"Ça me pique la gorge" : des riverains s'inquiètent après l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen
Un épais panache de fumée s'échappe toujours, jeudi matin, de l'usine chimique classée Seveso, où plusieurs explosions ont retenti dans la nuit.
"C'est très impressionnant." Camille ne s'est pas attardée longtemps au bureau, jeudi 26 septembre. L'entreprise de cette commerciale, jointe par franceinfo, est située sur les quais de la rive droite de la Seine à Rouen. Juste en face, de l'autre côté du fleuve, se trouve l'usine Lubrizol, où se sont produites plusieurs explosions dans la nuit. Un incendie est toujours en cours et l'épais panache de fumée passe juste au-dessus des locaux de Camille. "J'ai senti une odeur nauséabonde, comme de l'huile brûlée, et un mal de tête", témoigne-t-elle.
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La jeune femme n'a pas, en revanche, observé les retombées noires remarquées et filmées par certains habitants. Elle n'est restée qu'un quart d'heure sur place, le temps de récupérer des dossiers. "Sur les quais, tout est fermé", constate-t-elle. Mais en réalité, certains employés se sont tout de même rendus sur place, comme Laura, responsable d'un restaurant situé quelques centaines de mètres plus loin, sur ce même quai. "On n'a reçu aucun coup de téléphone de la mairie, aucune nouvelle, et personne n'est passé", expliquait cette dernière à franceinfo, vers 9h30. "Est-ce qu'on ouvre à midi ? On n'en sait rien."
Elle est arrivée sur place à 6 heures pour préparer des petits-déjeuners, "qui ont finalement été annulés". De son restaurant, l'usine est cachée par un bâtiment, mais Laura a "vu des flammes, au loin, et une explosion, qui a fait trembler les vitres". Elle aussi voit l'épaisse fumée survoler l'établissement, et ce depuis le début du sinistre : "On s'est enfermés, mais on est dans un vieux bâtiment, je pense que la fumée se faufile un peu" à l'intérieur. Si les autorités affirment qu'elle ne présente "pas de toxicité aiguë", la restauratrice n'est pas complètement rassurée :
Moi je suis inquiète, surtout que ça me pique un peu la gorge. Donc je n'ai pas très envie de rester.
Lauraà franceinfo
"On se demande quand on va être évacués"
De l'autre côté de la Seine et de l'usine, Nathalie trouve qu'elle a "de la chance" car le vent souffle "dans l'autre sens", éloignant les fumées de sa maison. Avec son mari et ses quatre enfants, ils habitent à 150 m de l'usine, dans une rue du Petit-Quevilly, qui longe la zone industrielle. "Vers 5 heures du matin, on a entendu une série d'explosions. C'était comme des déflagrations, 'boum', 'boum'", raconte-t-elle.
Comme il y a des travaux en cours pas loin, on a d'abord pensé à ça, mais on s'est dit 'quand même, des travaux, à cette heure-là ?'. Et puis mon fils a dit que les fenêtres tremblaient, et on a compris que c'était autre chose.
Nathalieà franceinfo.fr
Peu de temps après, avant 6 heures, la famille a reçu un coup de téléphone de la mairie du Petit-Quevilly, "qui disait qu'il fallait rester confinés". Des conseils réitérés dans deux autres coups de téléphone. Pour le dernier, "il fallait répondre qu'on avait bien compris les consignes, en appuyant sur une touche". Son fils est tout de même sorti, vers 7 heures du matin. Outre la fumée, "il a vu comme des fûts ou des bidons en plastiques projetés en l'air, au-dessus de l'usine", avant d'y retomber. Mais il n'a pas constaté de dégâts dans les rues. Un policier, croisé dans la rue, "lui a dit que s'il fallait, on serait évacués". Il a également filmé cette vidéo, qu'il a transmise à franceinfo.fr.
Nathalie n'a pas découvert jeudi matin qu'elle vivait près d'une usine chimique. Régulièrement, raconte-t-elle, la famille recevait dans sa boîte aux lettres "des consignes de sécurité, pour qu'on reconnaisse les sirènes au cas où". Jeudi, celles-ci n'ont sonné qu'après 7 heures du matin. Elle se souvient également du précédent incident en 2013 : "Ça prenait les yeux et le nez, mais c'était moins important, il n'y avait pas autant de fumée."
"Ça nous inquiète quand même, confie Nathalie. On se demande à quel moment ils vont nous évacuer." Quelques maisons plus loin, Isaora n'avait "jamais pensé que cette usine pouvait être un danger". Il y a une vingtaine d'années, elle y a même travaillé comme femme de ménage et se souvient que "c'était très, très sécurisé". Mais elle aussi suit attentivement les consignes et s'est barricadée chez elle : "J'espère que ça va s'arrêter, il y a quand même beaucoup de produits chimiques dans cette usine."
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