Attaque contre "Charlie Hebdo" : "Le calme des assaillants en plein massacre évoque des 'professionnels'"
Francetv info a interrogé Claude Moniquet, ancien agent de la DGSE, sur ce que nous apprennent les images et les témoignages de l'attaque du siège de l'hebdomadaire satirique qui a fait au moins douze morts.
Qui sont les auteurs de l'attaque armée contre Charlie Hebdo qui a tué au moins douze personnes et fait onze blessés ? Claude Moniquet est un ancien agent de renseignement de la Direction générale de la sécurité extérieure. Depuis l’attaque contre le siège de l'hebdomadaire mercredi 7 janvier en fin de matinée, il suit attentivement le déroulé des événements. Il confie à francetv info son analyse du comportement particulièrement calme des hommes cagoulés et lourdement armés qui ont commis ces actes.
Francetv info : Comment analysez-vous les quelques images que nous possédons de cette attaque ?
Claude Moniquet : Si on analyse la chronologie des faits et les images dont on dispose, la voiture s’arrête dans le passage, les individus en sortent en laissant les portières ouvertes. C’est la preuve qu’ils anticipent leur retraite en se laissant la possibilité d’un redémarrage rapide.
Ils entrent dans le bâtiment, et manifestement tuent les victimes qu’ils s'étaient désignés. D’après un témoin qui était là, caché sous un meuble, avec lequel j’ai pu m’entretenir, ils semblaient connaître les noms des gens qu’ils tuaient. Il semble qu'il y ait bel et bien eu une préparation de cette opération, même s’il y a eu une erreur sur l’adresse exacte de Charlie Hebdo puisqu’ils se sont trompés de porte, semble-t-il en se dirigeant d’abord vers les archives. Puis ils ressortent de l’immeuble en marchant rapidement, mais sans courir. Ils sont calmes.
Ensuite, plus loin, ils abattent un policier en pleine rue après l'avoir blessé. Pour ces hommes, un policier blessé reste un homme dangereux parce qu’il est armé, il peut prévenir les renforts. Alors ils l’achèvent au sol. Et cela avec un grand calme. De retour à leur véhicule, l’un d’eux va même jusqu’à ramasser un objet blanc sur la chaussée, l’idée étant de ne pas laisse r de trace derrière eux. Là encore, c’est la preuve d’une grande maîtrise de soi.
Enfin, ce que l'on sait, c'est qu'ils vont conduire leur voiture sur quelques centaines de mètres, puis en changer en prenant brièvement en otage quelqu’un au passage.
Quelles conclusions peut-on tirer d’une telle façon d’agir ?
Ce calme en plein massacre évoque des "professionnels". Je veux dire des individus qui ont l’habitude des armes de guerre, qui réagissent comme des personnes entraînées, sur des stands de tir, mais surtout sur des vraies zones de conflit. Cela me conduit à penser que nous pourrions être proche de la piste syrienne et du jihad.
Sur les images toujours, l’un des assassins porte un croisillon blanc dans le dos. Est-ce que cela pourrait être une caméra de type GoPro ?
Je n’ai pas d’informations précises là-dessus, mais il existe déjà plusieurs précédents : Mohamed Merah à Toulouse en avait une. Mehdi Nemmouche, l’auteur présumé de la tuerie du musée juif de Bruxelles en mai dernier, en avait une aussi, mais elle n’a pas fonctionné.
Actuellement, ces hommes sont traqués, les autorités semblent très soucieuses de la suite des événements...
Et pour cause, les assaillants savent que le temps leur est compté. Ils n’ont pas exécuté une opération suicide. Ces hommes veulent très certainement "durer". On peut donc redouter, dans les heures ou les jours à venir, de nouveaux épisodes violents. Ou en tout cas, à l’instar de Mohamed Merah, ils ne seront pas faciles à arrêter vivants.
Selon moi, au siège de Charlie Hebdo, ils étaient vraiment dans une action de début de séquence, qui se terminera mal pour eux. On peut aussi penser qu’ils sont probablement dans un invraisemblable état d’excitation. C’est l’attentat le plus grave commis en France depuis au moins cinquante ans. A leurs yeux, c’est une réussite après tous les échecs que leur ont infligés les services. Ils doivent donc se sentir invincibles et cela peut aussi les pousser à recommencer.
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