Incendies dans le Var : "Il faut prendre la mesure qu'on rentre dans un nouveau régime de feux", explique une universitaire
Autrice de l'ouvrage "Quand la forêt brûle : penser la nouvelle catastrophe écologique", Joëlle Zask explique pourquoi l'homme se retrouve "impuissant" devant ces feux "inhabituels".
Plusieurs incendies sont toujours actifs mercredi 18 août dans le sud de la France, notamment, dans l'arrière-pays de Saint-Tropez, dans le massif des Maures, dans le Var, où 5 000 hectares ont brûlé. Des incendies dont l'intensité et la vitesse de propagation surprennent les pompiers. Des méga-feux ont également ravagé ces dernières semaines d'autres pays méditerranéens ou encore la Californie. Ils sont capables de détruire des villes en quelques heures et ne sont pas "normaux", explique Joëlle Zask, philosophe, professeure à l'université Aix-Marseille et autrice de l'ouvrage Quand la forêt brûle : penser la nouvelle catastrophe écologique.
>> Suivez en direct la situation dans le Var en proie aux flammes.
franceinfo : Cet incendie dans le Var vous paraît-il particulier ?
Joëlle Zask : Oui, c'est un feu tout a fait inhabituel, il faut prendre la mesure qu'on rentre dans un nouveau régime de feux. C'est déjà avéré ailleurs dans le monde, comme à l'ouest des États-Unis et du Canada. En France, je pense que le phénomène nous atteint aussi.
"Un méga-feu se définit par son intensité, sa vitesse de propagation, par le fait aussi qu'il dégrade durablement la végétation, contrairement aux feux saisonniers et de surface."
Joëlle Zaskà franceinfo
Ce qui caractérise également ces méga-feux c'est qu'on ne peut rien faire. La technologie humaine s'avère impuissante et ce sont des feux qui meurent de cause naturelle, quand il n'y a plus de vent, quand il pleut ou quand il n'y a plus rien à brûler. C'est vraiment particulier et il est probable que le métier de pompier soit amené à changer.
Est-ce qu'on connaît les causes ? Qu'est-ce qui fait qu'un feu se transforme en méga-feu ?
Il y a deux séries de cause : il y a évidemment le dérèglement climatique, les températures extrêmes qui nous apportent des périodes de sécheresse, les vents – on parle de "vent du diable" en Californie. Là, il y a une responsabilité humaine qui est tout à fait considérable, ce qui se voit aussi au niveau des plantations, c'est-à-dire que l'on a des forêts uniformes. On note la disparition de certains arbres qui agissent comme retardateurs de feu, comme les cyprès en Méditerrannée. C'est une série de causes de l'ordre de l'anthropocène. Et puis il y a une autre série de causes, en lien avec des politiques d'interdiction des feux, d'extinction des feux à la première étincelle. Finalement, ces politiques sont un peu tournées contre nos paysans, nos forestiers et nos éleveurs.
"On détruit aussi les gens qui savent y faire avec la forêt, on détruit des cultures entières, les cultures du feu, et donc on ne sait plus faire."
Joëlle Zaskà franceinfo
En fait, il faut réapprendre à protéger la forêt, à l'entretenir, à la maintenir ouverte. Il y a toute une pratique de la forêt qui la protège des flammes, on savait le faire depuis la nuit des temps, les aborigènes en Australie par exemple. Ce sont des savoirs indispensables aujourd'hui pour prévenir les méga-feux.
Est-ce que vous avez le sentiment d'une impuissance quand vous voyez les pompiers à pied d'œuvre pendant plusieurs jours ou semaines pour faire face à ces incendies ?
Quand il s'agit d'éteindre les flammes, oui, c'est une impuissance absolue. On l'a vu en Californie, en Grèce ou au Portugal. En France, il y a un savoir-faire qui s'est maintenu, peut-être dans une plus grande mesure qu'ailleurs. En tout cas, c'est en faisant de la prévention et en agissant pour le climat que nous réduirons les risques d'incendies dévastateurs.
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