Piétons renversés à Marseille : "La pathologie mentale n'innove en rien. Elle ne fait que reprendre des modèles de l’extérieur"
Samuel Lepasquier, psychiatre, a expliqué, lundi sur franceinfo, que le conducteur qui a volontairement foncé sur deux Abribus à Marseille (Bouches-du-Rhône) a pu s'inspirer l'attentat en Catalogne.
L'homme qui a foncé, lundi 21 août, à bord d'une voiture-bélier sur deux Abribus de Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, était hébergé dans une clinique psychiatrique de la ville. La situation de cet homme, qui a causé la mort d'une femme et en a blessée une autre grièvement, a amené le procureur de Marseille à rapidement écarter la piste terroriste. Pour autant, le fait que le suspect ait agi par imitation après l'attentat de Barcelone ne fait "aucun doute", estime le psychiatre Samuel Lepasquier, lundi soir sur franceinfo. Même s'il se montre très prudent : "Aucun de mes patients n'a jamais pris de voiture-bélier. C'est un raccourci extrêmement facile."
franceinfo : L'attentat en Catalogne, jeudi 17 août, a-t-il pu inciter le suspect à passer à l'acte à Marseille, lundi 21 août ?
Samuel Lepasquier : Sans aucun doute. La pathologie mentale n'innove en rien. Elle ne fait que reprendre des modèles de l’extérieur. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles on peut imaginer qu’il est passé à l’acte : [son geste] peut être délirant, être une volonté de se comporter comme un héros du mal et d’être célèbre, ou encore être un mouvement d’exaltation peu maîtrisé. Mais cette dernière hypothèse est peu probable. Son geste était construit. Il l’a répété. Cela prouve qu'il avait un sens, ce n’est pas l’effet du hasard. Donc même s’il y a atténuation de responsabilité, il voulait tuer. Il devrait donc en rendre compte. À l’inverse, on peut dire qu’un terroriste, un jihadiste, est ce qu’on appelait autrefois en psychiatrie un idéaliste passionné. C'est une forme particulière de paranoïa. Mal-être d’un côté, autoritarisme de l’autre, c’est toujours extrêmement flou.
Où se situe la frontière entre terroriste et fou ?
Personnellement, je pense que les terroristes sont le plus souvent des imbéciles, ou des fous, ou des pervers, ou le plus souvent les trois à la fois. Je ne crois pas qu’il y ait de terroriste sain. C’est une forme de folie. En revanche, est-ce un acte individuel ou un plan terroriste global ? C’est là qu’intervient l’enquête de police. [Dans le cas de Marseille], on peut penser qu’il y a une imitation pour faire quelque chose qui lui donne le sentiment de devenir rapidement célèbre.
L'homme était soigné en clinique psychiatrique. Est-ce qu'il y a des signes avant-coureurs d'un passage à l'acte ?
Aucun de mes patients n’a jamais utilisé de voiture-bélier et des centaines de milliers de personnes sont soignées en psychiatrie. Cc’est un raccourci extrêmement facile : ce n’est pas parce que quelqu’un a des problèmes psychiatriques, ou qu'il a pris des stupéfiants, que cela explique son geste. Là, il est vraisemblable qu’il y ait eu des signes avant-coureurs : la difficulté à penser, l’exaltation, voire des ennemis imaginaires. À ce moment-là, il y a effectivement un risque de passage à l’acte. Si quelqu’un se sent menacé par les martiens, il est peu probable qu’il passe à l’acte. S’il est menacé par son voisin, alors il faut se méfier.
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