: Témoignage Paris : "J’étais en sang, la douleur était atroce", un jeune homme accuse un policier de l’avoir frappé sans raison
Sofiane, 24 ans, qui vit dans le 19e arrondissement de Paris, a porté plainte contre un policier. Il l’accuse de l’avoir frappé violemment et sans raison le 13 juillet dernier. Il raconte la violence de la scène et sa "peur de sortir" à franceinfo.
Ce 13 juillet, Sofiane* se remet difficilement d’un grave accident de la route. Sous médicaments, le bras en écharpe, une minerve au cou, il décide quand même un peu avant minuit d’aller rejoindre quelques amis en bas de chez lui, dans le 19e arrondissement de Paris.
Dans sa plainte, révélée par Mediapart et que franceinfo a pu consulter, le jeune homme raconte que ce soir-là, veille du 14-Juillet, des tirs de mortiers étaient tirés par plusieurs personnes. "On en entendait partout", assure le jeune homme dans sa déposition, dans laquelle il précise qu’il était à l’écart, assis tranquillement, dit-il, avec un groupe d’amis sur un banc.
"Braqués" avec flashball et gazés
D’après le jeune homme, un premier équipage de policiers "anti-émeute" arrive d’abord à leur hauteur et les "braquent avec un flashball" avant de jeter sur eux une grenade lacrymogène.
"D’un coup un jeune est sorti de nulle part, il n’avait rien à voir avec nous. Et il a lancé un mortier d’artifice sur les policiers."
Sofianeà franceinfo
Le jeune en question s’enfuit, mais les fonctionnaires chargent alors le groupe d’amis. Certains partent en courant, Sofiane, handicapé, ne bouge pas.
Un coup de matraque dans la bouche
"Je m’appuie sur ma main droite, celle qui est valide, pour me lever, détaille Sofiane. Le policier me met un coup de matraque dans la bouche alors que je venais de lui dire que j’étais accidenté. Il me dit 'ferme ta gueule'." "Il y a eu un coup au niveau de la mâchoire, décrit-il. Un coup dans le bras droit, un coup dans mon bras accidenté et j’ai reçu plusieurs coups au niveau du dos. Après, j’étais en sang. Je passe ma langue au niveau de mes dents, je sens plus rien."
"J’ai deux dents qui pendent, comme un lapin. Une douleur atroce. Le coup était tellement puissant qu’il a reculé ma gencive, ma mâchoire supérieure dans la bouche. Le médecin a dû me remettre chaque dent une par une."
Sofianeà franceinfo
Les photos que franceinfo a pu consulter donnent à voir un visage tuméfié, une lèvre ouverte et des dents ensanglantées, quasi déchaussées, ainsi qu'un gros hématome à l'épaule de Sofiane. En plus de sa mâchoire et de ses dents cassées, le jeune homme souffre d’un hématome sur son bras déjà fracturé, ce qui lui vaudra sept jours d’interruption volontaire de travail (ITT). Sofiane doit encore aller consulter un expert psychiatre pour évaluer les conséquences psychologiques de cette agression.
"J’ai peur de sortir seul"
Le jeune homme, dont le casier est vierge, assure son avocat, n’avait jusque-là jamais eu affaire à la police. Mais depuis les faits, Sofiane assure ne plus pouvoir sortir seul de chez lui de peur de recroiser des forces de l’ordre. "Chaque fois que je les vois, je me demande ce qui peut bien se passer. La dernière fois j’étais assis tranquillement et je me suis fait taper. Qu’est ce qui prouve que cela ne va pas se reproduire ?", questionne le jeune homme, qui dénonce une agression gratuite, puisqu’il n’a pas été interpellé par le policier en question.
"Je ne comprends pas le but : la police envoie-t-elle des gens pour juste taper, comme ça ? J’ai senti comme s’il était venu se défouler."
Sofianeà franceinfo
"La police c’est nécessaire, soupire le jeune homme. On a besoin de la police. Mais ces personnes-là, en particulier je ne vois pas quel genre de travail ils font. Ça n'a servi strictement à rien. À part faire du mal, et faire pleurer des mamans."
Son avocat, Me Avi Bitton, dénonce aussi un "acte gratuit" : "On reproche à certains jeunes de se défouler le soir du 14-Juillet. Là, malheureusement, c’est un policier qui représentait l’institution, qui s’est défoulé ce soir-là." Après la plainte de Sofiane, le parquet de Paris a ouvert une enquête, le 16 juillet pour "violence avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique", confiée à la police des polices. Contactée, la préfecture de police de Paris assure qu’une enquête administrative sera ouverte "dès que le fonctionnaire mis en cause sera identifié".
*Le prénom a été modifié
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