes s’effacer, à les voir se déchaîner contre la diminution de leurs pouvoirs […] Un jour, il y aura un match du Portugal qui ne sera pas consacré à Ronaldo, mais pas ici, pas encore. Tout tourne autour de Ronaldo, le football portugais est devenu le grand psychodrame de son vieillissement", écrit le journaliste Jonathan Wilson.
Le statut de Cristiano Ronaldo, capitaine et titulaire à chaque match, remplacé uniquement contre la Géorgie alors que le Portugal était déjà qualifié, pourrait-il être remis en question ? "On a vu sur les trois premiers matchs un Ronaldo plus solidaire avec ses compagnons de route, mais sur le dernier match, son ego a repris le dessus, estime Luis Aresta, envoyé spécial de la Radio Renascença à l’Euro. Son statut, comme celui de Bruno Fernandes, fait qu’ils ne sont pas remplacés. Mais nous, journalistes portugais, nous nous demandons pourquoi Vitinha a été remplacé au dernier match ? C’est une question importante de savoir si Roberto Martinez est capable de prendre des décisions indépendantes du statut des joueurs."
Aucun autre attaquant ne vient bousculer la hiérarchie
Plus "solidaire", Cristiano Ronaldo l’a par exemple été contre la Turquie, avec une passe décisive pour Bruno Fernandes, alors qu’il aurait pu tirer lui-même au but. Certains y verront une preuve d’altruisme, d’autres diront qu’il avait seulement en tête la possibilité de battre le record de passes décisives de l’histoire de l’Euro. La star portugaise n’a en tout cas pas laissé le soin à son coéquipier, très bon dans cet exercice, de tirer le pénalty contre la Slovénie et il est également le tireur de coups francs attitré du Portugal même si ses tentatives trouvent beaucoup moins le chemin des filets qu’il y a quelques années.
"Parfois, il prend trop de responsabilités comme sur les coups francs, mais en même temps, il pousse ses coéquipiers à dépasser leurs limites, tempère Diogo Nunes de Oliveira, de Sport TV Portugal. Il reste le meilleur attaquant de tous les temps et il peut être clinique pour décider d’un match sur un tir. Derrière lui dans la hiérarchie, Gonçalo Ramos n’a pas connu une très bonne saison avec le PSG et Diogo Jota revient de blessure. Donc Ronaldo est une bonne option, mais jouer 90 ou 120 minutes, c’est peut-être trop".
Le Parisien Gonçalo Ramos n’a en effet joué qu’une trentaine de minutes dans cet Euro, contre la Géorgie. Et comme lui, Joao Felix n’a pu s’exprimer sur le terrain que durant ce troisième match de la phase de poules, sans enjeu pour les Portugais, battus 2-0. "On se demande si les hordes d’attaquants talentueux du Portugal acceptent de jouer les seconds rôles dans le show Ronaldo. Et on se demande aussi s’il est judicieux d’emmener une équipe extrêmement talentueuse à la Coupe du monde et à l’Euro, puis de les traiter comme pour une tournée d’adieu. Les occasions de remporter des tournois se présentent très rarement ; les sacrifier devant l’ego d’une star déclinante, aussi grande soit-elle, semble indéfendable", tacle le Guardian.
"Cristiano est un exemple pour nous"
Roberto Martinez, lui, a plutôt encensé son capitaine, après le match contre la Slovénie, saluant son état d'esprit pour se charger du premier tir au but, alors qu'il avait loupé le pénalty quelques minutes plus tôt. "Cristiano est un exemple pour nous. Je le remercie d’être comme il est, de prendre soin du groupe [...] Il nous a ouvert le chemin vers la victoire. On est tous très fiers de notre capitaine et ravis pour ce qu’il a fait. Il nous a tous donné une leçon, il faut vivre chaque jour comme si c’était le dernier, avoir des standards très élevés et ne jamais abandonner. Le football amène son lot de moments difficiles et la manière dont il a réagi fait de lui un exemple", a-t-il déclaré en conférence de presse.
Soutenu par son équipe, qui souhaite lui "offrir" l'Euro en "cadeau" selon les mots de Nuno Mendes, Cristiano Ronaldo reste une idole au Portugal, d'après les journalistes portugais que franceinfo: sport a interrogés, et les critiques sont rares. Le quotidien sportif A Bola s’est tout de même permis d’écrire que la Seleçao avait besoin "d’un Roberto Martinez qui soit plus un entraîneur et moins un manager de vestiaire". Le sélectionneur du Portugal pourrait avoir à gérer l’ego de son attaquant star jusqu’en 2026, car s’il a affirmé que cet Euro serait son dernier, la presse portugaise est convaincue que Cristiano Ronaldo fera du Mondial en Amérique du Nord son dernier objectif.
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