Facebook demande la Bourse en ami
L'arrivée imminente du premier réseau social du monde sur les marchés fait tourner les têtes des investisseurs. FTVi fait le point sur les enjeux de l'introduction, à Wall Street, de la société de Mark Zuckerberg.
C'est l'événement le plus attendu de l'année sur les marchés aux yeux des observateurs. Quasiment huit ans après sa création, Facebook, le réseau né dans la chambre d'une résidence universitaire de Harvard, a déposé son dossier pour l'introduction sur les marchés mercredi 1er février, confirmant ainsi une information du Wall Street Journal.
"Nous ne construisons pas de services pour gagner de l'argent, nous gagnons de l'argent pour construire de meilleurs services", a déclaré le patron fondateur de Facebook, dans une lettre aux investisseurs accompagnant le dossier. Mark Zuckerberg a aussi rendu public pour la première fois le chiffre d'affaires annuel de Facebook. Il s'élève à 3,71 milliards de dollars (2,8 milliards d'euros) pour 2011, soit le double de l'année précédente. Le bénéfice s'établit à 668 millions de dollars (507 millions d'euros).
• Combien ça coûte ?
Facebook espère lever 5 milliards de dollars lors de son introduction en Bourse, c'est moins que les 10 milliards annoncés dans un premier temps. Une façon d'avoir une base solide à faire croître, selon Reuters (article en anglais). L'entreprise pourrait alors être valorisée entre 75 et 100 milliards de dollars (entre 57 et 76 millions d'euros). En prenant la fourchette haute, le réseau social qui revendique 800 millions de membres valoriserait alors chaque utilisateur à hauteur de 125 dollars (95 euros).
Ces chiffres donnent le tourni, tous les observateurs s'accordent donc à qualifier l'entrée sur le marché de "plus grosse opération de tous les temps pour un acteur du net". A titre de comparaison, Google avait vendu pour 1,67 milliard de dollars de titres en 2004. Selon Renaissance Capital, un cabinet financier américain, ce devrait être à peu près la 15e introduction de tous les temps, et la 6e pour les Etats-Unis (après notamment Visa et General Motors en 2010).
Mais pour Grazia Cecere, économiste, spécialiste de l'économie numérique à l'Institut Télécom, "on ignore quelle est la vraie valeur de Facebook". "Est-ce qu'on se fonde sur son nombre d'utilisateurs ? Est-ce qu'on se fonde sur son potentiel de publicité ? Impossible de le dire." Fabrice Rochelandet, auteur d'Economie de la vie privée et des données personnelles, spécialiste en économie numérique à l'Université Paris-Sud 11, précise que la capitialisation de Facebook "est fondée sur des croyances". "Sur les marchés, on va s'éloigner petit-à-petit des croyances pour aller aux fondamentaux , comme la réalité des comptes ou le modèle économique", estime Fabrice Rochelandet.
• Pourquoi maintenant ?
La loi américaine oblige toute entreprise qui a dépassé le cap des 500 investisseurs à publier ses résultats trimestriels. Un devoir de transparence qui concerne Facebook à compter du premier trimestre 2012. Rien n'oblige la société californienne à entrer en Bourse, mais une fois atteint ce seuil, une entreprise à plutôt intérêt à le faire.
Et jusque-là, Mark Zuckerberg résistait à la pression des marchés à l'obligation de transparence mais il craignait aussi que les employés de Facebook, qui possèdent des actions de leur entreprise, ne soient plus intéressés par le cours de l'action que par le développement du premier réseau social mondial. En septembre 2011, la direction expliquait son souhait de "maintenir les salariés concentrés sur le développement", rappelle La Tribune.fr.
• Des salariés milionnaires
C'est l'une des conséquences de l'arrivée sur les marchés de Facebook : jackpot pour les salariés qui détiennent des titres de la société. Une fois introduit en Bourse, l'entreprise comptera quelques centaines de salariés actionnaires millionnaires, explique La Tribune.fr. Zuckerberg, qui ne possède "que" 24 % de sa firme, doit donc faire face aux pressions internes des salariés, qui eux possèdent 30 % des parts de Facebook (le reste étant entre les mains d'investisseurs) et attendent de pouvoir revendre leurs actions en espérant empocher des gains.
D'anciens salariés ont d'ailleurs déjà vendus leurs titres sur des marchés secondaires en ligne, tels que SecondMarket ou Sharepost. Les actions se sont arrachées. En 2010, la banque d'affaires Goldman Sachs avait proposé à certains de ses clients d'acquérir des actions Facebook, pour un montant total de deux milliards de dollars, rappelle Le Monde.fr. Au total, Facebook avait porté sa valorisation à 50 milliards de dollars (38 milliards d'euros).
• Et pour mon profil ?
A priori, peu ou pas de changement pour les profils des utilisateurs de Facebook. Une fois Facebook en bourse, on continuera à accepter des demandes "d'amitié", à aimer les photos de ses amis et à "poker".
La cotation permettra d'améliorer encore la régie publicitaire pour fournir un système "encore plus malin, plus ciblé et qui marche mieux qu'il ne le fait déjà", selon Debra Williamson, analyste au cabinet de marketing eMarketer. Et Facebook pourra aussi se développer sur des marchés où il n'est pas encore leader, comme en Chine, en Russie ou au Brésil. Toutefois, Fabrice Rochelandet met en garde : "Il faut faire attention au marketing trop intrusif." "Si Facebook n'a aucun mal à recueillir nos données personnelles, leur exploitation est une question très délicate et pourrait dissuader les internautes."
• Attention aux turbulences
Succès auprès du public ne veut pas dire succès auprès des investisseurs. Et Wall Street ne se laisse pas impressionner si facilement. En 2011, divers acteurs majeurs du web ont été introduits en fanfare sur les marchés et ont chuté plus ou moins fortement par la suite. C'est le cas de de Pandora, LinkedIn, Groupon et Zynga (éditeur de jeux vidéo), indique Boursier.com. Passé l'effervescence des premières cotations, les valeurs de certaines de ces entreprises se sont effondrées. "Une année noire" pour les entrées en Bourse au Nasdaq, conclut Le Monde.fr.
D'autant que pour Fabrice Rochelandet, "Google fait de bons chiffres grâce à la pub, Amazon fait de la vente en ligne, Facebook est une vraie innovation sociale, mais absolument pas un modèlé économique rentable. Le réseau social doit prouver qu'il peut rapporter, ce qui n'est pas gagné."
• Au revoir Zuckerberg ?
Les actionnaires vont-ils réclamer la tête du fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg ? On peut se poser la question. "Nombreuses sont les compagnies qui décident (...) de remplacer le fondateur à la tête de l'entreprise par un meilleur gestionnaire", comme le souligne Numérama. A 27 ans, Zuckerberg va devoir faire face aux marchés, il devra rendre des comptes et inspirer confiance aux investisseurs. Et ecrans.fr souligne qu'on s'interroge déjà sur la viabilité de la poule aux œufs d'or : "La pression est d’autant plus forte pour Zuckerberg que certains analystes s’interrogent sur l’avenir à long terme de Facebook."
Le jeune homme va devoir montrer s'il est vraiment un "entrepreneur-innovateur, un peu comme Steve Jobs pour Apple", estime Grazia Cecere. Sinon, "il restera, selon Fabrice Rochelandet, un créateur qui a eu de la chance".
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