Incidents au Stade de France : "Tant qu'on sera sur cette théorie des 40 000 supporters, on n'avancera pas", estime une association de supporters
Les ministres de l'Intérieur et des Sports étaient interrogés par les sénateurs quatre jours après les incidents survenus lors de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France. "On a un début de mea culpa" mais ce n'est pas "une reconnaissance de l'ampleur du fiasco", estime Ronan Evain.
"Tant qu'on sera coincé sur cette théorie des 30 000 à 40 000 supporters que le ministère de l'Intérieur n'arrive pas à prouver, j'ai du mal à comprendre comment on peut avancer", a déclaré Ronan Evain, directeur général de l'association Football Supporters Europe, mercredi 1er juin sur franceinfo. Il a assisté aux incidents samedi 28 mai au Stade de France en tant qu'observateur de la finale de la Ligue des Champions entre Liverpool et le Real Madrid. "On a un début de mea culpa mais il faut aller beaucoup plus loin", estime-t-il alors que Gérald Darmanin a admis des erreurs devant la commission des lois du Sénat mercredi. "Il faut que le ministre de l'Intérieur nous explique ce qu'il s'est passé", explique-t-il.
franceinfo : Avez-vous entendu les explications que vous attendiez ?
Ronan Evain : Non, on a un début de mea culpa et de reconnaissance d'une partie des problèmes organisationnels de samedi mais ce n'est pas encore dans une reconnaissance de l'ampleur du fiasco. Ce sont des excuses à demi-mot. Il va falloir aller beaucoup plus loin. Tant qu'on sera coincé sur cette théorie des 30 000 à 40 000 supporters que, visiblement, le ministère de l'Intérieur n'arrive pas à prouver, j'ai du mal à comprendre comment on peut avancer.
Pour le moment, les choses se règlent à huis clos avec les organisateurs. Il faut ouvrir les portes et les fenêtres. Il faut que le ministre de l'Intérieur et la ministre des Sports mettent tout le monde autour de la table et nous disent quelles sont les informations dont ils disposent et surtout qu'ils nous expliquent ce qu'il s'est passé.
Gérald Darmanin admet avoir anticipé la venue de hooligans, qui ne sont pas arrivés, au détriment d'un dispositif de lutte contre la délinquance et d'encadrement des supporters. Les erreurs auraient-elles donc été commises avant le match ?
Le hooliganisme à Liverpool n'existe tout simplement plus. Le dispositif policier qu'on a vu samedi soir, et notamment cette idée de faire une démonstration de force la plus impressionante possible, reposait sur ce qu'était une partie des supporters de Liverpool dans les années 1980. On a 35 à 40 ans de retard ! Les finales de Liverpool en Ligue des Champions à Kiev puis à Madrid en 2018 et 2019 s'étaient bien passées. C'est de cela qu'il aurait fallu tenir compte, pas des fantasmes qui reposent sur des phénomènes qui n'existent plus.
"On a confondu le fait d'accueillir des publics à risque avec celui d'accueillir énormément de monde."
Ronan Evain, Football Supporters Europeà franceinfo
Par ailleurs, on a encore entendu aujourd'hui la ministre des Sports se plaindre que les supporters de Liverpool étaient dans la nature, pas suffisament encadrés et à Paris sans billet. Mais si on organise une finale de Ligue des Champions, c'est aussi pour faire vivre le secteur hotelier, les bars et les restaurants. Je ne vois pas pourquoi c'est présenté aujourd'hui comme étant un enjeu de sécurité publique impossible à résoudre.
Est-ce une évolution positive que Gérald Darmanin envisage désormais de nouvelles règles pour l'encadrement de grands évènements sportifs ?
Oui, évidemment. On ne peut pas continuer à refaire les mêmes erreurs avec les mêmes process archaïques qui étaient utilisés il y a 20 ou 25 ans. La société évolue, les stades évoluent, les attentes des supporters évoluent et on ne peut pas continuer à les traiter comme du bétail. Il faut une refonte complète du process d'accueil des supporters, que ce soit pour les grands évènements sportifs ou les matchs du championnat de France.
Les problèmes de gestion du supportérisme en France, et notamment les interdictions de déplacement, ont entraîné une perte de capacité de la police française dans la gestion des grands groupes. C'est aussi cela qui s'est passé samedi au Stade de France. Les choses avaient plutot bien fonctionné de 2017 à 2019. Aujourd'hui, les canaux de communication entre les supporters et le ministère de l'Intérieur ou des Sports n'existent plus. L'instance nationale du supportérisme a par exemple été complètement désertée par les deux ministères. Ca explique aussi certaines erreurs de préparation.
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