Limogeage du directeur de la PJ de Marseille, en pleine réforme : "Si je me rends compte qu'il n'y a strictement rien d'amendable, on claquera la porte", affirme David Le Bars
Pour le Syndicat des Commissaires de la Police nationale, le dialogue doit "être largement plus ouvert dans les jours à venir" sur la réforme, "sinon la crise risque d'être compliquée."
"Si je me rends compte qu'il n'y a strictement rien d'amendable, je vous le dis, on claquera la porte au nom des commissaires de police", affirme vendredi 7 octobre sur franceinfo David Le Bars, secrétaire général du Syndicat des Commissaires de la Police nationale après le limogeage d'Éric Arella, patron de la police judiciaire de la zone sud, après la manifestation d’officiers jeudi à Marseille contre la réforme de la police judiciaire. David Le Bars "espère encore qu'il y a un dialogue" mais il se "pose la question." Pour le secrétaire général, "on est dans une période qui risque d'être très difficile [...] C'est au-delà d'une tension ou d'une mobilisation. Je n'ai pas vu ça depuis très longtemps."
franceinfo : Est-ce qu'à vos yeux Eric Arella a payé pour tous ces officiers qui ont manifesté leur désaccord jeudi avec le patron de la police nationale et sa réforme de la PJ ?
David Le Bars : Une éviction d'un grand patron de la police – parce que c'est de ça dont il s'agit – c'est l'image que ça renvoie. Eric Arella est un grand patron de la police judiciaire avec pas loin de 40 ans de service. Il est réputé parmi ses effectifs, il est estimé dans le monde de la magistrature et au lendemain d'une manifestation sur un projet de réforme, au lendemain du passage du directeur général de la police nationale, il est limogé. Alors, soit il paye pour cette manifestation – dont il ne doit pas être tenu pour responsable – puisqu'il faut entendre quand des collègues ont des choses à dire. Soit c'est autre chose, mais quoi qu'il en soit, cette décision passe très mal dans les rangs. Elle est extrêmement brutale.
Est-ce qu'aujourd'hui dire son désaccord n'est pas toléré au sein de la police ?
C'est ce que je dénonce dans le communiqué du SCPN. On a entendu de la bouche même du ministre et du directeur général de la police nationale que la réforme n'était pas actée, ni ancrée et qu'on pouvait l'amender ou faire des propositions. Si c'est la façon dont on remercie un directeur de police sur des façons de faire ou sur des propositions voire des contestations – parce qu'après tout il y a des contestations sur cette réforme et il faut les entendre – alors ce n'est pas la bonne méthode. Quand on s'en prend à un grand chef de police estimé, on donne un signal aux autres : "silence", "cette réforme passera même sans vos avis" et ça, ce n'est pas la bonne façon de faire.
Que craignent les policiers avec cette réforme de la PJ ?
Deux axes essentiels : d'abord, de perdre la capacité de faire des enquêtes au long court et sur la criminalité. Ensuite, de ne plus avoir les moyens et de se retrouver enfermés dans un cocon départemental. Il y a plusieurs issues à cette crise qui va prendre de l'ampleur : c'est d'accepter de construire une réforme qui puisse entrer dans un projet où la police se modernise et de permettre à ces missions spécialisées de s'exercer autrement que dans un cadre trop étroit, trop contraint qui est celui du département et de la zone d'un préfet départemental. La PJ c'est au-delà du département. Il y a des choses à amender, le ministre s'y était montré favorable, il va devoir nous prouver maintenant qu'on peut encore discuter parce que cette éviction pose question.
Est-ce que ça peut vous pousser à claquer la porte de ces négociations ?
Au titre du Syndicat des commissaires de la police nationale, mon devoir c'est de parler au nom des commissaires de la police nationale. C'est ce que je fais. La position du syndicat est bien connue. Si je me rends compte qu'il n'y a strictement rien d'amendable, je vous le dis, on claquera la porte au nom des commissaires de police. J'espère encore qu'il y a un dialogue mais c'est vrai qu'aujourd'hui, je me pose la question.
Est-ce que vous sentez une tension, une mobilisation qui monte autour de vous ?
C'est au delà d'une tension ou d'une mobilisation. Je n'ai pas vu ça depuis très longtemps. Je suis appelé de tous les coins de la France. Ça se mobilise partout, ça se mobilise même au delà des rangs de la PJ. J'ai à peu près tous les commissaires de tous les métiers qui me font part de leur stupéfaction sur la méthode. Je pense qu'on est dans une période qui risque d'être très difficile et j'espère que le dialogue va être largement plus ouvert dans les jours à venir, sinon la crise risque d'être compliquée.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.