Attentat de Nice : la polémique sur le dispositif policier en 6 actes
Quelques heures après l'attentat du 14 juillet, Christian Estrosi avait notamment attaqué le gouvernement, accusé de ne pas avoir déployé sufisamment de policiers nationaux.
La polémique sur les mesures de sécurité mises en place sur la promenade des Anglais, à Nice, le soir de l'attentat du 14 juillet, va finalement donner lieu à une enquête. Sous le feu des critiques, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé qu'il allait demander à la police des polices une évaluation technique du dispositif de sécurité mis en place lors du feu d'artifice.
Quelques heures après le drame, le déploiement policier sur place au moment où un 19 tonnes conduit par Mohamed Lahouiaej Bouhlel a foncé sur la foule, tuant au moins 84 personnes et en blessant 200, avait été décrié par l'opposition. Francetv info remonte le fil de ces accusations.
1Christian Estrosi accuse le gouvernement de ne pas avoir déployé assez de policiers
Samedi 16 juillet, Christian Estrosi, président de la région Paca, s'interroge publiquement sur "les mesures" prises pour éviter l'attentat, interpellant Bernard Cazeneuve ainsi que François Hollande : "Je voudrais savoir ce qui était pris comme mesure en situation de guerre, en état d'urgence, pour que l'on ne tue pas avec cette arme là dans une grande ville de France", déclare l'élu des Républicains.
Alors que, dans un communiqué, la préfecture des Alpes-Maritimes indique que 64 policiers nationaux avaient été mobilisés, en plus de 42 policiers municipaux et de 20 militaires de la mission Sentinelle, Christian Estrosi conteste ces chiffres. "On était très loin du chiffre annoncé par Manuel Valls de 64 policiers. C'est un mensonge d'Etat", lance-t-il, estimant qu'ils n'étaient "pas plus de la moitié".
2Bernard Cazeneuve assure que la police était présente "au point d'entrée du camion"
"La police nationale était présente et très présente sur la promenade des Anglais", lui répond aussitôt Bernard Cazeneuve. "Les manifestations du 14-Juillet ont été préparées en très étroite liaison avec la ville de Nice", affirme le ministre de l'Intérieur, dès samedi. Et d'ajouter : "Des véhicules de police rendaient impossible le franchissement de la promenade des Anglais."
Dans un communiqué daté du 16 juillet, la préfecture assure à son tour que "les points les plus sensibles" de la "Prom" étaient surveillés par "des équipages de la police nationale, renforcés d’équipages de la police municipale". "C'était le cas notamment du point d’entrée du camion, avec une interdiction d’accès matérialisée par le positionnement de véhicules bloquant l’accès à la chaussée. Le camion a forcé le passage en montant sur le trottoir", fait valoir la préfecture.
3Manuel Valls rappelle que le dispositif était "concerté" avec la mairie
Dans un entretien publié par Nice-Matin, mardi 19 juillet, Manuel Valls demande à Christian Estrosi de "se reprendre". Le Premier ministre juge "inacceptable" les accusations du président de la région Paca sur le nombre de policiers nationaux présents à Nice le soir de l'attentat. "Notre patrie a été attaquée. Face à cela, notre devoir est de tout faire pour protéger notre pays et le niveau d'exigence de la parole publique. Se laisser aller aux divisions revient à servir le projet des terroristes et je ne leur fera jamais ce cadeau", déclare le chef du gouvernement au quotidien niçois. "Je comprends que [Christian Estrosi] pose des questions, qu'il cherche à canaliser la peur des Niçois, mais cela ne l'autorise pas à tout", accuse encore Manuel Valls.
Le lendemain, lors de la séance des questions au gouvernement, le Premier ministre détaille "précisément" le dispositif de sécurité qu'a contourné l'auteur de la tuerie, indiquant que ce dernier avait été "concerté, consenti et validé" par le maire de Nice, notamment concernant l'accès à la promenade des Anglais. "Un arrêté du 11 juillet signé par le directeur général adjoint de la ville (...) réglementait la circulation sur la promenade des Anglais et ses abords, car c'est une responsabilité du maire, de la police municipale", se défend Manuel Valls devant les députés.
