Deux étudiantes militantes de l'Unef agressées à Paris : l'extrême droite pointée du doigt
Pour le syndicat étudiant classé à gauche, les groupuscules d'extrême droite tentent "de revenir en force dans les universités".
Faut-il y voir un lien ? Deux étudiantes membres de l'Unef, syndicat classé à gauche, ont été agressées à quelques jours d'intervalle, à Paris. Pour l'Unef, pas de doute : des appels à la violence émanant d'organisations d'extrême droite sur les réseaux sociaux sont à l'origine de ces attaques.
Jeudi 17 octobre, une étudiante de l'université Paris I, membre de l'Unef, a été agressée à l'arme blanche dans le hall de son immeuble, après avoir "reçu des menaces par des appels anonymes". Traitée de "sale gauchiste", elle a reçu des coups de cutter au visage et à la gorge, précise Le Monde. Elle s'en sort avec quelques points de suture et deux jours d'arrêt maladie.
Quatre jours plus tard, le 21 octobre, une autre militante, étudiante à Nanterre, est plaquée contre le mur par un homme dans une rue du 10e arrondissement, alors qu'elle sort de son cours de danse. Il la menace: "On va te violer, sale Arabe. On sait où t'habites, sale gauchiste", rapporte France Bleu.
Une vidéo à l'origine de tensions
Vendredi, l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a indiqué observer "depuis plusieurs jours une montée de la violence sur les réseaux sociaux et internet, de la part d'étudiants et organisations étudiantes de l'université". Une vidéo est au cœur du conflit : on y voit le président de l'Unef un pied-de-biche à la main. Selon l'organisation, le film, posté par la Fédé Paris 1 (une association qui se revendique apolitique) est "tronquée". Mais ces images ont "beaucoup tourné" sur les réseaux sociaux et sur des sites liés à l'extrême droite. "A partir de là, des militants ont reçu des menaces", indique le porte-parole de l'Unef. La Fédé Paris 1 affirme elle que les militants de l'Unef sont "armés de barres de fer".
Le président de l'Unef Paris 1 "est constamment accompagné, parce qu'il reçoit des lettres de menaces et d'insultes", précise le syndicat. "Il y a une volonté pour des groupuscules d'extrême droite de revenir en force dans les universités et donc de s'en prendre à celui qu'ils considèrent comme l'adversaire : l'Unef", estime son porte-parole.
"Tuons tous les gauchismes"
Au-delà des appels à la violence qui se multiplient sur le web, les étudiants militants de gauche se disent de plus en plus visés par l'extrême droite. Pour preuve, un magazine de 16 pages diffusé dans certains campus, Action Française Universitaire. Il se présente comme "l'hebdo intelligent et violent", décrit le blog Droite(s) extrême(s) du Monde.fr. Sa une est sans équivoque : "Tuons tous les gauchismes. Reprends ta fac !" "C'est 'à la vie à la mort' si on les chope (…). Nous trouverons beaucoup d'alliés chez les immigrés pour leur faire la peau (…)", y écrit l'éditorialiste.
Y a-t-il une résurgence des groupuscules d'extrême droite ? Interrogé par francetv info, Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l'extrême droite, reste prudent quant aux liens avec les agressions des étudiantes de l'Unef. Il indique toutefois qu'il y a à l'extrême droite une "détestation naturelle de la gauche et de ses militants, qui augmente la violence quand la gauche est au pouvoir".
La dissolution de groupuscules d'extrême droite incite à la "compétition"
Un autre élément contribue à augmenter ces violences, selon le chercheur : la dissolution en juillet de groupuscules d'extrême droite, après la mort du jeune militant d'extrême gauche Clément Méric. "Ces dissolutions laissent plusieurs groupes en rade, observe Jean-Yves Camus. Dans cette période de flou, il y a une compétition pour récupérer quelques militants et montrer qui est le plus actif. Dans cette portion du spectre politique, c'est la proportion à la violence qui permet de déterminer, en règle générale, le groupe qui attire le plus de monde."
Le politologue note aussi que le Gud (Groupe union défense, une organisation étudiante d'extrême droite), qui a connu ses heures de gloire dans les années 70, est en train de se reformer, "avec l'idée de tirer profit de cette situation post-dissolution". "Un nouveau lieu de rencontres émerge dans le 15e arrondissement de Paris, un bar géré par un dirigeant du Gud, qui vient remplacer en quelque sorte celui dont s'occupait Serge Ayoub [fondateur de Troisième voie et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, aujourd'hui dissous] et qui a fermé pour cause d'interdiction au mois de juillet". Pour Jean-Yves Camus, "ce qui fait la différence, c'est l'émergence d'une personnalité leader et le fait de montrer par son passage à la violence qui est le plus radical de tous les groupuscules".
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