Affaire Maëlys : le récit de la nuit où la fillette a été tuée
Les restes de la fillette, disparue fin août pendant un mariage en Isère, ont été retrouvés mercredi en fin d'après-midi sur les indications du principal suspect, Nordahl Lelandais.
"Il n'y a pas une seconde à changer à la chronologie de la soirée." Les restes de la petite Maëlys, disparue fin août en Isère, ont été découverts mercredi 14 février en fin d'après-midi sur les indications de Nordahl Lelandais, a annoncé le procureur de la République de Grenoble, Jean-Yves Coquillat. L'homme a décidé de parler aux enquêteurs après avoir été confronté à l’existence de traces de sang retrouvées dans sa voiture.
Dans la nuit du 26 au 27 août 2017, Maëlys, 8 ans, avait disparu alors qu'elle assistait à un mariage avec sa famille à Pont-de-Beauvoisin (Isère). Sa famille l'a cherchée durant une heure avant d'alerter les gendarmes. Après des mois d'enquête, des heures de garde à vue et la découverte progressive d'indices, le procureur de la République de Grenoble a finalement confirmé que Nordahl Lelandais était passé aux aveux. Il a reconnu avoir "tué involontairement" l'enfant avant de "se débarrasser du corps", sans toutefois s'expliquer sur les circonstances de son geste. Comment la fillette a-t-elle disparu ? Que s'est-il passé durant cette soirée d'été ? Franceinfo retrace la chronologie des événements.
"Comme une fête sur la place d’un village"
Samedi 26 août, le vin d'honneur d'un mariage bat son plein à la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin, 3 500 habitants. Dehors, la température avoisine les 30°C, la fête est joyeuse. Anne-Laure, la mariée, est entourée de ses 180 invités. Parmi eux, il y a Jennifer, 37 ans, venue avec son compagnon, Joachim, et leurs deux filles, Colleen et Maëlys, raconte Paris Match. Le couple est parti vivre il y a deux ans et demi à 200 kilomètres de là, à Mignovillard, dans le Jura. Jennifer est infirmière et Joachim travaille en Suisse.
A l'extérieur de la salle, une tente de réception bleue est dressée, des guirlandes à fanions multicolores flottent dans l'air. Une vingtaine d'enfants participent à la noce et jouent avec des ballons. "C’était comme une fête sur la place d’un village. C’était joyeux !" décrit une invitée à Paris Match. Les convives sont habillés légèrement : shorts, jupes et débardeurs. Maëlys, yeux marron et cheveux châtains, arbore, elle, une jolie robe blanche.
Dans la foule, lunettes de soleil sur le crâne, baskets blanches aux pieds et verre vide à la main, un jeune homme à la silhouette carrée arbore un sourire éclatant. Sur un cliché publié par Paris Match, il semble faire une blague à un ami. Quelques heures plus tôt, cet homme, Nordahl Lelandais, ne faisait pourtant pas partie des invités. A sa manière, un peu lourdement, il a insisté pour participer à la noce. Quelqu'un a fini par lui dire de passer au vin d'honneur après la cérémonie.
Il a alors trouvé l'argument imparable pour prolonger les festivités : revenir après le dessert avec "quelques friandises", c'est-à-dire de la cocaïne… Nordahl Lelandais, 34 ans, a la voix cassée quand il parle et a le sourire facile, décrit l'hebdomadaire. Tout le monde le trouve sympa. Certains diront qu’il peut être bagarreur, mais pas méchant. D’autres, plus méfiants, assurent à Paris Match que l'homme fréquente "depuis plusieurs années des gens impliqués dans le trafic de drogue. Et qu’il y participe aussi." Il aime le sport, les chiens et a fait partie du 132e bataillon cynophile de l’armée de terre de Suippes (Marne).Tout le monde le connaît dans le coin.
Surnommé "tonton"
Selon plusieurs témoins, Nordahl Lelandais fait quelques allers-retours entre la salle des fêtes et chez lui. Son domicile, situé à Domessin (Savoie), ne se trouve qu’à neuf minutes en voiture. Lors d'une conférence de presse le 30 novembre, le procureur de Grenoble, Jean-Yves Coquillat, précisera l'horaire de ces trajets. Il indique que deux voyages de Nordahl Lelandais ont eu lieu avant la disparition de Maëlys, "de 21h49 (...) à 22h08". Il fait alors nuit depuis plus d'une heure. Le deuxième aller-retour a lieu de "22h33 à 23h09".
