Les faux mystères de l'assassinat de JFK
Cinquante ans après l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, certains doutent toujours des conclusions de l'enquête officielle.
Le 22 novembre 1963, le crâne du trente-cinquième président des Etats-Unis, John Fitzgerald Kennedy, explose, éclaboussant la limousine noire décapotable d'os, de chair et de morceaux de cerveau.
Quelques minutes auparavant, l'élu en campagne et sa femme Jackie agitaient la main, tout sourire, et saluaient la foule de Dallas (Texas, Etats-Unis) venue les accueillir. Il fait beau et chaud, le cortège présidentiel tourne devant un bâtiment de briques rouges et s'engage sur Elm Street. Soudain, le président porte la main à son cou, puis s'effondre.
Moins d’une heure et demie après l’assassinat, un suspect est interpellé dans un cinéma et arrêté après avoir tué un policier. Il s’appelle Lee Harvey Oswald et travaille au Texas School Book Depository (un dépôt de livres), où l'on a retrouvé trois douilles.
Cinquante ans plus tard, des milliers de livres ont disséqué les moindres détails d’une scène historique dans laquelle les zones d’ombre alimentent encore toutes les hypothèses, jusqu’aux plus farfelues. Francetvinfo revient sur les principaux éléments qui entretiennent les théories du complot.
Sur la scène du crime : un scénario très discuté
Le déroulé des faits. La première enquête officielle, menée par la Commission Warren dès novembre, aboutit en septembre 1964. Sa conclusion : Lee Harvey Oswald est l'unique tireur. Posté au sixième étage (en vérité le cinquième, le rez-de-chaussée étant considéré aux Etats-Unis comme le 1er étage) du Texas School Book Depository, c'est de là qu'il aurait tiré trois fois sur le convoi présidentiel qui dépassait le bâtiment. L'une des balles s’est perdue, la seconde a transpercé la gorge du président, traversé l’épaule droite et le poignet du gouverneur Connally, assis sur la banquette avant, avant de se loger dans sa cuisse, et la troisième a fait exploser le crâne de JFK.
Les investigations se basent sur une pièce essentielle du dossier : une vidéo amateur réalisée par Abraham Zapruder, un témoin de l'assassinat. Mais c'est aussi ce film qui alimente les doutes des complotistes : pour eux, l'origine et la trajectoire des tirs font débat.
Les éléments qui fâchent. La deuxième balle pose problème à certains, qui affirment qu'elle n'aurait pas pu toucher à la fois John F. Kennedy et le gouverneur. Et de dessiner, raconte le site américain Slate, la trajectoire absurde qu'elle aurait dû suivre pour atteindre les deux hommes, se déportant sur la droite, puis la gauche, et ironisent sur cette "balle magique". L'hypothèse est même reprise par Oliver Stone dans son film JFK, sorti en 1991.
Sur les images, on voit aussi la tête de John F. Kennedy propulsée en arrière sous le choc de la troisième balle. Comme si elle l’avait atteint de face, alors qu'elle est censée venir de l'arrière. Certains témoins affirment d'ailleurs avoir entendu des détonations provenir d’un monticule herbeux en face du président, sur la droite du cortège.
Autre objection : le laps de temps entre les tirs serait trop court. Selon certains, Oswald, seul, n'aurait pas pu recharger son fusil et tirer les trois coups de feu. Seule possibilité : la présence d'un deuxième tireur.
La réponse des experts. Les enquêtes successives n'ont pas trouvé d'éléments permettant d'affirmer qu'Oswald n'était pas seul. Aucun individu suspect n'a été identifié parmi les centaines de photos amassées et analysées dans le cadre de l’enquête, notamment celles montrant l'endroit où aurait pu se poster un deuxième tireur.
Quant à la balistique, "tous les experts ont prouvé scientifiquement que les deux balles avaient atteint Kennedy par derrière", explique Vincent Quivy, journaliste et historien, auteur de Qui n'a pas tué John Kennedy (Seuil, 2013). Plusieurs experts ont notamment prouvé qu'après un tel choc, la tête pouvait partir vers l’arrière par réflexe musculaire.
La trajectoire de la "balle magique", elle, s'explique par un détail oublié des premiers complotistes : une configuration particulière des sièges de la voiture. "Le président était assis sur une banquette plus haute que le siège du gouverneur et se trouvait plus sur la droite de la voiture", rappelle Vincent Quivy.
