: Reportage Incendies en Gironde : à La Teste-de-Buch, les évacués rêvent de "revoir le village de leur enfance"
Dans la commune où l'incendie fait rage depuis une semaine, le parc des expositions accueille les personnes évacuées sans solution de relogement. Une situation provisoire, qui s'éternise pour certains d'entre eux.
Dans le box qui leur sert de dortoir, au cœur du parc des expositions de La Teste-de-Buch (Gironde), Juan et Carine ont suspendu au-dessus de leurs lits de camp quelques vêtements pris à la hâte et d'autres achetés au supermarché Leclerc d'à côté. "On avait préparé un petit sac avec des affaires de toilettes, mais on ne pensait pas à avoir à rester si longtemps ici", soupire ce chauffeur poids lourd de 53 ans, les yeux cernés par les nuits passés sur un lit de fortune. Le couple résidait à Cazaux (Gironde) avant le début de l'incendie survenu mardi 12 juillet dans la forêt de la commune de La Teste-de-Buch, à proximité de leur domicile.
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Avant que 6 500 hectares de pinède brûlent au pied de la Dune du Pilat, les fumées sont arrivées progressivement autour de la maison du couple, jeudi dernier. "On avait l'impression qu'il faisait nuit en plein jour", témoigne Juan. Les yeux brûlaient, la gorge s'asséchait dans un air difficilement respirable. Puis, des cendres ont envahi leur jardin. Alors, les forces de l'ordre ont tapé à leur porte à 16h30 pour leur imposer l'évacuation, à l'instar des 4 000 habitants du bourg.
Des consultations médicales pour les évacués
Depuis quatre nuits, le couple dort dans le parc des expositions de La Teste-de-Buch, comme une centaine d'autres évacués. Dans cette salle austère aux murs blancs, située dans une zone commerciale, se côtoient des personnes âgées isolées, des touristes de passage ou encore des familles sans solution de relogement. Tous sont épaulés, chaque jour, par de bonnes volontés, des membres d'associations et des employés de mairie, eux-mêmes parfois forcés de quitter leur logement.
Parmi eux figure Christine, médecin de profession. Avec d'autres praticiens, elle assure des consultations bénévoles au parc des expositions. Elle vérifie quotidiennement l'état de santé des nouveaux arrivants. "La chaleur accentue la toxicité des fumées, cela peut causer des difficultés respiratoires, notamment pour les plus fragiles, qui peuvent décompenser", détaille-t-elle.
"Au début, on avait l'impression que c'était Woodstock avec les tentes déployées à l'entrée", sourit Juan, grand amateur de rock'n roll. Le quotidien du couple est à présent rythmé par les repas organisés bénévolement dans le réfectoire du collège Henri Dheurle de La Teste-de-Buch, et les appels à la famille, en Bretagne, deux à trois fois par jour. Et puis il y a les rondes effectuées matin et soir, à la fraîche, pour essayer de retrouver Nirvana, leur chat disparu dès l'arrivée sur le campement non climatisé alors que la température extérieure dépasse les 40 degrés.
"Parfois, je fais des crises d'angoisse"
L'animal, resté un temps seul dans la maison évacuée, avait pu être récupéré par son propriétaire samedi lors d'un convoi exceptionnel organisé par la préfecture. Avant qu'il n'échappe à ses propriétaires une deuxième fois. "J'ai eu si peur pour mon chat avec l'incendie. Et finalement, on l'a perdu ici...", dans un parc des expositions où les animaux de compagnie stressés sont nombreux. En attendant l'hypothétique retour de Nirvana, le couple tue le temps au fond de la salle avec une autre famille, rencontrée sur place.
Stéphane et sa compagne Pamela, originaires de l'Eure, étaient de passage avec leurs trois enfants dans la région quand elle a été dévorée par les flammes. A Cazaux, un village dans la commune de La Teste-de-Buch, ils rendaient visite à leurs proches, avec leur chien Poussin. La maison familiale a également été évacuée jeudi dernier, avant qu'ils rejoignent le campement improvisé.
"On a attendu jusqu'au dernier moment avant de partir, car nous avions besoin d'une ambulance pour quitter la maison. Ma tante est en situation de handicap", raconte le père de famille. Un temps transportée à l'hôpital de Bordeaux, cette dernière a de nouveau été évacuée dans la nuit de lundi à mardi de l'Ehpad du Pyla, menacé par l'incendie, où elle avait pourtant trouvé refuge le week-end dernier.
Depuis, c'est silence radio. Stéphane ne sait pas où se trouve sa tante. "On essaye de rester calme, être sur les nerfs n'apporterait rien", tempère sa femme Pamela, tout en aspirant énergiquement sur sa cigarette électronique. Amandine, leur fille aînée de 17 ans, admet volontiers que la situation est lourde moralement. "Parfois, je fais de crises d'angoisse", confie l'adolescente.
Pas question pour autant de rentrer à leur domicile, dans l'Eure. "Je veux aider ma famille et revoir le village de mon enfance, souffle Stéphane dans un craquement de voix. Je viens ici depuis que je suis bébé. Ma fille de 17 ans a toujours connu Cazaux, c'est chez moi ici". "Le plus difficile à vivre, c'est l'incertitude", assure de son côté Carine, qui se tient à côté de ses amis d'infortune. Elle espère un retour dans sa maison "peut-être la semaine prochaine", sans grande certitude, alors que des Canadair s'activent toujours dans le secteur.
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