4"Libération" remet en cause la version du gouvernement
Dans son édition de jeudi 21 juillet, Libération affirme qu'au moment de l'attaque, seuls deux policiers municipaux étaient présents à l'entrée de la "Prom", bloquée par des barrières métalliques et une seule voiture de la police municipale. Pour étayer cette affirmation, le quotidien s'appuie non seulement sur les déclarations de témoins, mais aussi sur des photos, dont une, publiée dans ses pages, où apparaissent, en effet, deux policiers municipaux. "Ils évoluent dans un trafic encore dense et s’assurent qu’aucun véhicule ne pénètre dans la zone piétonne", décrit Libération qui, puisqu'il n'y a pas de policiers municipaux à cet endroit, accuse le gouvernement d'avoir "travesti" la vérité.
Toujours selon le journal, les policiers nationaux avaient, en fait, été "relevés aux alentours de 20h30 par leurs collègues municipaux. Il n’y a donc aucune voiture de police nationale susceptible de barrer la chaussée, comme l’assurait la préfecture". Des policiers nationaux – "deux voitures et six agents" – sont stationnés plus loin, au niveau d'un second barrage, là où débutait l'évènement en tant que tel, mais "au coeur de la zone piétonne" selon le journal. Ce sont eux qui ont tiré sur le camion, permettant d'interrompre sa course meurtrière.
5Cazeneuve met en doute la déontologie de "Libération"
Dès la nuit de mercredi à jeudi, Bernard Cazeneuve réplique à Libération par un communiqué cinglant : le ministre de l'Intérieur fustige "des contre-vérités", s'interroge sur "la déontologie" des journalistes du quotidien et les accuse "d'emprunter aux ressorts du complotisme". Sur le fond, il confirme qu'au niveau du premier barrage, situé au début de la promenade des Anglais, la police nationale a, "comme prévu" et comme l'affirme Libération, été relevée par la police nationale "à 21 heures". "Ce premier barrage a été franchi par le camion du terroriste en passant par le trottoir", ajoute-t-il.
Mais Bernard Cazeneuve insiste sur le fait que "l'accès à la zone piétonne de la 'Prom Party' sur la promenade des Anglais" était bien sécurisé par un second barrage, tenu par la police nationale : "deux voitures stationnées sur la chaussée et six fonctionnaires". Libération ne dit pas le contraire. C'est sur ce barrage que l'exécutif se repose pour affirmer que la police nationale sécurisait la zone, alors que le journal insiste sur le fait qu'elle ne tenait pas le premier barrage. Bernard Cazeneuve réfute les accusations de mensonges : la description qu'il fait du dispositif "est ce que la préfecture, le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre ont affirmé avec constance, dans leurs communiqués comme dans leurs déclarations", affirme-t-il.
Jeudi midi, la rédaction de Libération a réagi aux critiques de Bernard Cazeneuve, pointant que le dispositif décrit par le ministre est "exactement celui détaillé dans notre enquête. (...) En matière de manque de 'déontologie' et de 'complotisme', on a vu mieux". Le journal ajoute que, le 16 juillet, la préfecture et le ministre donnaient une version différente de celle de Cazeneuve jeudi, assurant que le point d'entrée du camion sur la "Prom" était tenu par la police nationale.
6L'exécutif promet "vérité et transparence"
Jeudi matin, quelques heures après son communiqué, Bernard Cazeneuve annonce qu'il demande une "évaluation technique du dispositif de sécurité et d'ordre public" mis en place au soir de l'attentat. "Cette enquête administrative", menée par l'Inspection générale de la police nationale, "permettra d'établir la réalité de ce dispositif, alors que des polémiques inutiles se poursuivent", déclare Bernard Cazeneuve, qui évoque une "démarche de transparence et de vérité".
Depuis Dublin, François Hollande a également réagi. Pour le chef de l'Etat, il n'y a "pas de place pour la polémique". Après l'annonce d'une enquête administrative dont les conclusions seront connues "la semaine prochaine", il promet "vérité et transparence". Christian Estrosi, qui avait lui-même dénoncé depuis une semaine des "mensonges" du gouvernement, s'est "félicité" de l'ouverture de cette enquête.
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