: Info franceinfo À Marseille, l'association Fouque de protection de l’enfance visée par une enquête pour détournements de fonds
L’association catholique Fouque, qui accueille des mineurs en grande difficulté placés par la justice ou des mineurs handicapés dans 14 établissements des régions de Marseille, Aubagne et Montfavet, fait l’objet d’une enquête préliminaire pour "détournement de fonds", a appris franceinfo de source judiciaire. Ces investigations, ouvertes en septembre dernier par le parquet de Marseille et confiées à la police judiciaire, font notamment suite à un signalement au Parquet national financier (PNF) et une plainte de la section CGT de l’association Fouque. Contactée par franceinfo, la direction de l’association dénonce une forme de harcèlement du syndicat CGT. "Une poignée de personnes syndiquées utilise des méthodes toxiques pour agiter des fantasmes de détournement, répond Vincent Gomez -Bonnet son directeur général, mais nous sommes droits dans nos bottes et la justice est la bienvenue."
Depuis plusieurs années, la section CGT Fouque tentent d’alerter la justice et le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône sur des anomalies graves et des malversations présumées au sein de l’association, financée à 100% par des fonds publics. Dans la plainte consultée par franceinfo, le syndicat dénonce un possible système d’emplois fictifs en se basant sur l’augmentation de la masse salariale nette ces dernières années quand l’effectif du personnel serait lui resté constant (613 salariés au 1er janvier 2022).
Le directeur général adjoint de l’association évoque au contraire une croissance et une évolution de la masse salariale maîtrisées, avec un recours accru au travail intérimaire. L’un des principaux délits signalés par le syndicat porte sur la manipulation des compteurs de Compte épargne temps (CET) des cadres de la direction. Le gonflement abusif des comptes CET, alimentés par des jours épargnés fictivement, aurait permis d'augmenter le salaire de cadres quand le reste du personnel n’est lui pas incité à utiliser ce dispositif. Le syndicat évalue cette fraude au CET à plusieurs centaines de milliers d'euros.
Le président des Restos du Cœur visé
Concernant les détournements de fonds publics, un nom connu émerge de la plainte, celui de Patrice Douret. L’actuel président bénévole des Restos du cœur est salarié de l’association Fouque depuis 2003. Il occupe aujourd’hui le poste de directeur "patrimoine et sécurité". Selon la CGT, Patrice Douret a bénéficié de primes et d’une ancienneté qui ne correspondent pas à son activité réelle dans l’association. Patrice Douret aurait ainsi touché une prime d’astreinte fictive d’un montant mensuelle de 745,72 euros pendant au moins quatre ans, soit un total avoisinant les 40 000 euros. Contacté par franceinfo, Patrice Douret dit "n’avoir rien à se reprocher dans cette affaire totalement déconnectée de ses responsabilités aux Restos du Cœur".
Béatrice Zavarro, l’avocate de la section CGT de l’association, précise que "cette plainte est le fruit de constatations très objectives avec des documents à la clé. Le constat est alarmant avec une situation volontairement maintenue dans une forme d’opacité. Il y a une rétention caractérisée de la direction à donner les informations, les chiffres y compris lors de rapports d'enquête."
"Il s’agit d’une association qui vise la protection de l'enfance et le handicap, mais on a l'impression qu'on est dans l'entre-soi. J’ose espérer que la justice lancera des investigations pour mettre un peu de lumière sur tout ça."
Béatrice Zavarro, l’avocate de la section CGT de l’associationà franceinfo
Selon les informations de franceinfo, une délégation de l’Inspection générale interministérielle du secteur social (IGAS) a rendu en novembre dernier un rapport sur le contrôle de l'aide sociale à l'enfance dans le département des Bouches-du-Rhône. Des responsables de l’association Sauvegarde 13 et de l’association Fouque ont été entendus à cette occasion. Une source proche de ce dossier confie à franceinfo que "l’association Fouque est bien dans le viseur du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône (CD13) depuis plusieurs années pour des problèmes de gestion et de prises de congés notamment". Aucun signalement n’a pour autant été effectué auprès de la justice pour des soupçons de détournement de fonds ou d’enrichissement personnel. Selon nos informations, le Conseil départemental a rejeté près de 600 000 euros de subventions destinés à l’association sur ses comptes 2021.
"L'association nous répond invariablement : 'On n'a pas les sous'"
"Ce qui nous a interpellé dans cette affaire, précise Christian Barbe délégué syndical central CGT de l'association Fouque à l’origine de ces signalements, c'est qu'au lieu de répondre favorablement aux demandes des professionnels pour améliorer la qualité d'accueil des enfants handicapés et des enfants placés à Marseille, l'association nous réponde invariablement : 'On n'a pas les sous. On n'a pas les moyens.' Avec des budgets de plus de 30 millions d'euros, il n'y a pas les moyens chaque année pour améliorer les actions ? Les dirigeants de cette association préfèrent s'enrichir personnellement plutôt que de s'intéresser réellement aux difficultés que rencontrent les professionnels sur le terrain."
"Depuis plusieurs années, confie une source proche du maire de Marseille, la CGT et la direction de l’association sont dans un rapport hyper conflictuel à la suite des alertes émises par des salariés et qui n’ont pas été prises en compte aux yeux du syndicat." Créée en 1892 par l’abbé Jean-Baptiste Fouque surnommé "le saint Vincent de Paul marseillais", l’association Fouque a été reconnue d’utilité publique. Elle fait figure d'institution à Marseille grâce aux différentes œuvres que l’abbé a créées dans le département pour aider les plus fragiles (mineurs délinquants, femmes isolées, personnes âgées) quand la protection sociale n’existait pas encore en France. L'abbé Fouque, béatifié à Marseille en 2018, a fondé l’hôpital Saint-Joseph. L’association fonctionne aujourd’hui grâce aux fonds publics provenant principalement du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de l’Agence régionale de santé 13. Dans le Sud, elle suit plus de 1 000 jeunes et 400 familles en grande difficulté.
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