Procès Chirac : une première judiciaire incertaine
Une première judiciaire dont beaucoup se passeraient bien doit s'ouvrir aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Paris : le procès d'un chef d'État. Jacques Chirac, 78 ans, doit répondre de détournement de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d'intérêt, dans le cadre de l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Il s'agit de 28 emplois litigieux à la mairie de Paris, de 1992 à 1995.
Au delà de l'accusation elle-même, c'est la personnalité et le parcours du principal accusé, qui comparaît avec neuf co-prévenus, qui rendent ce procès hors norme. Pour mémoire, Jacques Chirac, figure de la République, a été maire de Paris de 1977 à 1995, cinq fois ministre dont deux fois Premier et enfin, deux fois président de la République. Un CV plutôt inhabituel sur le banc des prévenus.
C'est la première fois dans l'histoire de la république qu'un ancien chef d'État passe la porte d'un tribunal, dans le rôle de l'accusé. Cette audience conclut une bataille de 15 ans, durant laquelle les accusations et les soupçons de la Justice glissaient sur l'immunité pénale du chef de l'État. L'audience devrait durer un mois.
Mais la tenue du procès reste incertaine, puisqu'une question de procédure a été soulevée au dernier moment par l'avocat d'un des prévenus, Me Jean-Yves Leborgne, qui représente Rémy Chardon, ex-directeur de cabinet. Le tribunal devra donc commencer par étudier cette “question prioritaire de constitutionnalité” (QPC), qui pourrait aboutir à la saisine du Conseil constitutionnel. Auquel cas, le procès serait reporté sine die.
_ Une seconde incertitude tient à l'état de santé jugé fragile de Jacques Chirac, qui s'est engagé à être présent durant les débats, bien qu'il soit dispensé de cette première audience, peu glorieuse.
LA CLASSE POLITIQUE PEU ENTHOUSIASTE
Un tel scénario ne ferait sans doute pas couler des torrents de larmes dans la classe politique. La droite comme la gauche conservent de mauvais souvenirs des affaires de la mairie de Paris. La première, la plus directement concernée, n'est pas enthousiasmée par la perspective de déballages qui pourraient la gêner. La seconde en craint d'autres, et alors que les affaires de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône se font de plus en plus assourdissantes, le thème de la corruption politique ne lui semble pas des plus porteurs.
Traduction judiciaire de ce peu de motivation, les bancs de la partie civile sont quasiment vides. La principale victime, la mairie de Paris, a préféré se retirer après l'accord d'indemnisation passé avec Jacques Chirac et l'UMP. 2,2 millions d'euros, dont 500.000 à la charge de l'ex-président, lui seront remboursés pour 21 emplois fictifs. L'UMP avait déjà remboursé près de 900.000 euros en 2005, dans le volet de l'affaire jugée à Nanterre.
LA PARTIE CIVILE DESERTÉE
Il n'y aura donc que deux avocats pour porter la contradiction aux prévenus : celui de l'association anticorruption Anticor, Jérôme Karsenti et Frédérik-Karel Canoy, qui représente “des contribuables”. Quant au parquet, il ne soutiendra pas l'accusation. Fait rare, le procureur de la République de Paris en personne, Jean-Claude Marin, sera présent à l'audience pour expliquer pourquoi.
Grégoire Lecalot, avec agences
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.