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Faut-il crier au loup en Ile-de-France ?

Une carcasse de poulain a été découverte dans une ferme de l'Essonne, fin février. Une association est persuadée qu'un loup en est responsable, mais les autorités restent circonspectes, faute d'avoir pu étudier sérieusement le cadavre.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Un loup nage dans un plan d'eau artificiel du zoo de Vincennes, à Paris, le 3 juillet 2015. (PATRICK KOVARIK / AFP)

La carcasse est à moitié dévorée. Mercredi 22 février, un exploitant de Dourdan (Essonne) découvre les restes d'un de ses poulains, dans son parc de 15 hectares. Une empreinte de patte est même relevée à proximité, indique Le Parisien, qui a révélé l'affaire. Officiellement, la présence du loup n'est pas avérée en Ile-de-France : au plus près, il n'a été observé que dans la Marne, à 200 km de Dourdan. Mais pour Manoel Atman, président de l'association Alliance avec les loups, pas de doute : un ou plusieurs de ces canidés se sont introduits dans la ferme francilienne, pour faire festin d'un animal né pendant la nuit. 

"Des côtes brisées en même temps"

"Alors qu'elles peuvent très bien charger les canidés, les six juments présentes étaient affolées le lendemain et le surlendemain, assure Manoel Atman, interrogé par franceinfo. Il s'agit pourtant d'animaux montés pour jouer au polo, téméraires et solides." Responsable d'une association qui prône "une cohabitation durable entre le loup et l'homme", il évoque la violence de l'attaque pour appuyer son hypothèse : "Trois côtes ont été saisies et brisées en même temps." Les jours précédents, les chasseurs auraient été surpris par l'absence de chevreuils dans les parages.

La carcasse de poulain découverte dans une exploitation de Dourdan (Essonne), fin février. (MANOEL ATMAN)

Le ou les prédateurs seraient repassés la nuit suivante, selon lui. L'éleveur aurait alors répandu du sable autour de la carcasse, pour enregistrer d'éventuelles empreintes. Mais la nuit suivante, pas de troisième service. Aucune bête n'est passée. Une autre preuve, selon Manoel Altman, décidément sûr de son fait : "Quand les loups 'prédatent', les autres charognards hésitent à venir trop tôt." Impossible d'interroger l'éleveur pour en apprendre davantage, car celui-ci veut conserver l'anonymat.

Un poulain "trop consommé pour un diagnostic précis"

Ces arguments ne convainquent pas l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), justement chargé de surveiller et d'étudier les populations de loups en France. "Au départ, nous n'avons pas été prévenus de cette découverte, regrette même son directeur, Eric Hansen, contacté par franceinfo – Manoel Atman affirme le contraire. L'Office a été informé une semaine plus tard, et nous avons dû nous contenter de la photo." 

Le poulain (...) est tellement consommé qu’on ne peut pas poser de diagnostic précis (il n’y a pas de stigmates de mise à mort visibles permettant d’éclairer le diagnostic).

l'Office national de la chasse et de la faune sauvage

dans un communiqué

Malgré tout, deux agents de l'ONCFS se sont rendus dans l'élevage pour tenter d'obtenir des informations, vendredi 3 mars. Mais pour authentifier une attaque de loup, l'Office doit systématiquement réaliser des relevés scientifiques. En l'état, il est donc impossible de "conclure à une attaque de loup". Et si une empreinte d'un "grand canidé" est bien visible sur les clichés diffusés, faute d'obtenir ses dimensions précises, les photos "ne permettent pas d’exclure l’attaque d’un grand chien".

"Aucun élément ne permet de confirmer une prédation active, ni de la distinguer d’une consommation post-mortem", ajoute le communiqué de l'ONCFS. Autrement dit, des charognards, comme des renards ou des sangliers, auraient pu tout aussi bien se nourrir d'un animal mort-né. "Si le loup est là, on vous le dira. Mais avec cette simple photo, impossible de faire une analyse."

"Tôt ou tard, le loup devrait coloniser à nouveau l'Ile-de-France"

Jusqu'à preuve du contraire, le loup n'a pas encore pointé la truffe en Ile-de-France. Pourtant, l'Observatoire du loup, une autre association, considère que la découverte de chevreuils morts dans la forêt de Rambouillet (Yvelines), fin décembre, est une preuve de la présence du canidé. Là encore, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage dément de telles conclusions. Les autorités, en revanche, ont bien localisé l'animal dans la Nièvre, fin décembre – des brebis ont été tuées – et dans la Marne, donc. Parfois, encore, le loup est observé près de grandes villes, comme Grenoble.

A deux reprises, pendant l'année, les jeunes loups sont capables de couvrir de longues distances pour trouver un territoire : ce sont les périodes de dispersion. "Il peut se passer de nombreuses années entre la présence d'un loup dans un département et son installation", précise Eric Hansen. Grâce au réseau loup-lynx, l'Office met à jour des cartes sur la progression de l'animal en France. "Tôt ou tard, le loup devrait coloniser à nouveau l'Ile-de-France. Mais ne crions pas au loup avant qu'il soit là !"

La répartition du loup en France en 2016, selon les données de l'ONCFS. En vert foncé, les lieux où sa présence est régulière. En vert clair, là où elle est occasionnelle. (ONCFS)

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