: Interview Lutte contre le narcotrafic à Marseille : "Nous sommes à un niveau historiquement bas, mais nous sommes loin de crier victoire", assure le procureur
À Marseille (Bouches-du-Rhône), les homicides liés au trafic de drogue sont en baisse de 70% depuis le début de l'année. Cinq homicides liés au narcotrafic ont été recensés en presque six mois, contre 23 à la même période l'an dernier. Au total, en 2023, le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, comptabilise 189 mises en examen pour des faits liés aux règlements de compte sur fond de trafic de drogue. Il dresse ce bilan pour franceinfo.
franceinfo : Quel bilan peut-on tirer de la lutte contre le narcotrafic depuis le début de l'année 2024 à Marseille ?
Nicolas Bessone : Il faut rester prudent, la situation reste fragile, mais nous sommes à un plus bas niveau historique. Par rapport à l'année dernière où, à la même époque, 23 personnes étaient décédées sous les balles des tueurs, nous pouvons qualifier cinq narchomicides sur l'agglomération marseillaise depuis le début de l'année. Si l'on fait une projection, nous serons alors entre huit et dix personnes mortes à la fin de l'année, ce qui serait un résultat particulièrement exceptionnel puisque même les années moins meurtrières que celles de 2023, on déplore toujours malheureusement, entre 20 à 30 narchomicides par an. C'est un résultat naturellement très satisfaisant, mais il faut rester particulièrement vigilant.
Comment expliquez-vous cette baisse ?
Il y a une cause liée au volontarisme des services de police, de la police judiciaire à laquelle je tiens à rendre hommage, mais également aux magistrats instructeurs et au parquet de Marseille. Sur les propositions faites par la police judiciaire, nous avons focalisé notre action sur l'interpellation et la mise hors d'état de nuire des équipes de tueurs. C'est tout simple, tant que vous avez des tueurs qui circulent dans la ville, vous risquez d'avoir des assassinats. Le fait de les arrêter, d'enlever leur logistique, évidemment, rend plus difficile la commission de ces narchomicides. Et effectivement, 189 personnes ont été mises en examen pour les faits de narchomicides commis l'année dernière, ce qui est un résultat exceptionnel. C'est l'une des raisons qui a entraîné la baisse de ces narchomicides mais il faut, là aussi, essayer toujours d'avoir une réflexion complète d'un phénomène. Il apparaît quand même très clairement aujourd'hui que dans la guerre qui a opposé DZ Mafia et Yoda, DZ Mafia a pris le dessus et donc naturellement a moins intérêt à supprimer des personnes.
"Il y a eu des ajustements dans le travail de renseignements pour éviter la reproduction du phénomène et notamment un certain nombre d'actions préventives qui ont porté leurs fruits."
Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseilleà franceinfo
Même si ce sont de bons résultats, un risque de recomposition de ce milieu du narco-banditisme est-il possible ?
Absolument. L'année dernière, la priorité c'était de réduire cette crise paroxystique. Ne serait-ce que parce que la vie humaine est la valeur la plus importante. Ces arrestations, ces affaires, la diminution actuelle très importante du nombre d'homicides nous permettent de nous reconcentrer et de travailler sur les réseaux de trafiquants, sur les circuits de blanchiment, avec un certain nombre de succès. Et là, naturellement, quand vous avez du succès - également avec des opérations place nette, c’est-à-dire une action de terrain résolue, mais parallèlement des actions judiciaires très fortes pour avoir les têtes de réseaux - vous fragiliser les organisations et ça peut entraîner une recomposition. Raison pour laquelle nous sommes loin de crier victoire. Avec la police et avec les juges, nous restons particulièrement attentifs.
Cette lutte contre le narco-banditisme reste-t-elle donc une priorité ?
Le danger et la force du narco-banditisme restent effectivement très importants et très prégnants. Nous ne baissons absolument pas la garde. C'est une guerre que nous gagnerons sur la durée.
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