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"J'ai fait le mort", raconte Philippe Lançon, blessé dans l'attentat de "Charlie Hebdo"

Dans un texte publié par "Libération", ce rescapé de l'attaque des frères Kouachi, grièvement touché, prend la parole pour la première fois depuis la tuerie. 

Article rédigé par franceinfo
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Un mémorial improvisé devant le siège de "Charlie Hebdo", lundi 12 janvier 2015, à Paris.   (BERTRAND GUAY / AFP)

"Moi, j’ai fait le mort en pensant que peut-être, je l’étais ou le serais bientôt." Mais Philippe Lançon a survécu. Grièvement blessé à la mâchoire, le journaliste de Libération et chroniqueur à Charlie Hebdo revient, mercredi 14 janvier, sur l'attaque menée une semaine plus tôt dans la rédaction de l'hebdomadaire satirique par les frères Kouachi, et dans laquelle ont péri 12 personnes. 

Dans un texte publié dans Libération, adressé à ses "chers amis de 'Charlie' et de 'Libération'", il évoque ses camarades disparus et dresse le portrait d'une rédaction vivante, interrompue par l'irruption de "sinistres ninjas".

"Jamais les conférences du mercredi matin n’avaient été aussi vivantes"

En revenant sur cette tragique conférence de rédaction, le journaliste rend hommage à ses confrères, "une petite équipe homérique et carnassière" : "Jamais les conférences du mercredi matin n’avaient été aussi vivantes, joyeuses, agressives, excitées. Il y existe une extraordinaire tradition de l’engueulade qui gonfle, qui gonfle, et que dégonflait soudain une blague, généralement de Charb, de Luz ou de Wolinski. Puis tout le monde continuait en riant", se rappelle Philippe Lançon, citant l'"esprit", la "gauloiserie" et l"’effronterie" de ses camarades. 

Lorsqu'il évoque l'économiste Bernard Maris, il se souvient d'une "intelligence ouverte et un merveilleux sourire, assez juvénile". Cabu et Wolinksi ? Ce jour-là, "[ils] dessinaient, comme toujours". Du premier, il se souvient notamment de la passion pour le jazz. Du second, il dit : "Je crois qu’il aimait l’emporte-pièce comme preuve de vie. Il admirait aussi les grands dessinateurs, les grands peintres. J’aimais repartir avec lui vers 11h30. Il me parlait de femmes, naturellement. Il les aimait tant !" Ce jour-là, sans justifier les jihadistes français, Tignous "en vrai gars de la banlieue, en rescapé de la pauvreté, (...) se demandait ce que la France avait vraiment fait pour éviter de créer ces monstres furieux, [piquant] une formidable et sensible gueulante en faveur des nouveaux misérables."

"La différence n'a tenu qu'à quelques centimètres"

"La différence, aurait dit Manchette, un ancien de Charlie, n’a tenu qu’à quelques centimètres dans les trajectoires des balles et à nos places respectives quand les hommes aux jambes noires sont rentrés." Dans son texte, Philippe Lançon se remémore également le moment du drame, ou plutôt l'après : "la minute horriblement silencieuse qui a suivi le départ des tueurs aux jambes noires."

"Tandis que les pompiers me soulevaient sur un fauteuil à roulettes de la conférence, j’ai survolé les corps de mes compagnons morts (...) et soudain, mon Dieu, ils ne riaient plus", poursuit le journaliste. Et de conclure : "Il me faudra un peu de temps et de rééducation pour arriver à rire, la mâchoire est plus fragile que le cœur, mais j’y parviendrai, et ce sera parmi vous, mes collègues, mes compagnons, mes lecteurs et relecteurs, mes amis."

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