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Fabrice Muamba, chronique d'un arrêt cardiaque ordinaire

Le footballeur de Bolton, qui s'est effondré lors d'un match de Coupe d'Angleterre samedi, n'est que le dernier d'une longue série.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Le joueur de Bolton Fabrice Muamba (en noir, au sol) après son malaise cardiaque sur le terrain de Tottenham, à Londres, le 17 mars 2012.  (MATT DUNHAM/AP/SIPA / AP)

Marc-Vivien Foé, 2003. Miklos Feher, 2004... Les exemples de footballeurs s'étant effrondrés sur le terrain après un malaise cardiaque sont nombreux. N'allez pas croire que c'est un phénomène récent : ainsi, David Wilson, qui jouait attaquant à Leeds, est mort sur le terrain d'un arrêt cardiaque... en 1906. Avant lui, note le blog This Day in Football History, six autres joueurs apparemment en pleine santé étaient morts, mais hors du terrain. Les arrêts cardiaques, ce n'est donc pas une nouveauté dans le sport, mais ça arrive de plus en plus souvent. Eléments d'explication. 

Vous êtes jeune et en bonne santé ? Méfiance...

"Chaque semaine au Royaume-Uni, douze hommes âgés de moins de 35 ans, apparemment en excellente santé, meurent de problèmes cardiaques non diagnostiqués. 80% de ces cas ont lieu sans qu'il y ait eu de symptômes avant",explique au Guardian le responsable de l'ONG Cardiac Risk in the Young (lien en anglais). 

Même des sportifs de haut niveau peuvent avoir des problèmes cardiaques (malformation, arythmie) : en France, 400 à 500 sportifs sont victimes de mort subite chaque année, notait 20 Minutes en 2007.

Fabrice Muamba, quatre tests cardiaques, dont un en début de saison

Fabrice Muamba avait fait un électrocardiogramme à plusieurs reprises, lors de sa sélection avec les Espoirs anglais ou quand il a rejoint Bolton, rappelle Channel 4. Pour bien se rendre compte de ce que c'est, le journaliste de la chaîne anglaise en a subi un (à 1"40 sur la vidéo), allongé sur un divan avec des électrodes sur le corps.

 

 "Grâce à ces tests, nous pouvons détecter 95% des causes des arrêts cardiaques", explique Leonard Shapiro, le médecin de la Fédération anglaise. Le problème, ce sont les 5% restant. 

La politique de dépistage n'est pas harmonisée au niveau européen. En Italie, après le décès d'un joueur sur le terrain en 1977, les dépistages sont beaucoup plus poussés : chaque personne, enfant ou adulte, qui pratique un sport effectue un test chaque année. Le taux de mort subite des sportifs a baissé dans ce pays de 90% (PDF, p. 35). Des voix s'élèvent en Angleterre pour appliquer la même politique. 

To test or not to test, that is the question

Il est communément admis que le test cardiaque d'effort (sur un vélo ou un tapis roulant) est plus efficace que celui au repos pour les sportifs. Pourtant, seul le test au repos est obligatoire en France pour les athlètes, stipule le Code du sport. Le test d'effort, considéré comme plus efficace, n'est obligatoire qu'une fois tous les quatre ans. Et ce pour des raisons budgétaires. Les clubs de haut niveau dans les sports majeurs font souvent faire à leurs champions des examens complémentaires, mais ce n'est pas systématique.

Le nec plus ultra pour dépister les malformations cardiaques, c'est un test génétique, pas encore au point, note le site spécialisé lifetechnologies.com (lien en anglais), ou une échographie, sous-utilisée, d'après le site jogging-international.net.

Les joueurs de Tottenham, qui ont vu Fabrice Muamba s'effondrer sur le terrain, ont demandé à subir des tests cardiaques plus poussés. Il faut dire que la fréquence des arrêts cardiaques sur le terrain s'accélère, comme la vitesse du jeu pratiqué au plus haut niveau. "Il n'y a pas de sport qui présente plus de risques que d'autres. C'est l'intensité du sport pratiqué, et donc de l'effort physique, qui compte" explique le docteur Amoretti, cardiologue, à L'Internaute.com. Surtout si on a recours à certains produits dopants, qui peuvent entraîner des malformations cardiaques.

Le foot, bientôt un sport d'hommes bioniques

Pour Monsieur-Tout-le-monde, statistiquement, le sport le plus propice pour faire un malaise cardiaque, c'est... le jogging, suivi de la natation et du vélo (PDF, p. 4). Mais ce sont aussi les disciplines les plus pratiquées sans licence. Pour les champions, les disciplines où il faut répéter des efforts intenses, mais courts, sont les plus à risque. Le football au premier rang d'entre elles. 

C'est un lieu commun de dire que le football se joue de plus en plus vite. Mais c'est vrai. D'après une étude de ProZone en 2006, le nombre de sprints effectués "aux trois quarts de la vitesse maximale ou plus" a augmenté de 50% entre 2002 et 2006. Les joueurs courent 10 à 12 km pendant chaque rencontre, chiffre en hausse constante. Et ça va continuer.

Un spécialiste de la performance dans le foot l'expliquait en 2011, au quotidien britannique The Independent "Les footballeurs deviendront des super-athlètes, qui pourront courir 20 km par match, leur rapidité va augmenter de 10 à 15% grâce à des progrès d'entraînement en matière de puissance, de vitesse et de résistance du système nerveux."

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