Dans la soirée, il distribue ses "produits" mais se fait surtout remarquer pour son comportement étrange avec les enfants. Selon une source proche de l'enquête à Paris Match, "il parlait avec Maëlys et lui montrait sur son téléphone portable des photos de ses chiens, l’une des passions de la petite fille". Des propos confirmés par Fabien Rajon, l'avocat des parents de Maëlys, dans Le Dauphiné. "Selon la maman, pendant la soirée, Maëlys lui a décrit cet homme comme son 'copain' et l’aurait désigné comme son 'tonton' à un invité du mariage." Pendant ce temps, les autres enfants jouent aux chaises musicales, les adultes dansent dans la grande salle des fêtes.
A 1h30 du matin, le DJ prévient au micro que la baby-sitter va rentrer chez elle, et que "les parents doivent désormais surveiller leurs enfants". Certains dorment déjà sur des matelas, dans une pièce à l’écart. Joëlle Martin, maire de Pont-de-Beauvoisin et amie de la famille de la mariée, décide d'aller se coucher.
J'ai salué la mariée et sa maman. J'ai pris ma voiture sur le parking, mais je n'ai rien vu de particulier.
Joëlle Martin, maire de Pont-de-Beauvoisinà LCI
"Maë", trop contente de participer à une fête, refuse de se coucher. Vers 2h45, la salle commence peu à peu à se vider. Les invités s’éloignent et saluent les fumeurs restés dehors qui s’attardent, reprend Paris Match. La fillette échange quelques mots avec sa grand-mère, puis plus rien. Personne ne sait ce qu'elle est devenue passé cette heure. Elle s’est évaporée.
Des allers-retours suspects
Vers 3 heures du matin, Jennifer s’aperçoit que sa fille n'est plus là. Pour les enquêteurs, elle a disparu à 2h45 précises. "[Jennifer] l’appelle, affolée, interpelle les invités du mariage, la cherche partout en vain, avec le papa", raconte son avocat Fabien Rajon au Dauphiné libéré. Le DJ lance un appel au micro pour signaler la disparition de Maëlys. La première intuition de Jennifer est que sa fille a été enlevée. Les invités encore sur place partent à sa recherche.
Nordahl Lelandais, lui, a déjà quitté la fête. A 2h47, une voiture correspondant à son Audi A3 est filmée dans le centre-ville de Pont-de-Beauvoisin. A l'avant se trouve une silhouette "frêle" et "vêtue d'une robe blanche", selon le procureur de Grenoble. A 3h24 et 29 secondes, son Audi est de nouveau filmée en sens inverse par la même caméra de surveillance. "Le conducteur est alors seul dans la voiture", précise le procureur de Grenoble. Une chronologie contestée par l'avocat de Nordahl Lelandais.
Peu après, la mère de Maëlys tombe sur Nordahl Lelandais sur le lieu du mariage. L'homme prétend être malade à cause de l’alcool. Il se fait accompagner aux toilettes par un invité et fait semblant de vomir. Avant l'arrivée des gendarmes, il disparaît définitivement. A 3h57 pile, il est filmé une nouvelle fois, seul à bord de sa voiture, à Pont-de-Beauvoisin.
Il cache le corps près de chez lui
Devant les juges, mercredi, il a donné des explications à ses multiples trajets. Après avoir emmené Maëlys dans sa voiture puis l'avoir tuée, il a déposé son corps près de sa maison. Il est retourné au mariage puis est revenu chez lui, a récupéré le corps. Il est ensuite allé le déposer dans la forêt, dans le massif de la Chartreuse.
Pendant plus de trois heures, son portable restera intraçable. Il ne sera réactivé qu'à 7h06. Nordahl Lelandais se situe alors près de chez lui.
Que s'est-il passé exactement entre 2h45 et 7 heures du matin ? Si Nordahl Lelandais a avoué avoir tué Maëlys, il a indiqué qu'il s'expliquerait "ultérieurement" sur les circonstances de la mort de l'enfant. Sur ses indications, les enquêteurs ont retrouvé un crâne et un os long, mercredi en fin de journée. Les recherches doivent reprendre jeudi pour tenter de retrouver le reste du corps. L'ancien militaire devra de nouveau être entendu pour faire la lumière sur les nombreuses zones d'ombre de la nuit du drame.
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