Affaire Maryvonne : audience tendue autour du sort des squatteurs
La première manche de la bataille judiciaire entre Maryvonne, une octogénaire dont la maison est squattée, et les occupants s'est jouée vendredi devant le tribunal d'instance de Rennes.
L'épilogue de l'affaire Maryvonne approche et devrait tomber le 29 mai prochain. Après s'être longtemps joué par médias interposés, le différend qui oppose cette octogénaire aux occupants de sa maison du 94 rue de Châtillon, à Rennes (Ille-et-Vilaine), a été examiné vendredi 22 mai par le tribunal d'instance de la ville. "Je l'ai longtemps attendue, cette audience, parce qu'on nous l'annonçait tous les deux jours dans la presse", a même ironisé le président du tribunal.
"Il y a eu beaucoup de misérabilisme, beaucoup de raisons du cœur, mais bien peu de loi dans cette affaire", a regretté en préambule l'avocate des squatteurs, Stéphanie Peltier, en dénonçant une accusation "qui plaide dans les journaux sur le fondement d'arguments erronés". L'avocate, dont quelques clients sont dans la salle, s'étonne du comportement de cette femme "qui accorde des interviews et écrit des tribunes, mais ne peut pas saisir le tribunal d'instance" alors qu'elle est avertie de la présence de squatteurs depuis dix-huit mois.
L'expulsion quasi-certaine
En face, Philippe Billaud, qui représente une Maryvonne absente, justifie le retard des démarches de sa cliente par sa méconnaissance du droit et son grand âge. "Il n'y a pas de collectif de personnes âgées dont la vue baisse", raille-t-il. Il pointe également ses difficultés à identifier les occupants, une identification nécessaire pour déposer le référé en expulsion.
"Est-ce que ce sont les Corses du FLNC ? Non, ça doit être Daech. Quand on revendique le droit au logement, on a le courage de le faire à visage découvert", tacle-t-il en référence à une vidéo où les occupants de la maison apparaissent cagoulés. "Mes clients n'ont pas envie de prendre un coup de batte de base-ball dans la tête", réplique Stéphanie Peltier. Elle argue que des manifestants pro-Maryvonne ont cassé la porte de la maison et que, sur Facebook, certains appellent à "tuer ces rats".
Malgré la tension entre les deux avocats, qui ont échangé quelques amabilités avant même le début de l'audience, le suspense est faible. Propriétaire avec les enfants de son ex-mari de cette maison, Maryvonne va obtenir l'expulsion de ces occupants par le tribunal. Et ces derniers respecteront la décision de justice : "On va perdre la maison", nous confie l'un d'eux avant l'audience. "Bien sûr que l'occupation est illicite, bien sûr qu'il y aura expulsion et que mes clients accepteront cette décision", rappelle Stéphanie Peltier.
"J'ai vu chez elle des bouteilles de gaz"
Tout l'enjeu est de savoir sous quel délai. Le conseil de Maryvonne réclame une expulsion immédiate. Il décrit avec force "le cauchemar, le calvaire" de sa cliente. "Monsieur le président, il faut que vous pensiez à cette dame de bientôt 84 ans. Si vous accordez un délai, le temps risque de s'arrêter pour elle et elle ne pourra plus s'exprimer", lance Philippe Billaud au juge. A France 3, il confie après l'audience : "J'ai vu chez elle des bouteilles de gaz alors qu'elle n'en a pas besoin. Elle m'a dit 'Au moins, si on ne veut pas de moi, je pourrai partir'."
De l'autre côté du prétoire, Stéphanie Peltier demande un délai de deux mois. "Je rappelle que Maryvonne n'est pas à la rue et qu'elle a déclaré à plusieurs reprises qu'elle voulait vendre. Si c'est pour vendre la maison, il n'y a pas d'urgence à expulser", argumente-t-elle. L'octogénaire vit en effet depuis plusieurs années au domicile de son compagnon, décédé en mars 2015. Les héritiers de ce dernier lui demandent de quitter la maison.
"Mes clients n'ont pas d'autres solutions de logement"
Elle estime en outre que Maryvonne a commis "d'importantes fautes" dans l'entretien de la maison et qu'il n'y a pas eu effraction de ce "logement vacant". "Il n'est pas légitime de dire que sa maison était en bon état avant l'arrivée des squatteurs", assure-t-elle, en citant les fuites dans la toiture, le moisi et le salpêtre. Un point contesté par l'accusation, mais soutenu par la femme du fils de l'ex-mari de Maryvonne, propriétaire d'une partie de la maison.
Son dernier argument repose sur la précarité des occupants de la maison. "Mes clients n'ont pas d'autres solutions de logement et n'ont pas de ressources", rappelle-t-elle. Après avoir écouté les arguments des uns et des autres, le tribunal a mis sa décision en délibéré au 29 mai.
En attendant, les squatteurs ont déjà tourné la page. La veille, ils ont commencé à déménager quelques affaires. Lors de notre rencontre, il y a une semaine, Maud, l'une des occupantes, nous glissait : "Il y a plein de maisons vides à Rennes."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.