La rapidité des coups ? "Lors des reconstitutions, certains tireurs ont été capables, avec la même arme, de charger, viser et tirer trois fois. Tous n'ont pas réussi mais Oswald était un ancien marine, il aurait donc très bien pu le faire."
Au commissariat de Dallas : une confusion fatale
Le déroulé des faits. Lee Harvey Oswald ne pourra jamais s'expliquer devant la justice : deux jours après son arrestation, il est abattu devant les caméras de télévision.
La scène a lieu alors que les policiers s’apprêtent à transférer le suspect en prison : après une troisième journée d’interrogatoire infructueuse, Lee Harvey Oswald ne reconnaît pas sa culpabilité. Sur le parking de l’hôtel de police, bondé de policiers et de journalistes, un homme tire sur lui à bout portant : Jack Ruby, le patron d'une boîte de strip-tease.
Les éléments qui fâchent. Pourquoi le suspect n’était-il pas mieux protégé ? Que faisait l'assassin dans les locaux de la police, parmi les journalistes ? De nombreux théoriciens du complot soutiennent que Jack Ruby aurait été chargé de tuer Oswald pour l’empêcher de parler. On lui reconnaît notamment des liens avec la mafia, qu'il côtoyait au sein de son club.
La réponse des experts. Jack Ruby n'était pas un mafieux, juste un voyou connu de la police pour des faits de violence et parce que la pègre fréquentait son établissement. C’est la raison pour laquelle personne ne s’est méfié de sa présence le jour du transfert du suspect. Les enquêtes montreront que Jack Ruby ne connaissait pas Oswald et n’avait aucun lien avec les parrains de la mafia américaine.
"Son geste est celui d’un déséquilibré qui a été dévasté par la mort de Kennedy et a suivi de près les débuts de l’enquête, estime Vincent Quivy. Il a déclaré vouloir mettre fin aux souffrances de Jackie Kennedy. C’est un geste fou qu’il avait du mal à expliquer au moment de son arrestation."
Pendant l'enquête : des oublis fâcheux
Le déroulé des faits. La Commission Warren chargée de l’enquête a entendu 552 témoins en dix mois. Mais de nombreux détracteurs de la théorie officielle lui reprochent son obstination à vouloir valider la thèse du tireur unique. Ils estiment que ses conclusions ont été trop rapides et qu'elle a négligé certains témoignages contradictoires.
En 1978, une seconde commission d'enquête est mise en place : elle constate qu’un grand nombre de dossiers liés à l’enquête ne sont pas consultables, car classés top secrets. Le FBI et la CIA ont caché certains éléments sur le parcours d'Oswald.
Les éléments qui fâchent. Des doutes planent notamment sur les connexions qu’il aurait entretenues avec deux ennemis de l'Amérique : Cuba et l'URSS. En 1959, Lee Harvey Oswald a émigré en Union soviétique et fait une demande de naturalisation. Il y a rencontré sa femme, Marina. A son retour aux Etats-Unis, il se tourne vers Cuba et Fidel Castro, pour lequel il s’engage à travers différentes initiatives plutôt chaotiques. En septembre 1963, il tente même d’obtenir un visa pour émigrer sur l'île. Les complotistes soupçonnent Oswald d’avoir entretenu des liens avec les services secrets cubains.
La réponse des experts. "On n’a pas trouvé d’éléments probants qui relieraient directement Oswald avec les services secrets, précise Vincent Quivy. De plus, Castro n’avait pas objectivement intérêt à tuer Kennedy, sachant que Lyndon Johnson, qui allait lui succéder, avait des positions encore plus fermes avec Cuba."
Quant aux "oublis" de la CIA et du FBI, le journaliste estime qu'ils ont d’autres explications. "Le FBI a cherché à dissimuler l’erreur monumentale qu’il a faite, car il ne veut pas endosser la responsabilité de l’assassinat du président. Il était connu que Lee Oswald avait vécu en URSS et le FBI aurait dû le surveiller davantage. Il a ainsi estimé qu’il valait mieux cacher tout ce qu’il savait d’Oswald avant l’assassinat." Pour Vincent Quivy, l’erreur de la Commission Warren est d’avoir fait reposer son enquête sur le FBI sans faire appel à des organismes indépendants. La CIA aurait, quant à elle, voulu éviter que la Commission Warren ne mette le nez dans ses activités illégales à Cuba.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.