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Les limites de l'autodéfense : ce qui est légal et ce qui ne l'est pas

Vivant dans la crainte d'un cambriolage, des particuliers s'organisent pour tenter d'assurer leur sécurité. Au risque, parfois, de dériver. 

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les chasseurs sont autorisés à transporter leurs armes pour se rendre sur leur lieu de chasse à condition qu'elles soient déchargées et "cassées", comme sur cette photo. (CLAUDIUS THIRIET / BIOSPHOTO)

En France, se faire justice soi-même est interdit. La mise en examen pour "homicide volontaire", vendredi 13 septembre, d'un bijoutier de Nice (Alpes-Maritimes) soupçonné d'avoir abattu le braqueur de sa boutique, rappelle que la légitime défense a des limites strictes, et leur franchissement des conséquences potentiellement sérieuses.

Mais quid de l'autodéfense ? Des rondes de surveillance organisées dans certains quartiers aux dénonciations publiques, certains Français prennent des initatives en amont pour tenter d'assurer eux-mêmes leur sécurité. Problème : elles ne sont pas toutes légales. Francetv info les a passées en revue et revient sur les limites de l'autodéfense.

La surveillance organisée : légale

C'est la première des mesures que peuvent prendre des riverains inquiets d'un risque de cambriolage ou d'agression. Outre les dispositifs d'alarme et de vidéosurveillance classiques - dans les limites de sa propriété -, des initiatives de quartier se développent désormais sur le modèle des neighborhood watch (rondes de surveillance) américaines. 

Ce type d'initiatives existe, à l'échelle d'un ou plusieurs quartiers, dans au moins 560 communes françaises, selon les chiffres de la gendarmerie obtenus par France 2. Les communautés sont fédérées par des réseaux comme Voisins vigilants, qui mettent à disposition de leurs membres des outils de communication et de mise en réseau.

Une circulaire du ministère de l'Intérieur datée du 22 juin 2011 leur a donné un cadre légal et des réunions d'informations sont organisées dans les mairies concernées. Les volontaires reçoivent à cette occasion des consignes claires. Objectif : apprendre à repérer les comportements suspects et lancer l'alerte le plus vite possible le cas échéant, sans intervenir.

Les rondes armées : illégales

Si des voisins peuvent s'organiser pour améliorer la sécurité de leur quartier, pas question de patrouiller arme à la ceinture, comme le font certains de leurs homologues américains. D'abord parce que la possession, et a fortiori le port d'armes, sont en France strictement encadrés.

Seuls les membres des forces de l'ordre et certaines professions à risques peuvent être autorisés à en porter. Les chasseurs ou les amateurs de tir disposant des autorisations nécessaires peuvent transporter leurs armes, mais uniquement dans le cadre de leurs activités et en aucun cas chargées : pas question pour un riverain en goguette dans un quartier résidentiel à 23 heures de prétendre être parti pour la chasse son fusil à la main, l'excuse ne tiendra pas. 

Dans le cadre des initiatives citoyennes de quartier, les forces de l'ordre sont très attentives à une dérive potentielle du système : la formation de milices privées, strictement interdites en France par l'article L212-1 du code de sécurité intérieure

L'immobilisation d'un suspect : ça dépend

Tout port d'armes dans ce cadre étant écarté, est-il pour autant possible d'agir si l'on tombe nez à nez avec son cambrioleur ? En théorie, oui : l'article 73 du code de procédure pénale stipule que "dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche".

En pratique, l'invocation de ce texte est très délicate. D'abord, parce que le terme "flagrant" obéit à une définition stricte, difficile à appréhender pour un particulier n'ayant pas de formation juridique. Le délinquant présumé doit ainsi absolument être en train de commettre son forfait : pas question de l'appréhender parce que vous l'avez reconnu une heure après au café du coin.

Enfin, si le terme appréhender évoque l'emploi de moyens coercitifs, il est en pratique très difficile de ne pas franchir les limites légales. Tout usage de la force peut légitimement être reproché à son auteur, et un cambrioleur tabassé de manière injustifiable est en droit de porter plainte. Les forces de l'ordre recommandent donc de s'abstenir absolument. 

Les campagnes de recherche sauvages : illégales

A défaut de pouvoir mettre la main sur leurs cambrioleurs, certains espèrent le mettre publiquement à l'amende. Dans la ville de Villeneuve-d'Ascq, raconte "Envoyé spécial", des riverains d'un quartier victime de cambriolage ont ainsi placardé des affiches comportant la photo d'un cambrioleur, immortalisé par des images de vidéosurveillance.

Seul hic : c'est illégal. D'une part, parce que cet affichage constitue une atteinte au droit à la vie privée de cette personne, défini par l'article 226-1 du code pénal. D'autre part, parce que cette initiative bafoue la présomption d'innocence, définie par l'article 9-1 du code civil.

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