Des coups de feu viennent de résonner dans tout le quartier. Il est 13 heures, vendredi 9 janvier, quand un employé de la pizzeria Speed Rabbit, située à une rue de l'avenue de la Porte-de-Vincennes, se fige. «J'étais dehors pour faire les livraisons quand j'ai vu un homme courir et tirer dans la rue. Je suis immédiatement rentré dans la boutique.» En quelques minutes, une centaine d'agents du Raid et de la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) arrivent sur place et bouclent le quartier. Des hélicoptères survolent la zone, il y a des voitures de police «dans tous les sens», les automobilistes abandonnent leur véhicule sur le périphérique fermé. Amedy Coulibaly vient de pénétrer dans l'Hyper Cacher, un supermarché du 20e arrondissement de Paris, à une rue de Saint-Mandé. La prise d'otages de la porte de Vincennes vient de débuter. Quatre heures de cauchemar attendent les clients du magasin.
En cette veille de shabbat, ils sont plusieurs à faire leurs courses. Il y a du monde aux caisses. Rudy pousse son caddie dans le rayon des vins lorsqu'il perçoit les coups de feu. «J'ai entendu comme des pétards, puis je l'ai vu rentrer avec la kalachnikov.» Armé jusqu'aux dents, Amedy Coulibaly ouvre le feu près des caisses. Deux personnes tombent au sol. Une troisième est abattue quelques minutes plus tard dans des circonstances encore floues.
«On a tout de suite réalisé qu'il s'était passé quelque chose de grave à l'entrée», confie un des clients affairé à l'autre bout du magasin. Saisies de panique, une dizaine de personnes se précipitent «vers un escalier en colimaçon» menant dans la réserve, dans l'espoir d'échapper au terroriste.
Sophie n'en a pas le temps. Cette cliente vient d'entrer dans le magasin et découvre l'horreur. «J'ai tourné la tête vers la gauche, tout de suite à l'entrée. Je suis tombée sur le cadavre d'une personne, assise, la tête penchée. J'ai eu l'impression d'être dans un mauvais film», souffle-t-elle. «Tu rentres tout de suite», lui ordonne Coulibaly, posté juste en face d'elle. Sophie n'a pas d'autre choix que d'obéir au terroriste en treillis, «très nerveux». L'homme est menaçant, exige qu'on ferme les portes, confisque les téléphones. Il montre les trois corps des otages abattus et prévient : «Maintenant, vous voyez de quoi je suis capable...»