"Je n'avais jamais entendu un rire aussi bouleversant" : le Bataclan, un drôle de défi pour les humoristes
Baptiste Lecaplain sait déjà ce qu'il fera le jour de la première de son spectacle. "Je vais arriver entre 15 et 16 heures, je vais me poser sur scène, je vais mettre de la bonne musique très fort – peut-être pas du Radiohead – et je vais marcher dans le Bataclan." En décembre, l'humoriste donne cinq représentations dans la salle parisienne visée par l'attaque jihadiste du 13 novembre 2015. Affronter ces planches n'a rien d'anodin, forcément. "Quand les gens vont entrer, ils vont y penser. J'ai peur que les gens ne soient pas à l'aise, c'est juste ça."
Il y a deux ans, lors de l'attaque, le comédien se trouvait sur les planches d'une autre salle parisienne, le Petit Montparnasse. Confiné avec des spectateurs, il y est resté jusqu'à 3 heures du matin, avec une enceinte branchée sur franceinfo pour suivre les informations. Le mardi suivant, au téléphone, son père, Jacky, est effondré : "Ça aurait pu être toi. Et c'est triste, tu ne pourras plus retourner au Bataclan." Aujourd'hui, Baptiste Lecaplain savoure déjà une première victoire. "Quelque part, j'y retourne pour faire plaisir à mon papa."
A écouter Nicolas Sirkis, une telle démarche serait pourtant indécente. Le chanteur d'Indochine, interrogé par le Parisien en septembre, juge "ignoble de rouvrir cette salle" et milite pour la création à sa place d'un "sanctuaire" ou d'un "monument". Indécent, vraiment ? Cette année, quatre humoristes ont préféré ranimer le rire dans une salle qui a beaucoup pleuré. Sans jamais avoir le sentiment de trahir la mémoire des lieux. Franceinfo les a rencontrés.
Le Bataclan, comme une évidence
Baptiste Lecaplain a joué une trentaine de fois au Bataclan. Il se souvient encore de l'un de ses précédents passages. C'était en 2013. Il enfourche alors un petit poney, piètre sosie de Jolly Jumper. Nathalie Jardin, régisseuse lumière, relaie un dresseur impatient et reste en coulisses avec Speedy (c'est le nom du poney), la bride à la main. Le comédien parle encore de cette jeune femme "hyper cool" au présent, mais "Nathalight" est morte deux ans plus tard, dans cette même salle, lors du concert maudit des Eagles of Death Metal.
A cette époque, Michaël Gregorio est plongé dans l'écriture de son spectacle. Il connaît aussi la jeune femme. Scotché devant la télévision, il multiplie en vain les textos et les appels pour obtenir des nouvelles de son amie. "Il y a eu des informations, des contre-informations pendant plusieurs jours. C'était très difficile, car on ne savait pas où elle était." L'imitateur connaît parfaitement les lieux : il a donné 107 représentations au Bataclan depuis 2008. Ce soir-là, il est "extrêmement choqué". C'est un peu "sa maison" qui s'est écroulée.
"Très vite, je me suis dit que ce serait bien d'y retourner." Rico, un de ses ingénieurs du son, n'attend que ça, lui aussi. "On y retourne, hein Mika ? Dis-moi qu'on y retourne." Malgré une "appréhension", son équipe accepte à l'unanimité de retourner boulevard Voltaire. Quelques mois plus tard, à l'occasion d'une interview, il pousse la porte de l’ApéRock, bar mitoyen de la salle de spectacle. Saisi par l'émotion, l'homme aux dizaines de voix perd la sienne, pendant plusieurs minutes. "C’est là que j’ai vu mon amie pour la dernière fois, c’est là qu’on avait fini après la dernière de mars 2015."
<span>Retourner au Bataclan était une évidence, sans être une décision facile à prendre. Ce qu'on fait, c'est juste des vannes, du divertissement. Alors on se dit quand même : 'Est-ce que ça ne va pas être indécent ?' Mais en fait, ce qui aurait été indécent, c'est de laisser mourir cette salle.</span>
A l'instar de Baptiste Lecaplain et de Michaël Gregorio, tous les humoristes qui ont accepté de revenir jouer au Bataclan ont un lien particulier avec les événements. Ainsi, Yassine Belattar connaît bien "Didi" et Noumouké Sidibé, les agents de sécurité de la salle. Le 13 novembre, lui aussi a vécu "cette angoisse de téléphoner sans savoir" quelle nouvelle l'attendait au bout du fil. Par chance, ses amis sont indemnes. Ils ont pris tous les risques pour tenter de faire fuir le public de la salle, à l'arrivée des jihadistes.
Triplement concerné par le 13-Novembre – "ce sont des musulmans, c'était à Paris et j'ai un théâtre" –, le comédien est l'un des premiers à écrire un sketch sur les terroristes : "Je préfère qu'on en parle, c'est comme ça que je combats ces idiots." Et pourtant. Chaque matin, à bord du taxi qui le conduit à Radio Nova, où il anime une émission, Yassine Belattar détourne le regard en passant devant cette salle devenue à ses yeux un "mausolée".
<span>C'était assez injuste et un peu lâche. Je revendique le statut d’artiste engagé et je n'étais même pas foutu de regarder cette salle dans les yeux.</span>
"En tant que Français musulman, il fallait se réapproprier l'histoire du Bataclan dans le bon sens", explique Yassine Belattar. Il finit donc par se lancer, "par opportunité et non par opportunisme", sans encore imaginer le poids d'une telle décision pour son équipe. La date est fixée au 4 mai 2017 : il est le premier humoriste à "rejouer" dans la salle du 11e arrondissement.
En parler ou pas ?
Le rire est une mécanique de précision. Faut-il évoquer les attentats, au risque de refroidir l'ambiance, ou se garder de raviver les plaies des attaques ? Aucun des comédiens n'a coupé un passage de son spectacle, lors du passage au Bataclan. Yassine Belattar choisit même de mettre les pieds dans le plat, en maintenant sa blague d'amorce.
Je fais allumer la lumière parce que j'aime bien savoir d'où ça tire.
Cette "vanne-soupape", comme il dit, lui permet de d'évacuer le poids médiatique et symbolique de la soirée, qui se déroule en présence de François Hollande, des deux premiers policiers intervenus dans la salle, le soir de l'attaque, et de 50 médias du monde entier.
Puis il accélère. "La dernière fois qu'un musulman est venu ici, il n'a pas fait parler de lui dans le bon sens." Le public rigole, il déroule. “Il n’a pas tourné autour du pot, avec son courage et sa franchise, analyse Serge Orru, un spectateur. Il a ‘déradicalisé’ la soirée lui-même en utilisant l’humour." Yassine Belattar chambre des femmes voilées, taquine un groupe venu de Molenbeek, interprète son sketch Les Terroristes, écrit après le 13-Novembre.
Michaël Gregorio n'a pas voulu non plus "faire de concession" : "C'était le deal de départ." L'imitateur choisit de répondre en chanson, à la fin du spectacle, avec une reprise d'Imagine, de John Lennon – "un peu cliché, mais bon..." Sobrement, il remercie les spectateurs d'être venus, tout heureux de voir "son" Bataclan de nouveau plein à craquer. "J'ai juste dit ce que j'ai ressenti sur le moment, je n'avais rien préparé. Ce n'est pas la peine d'en faire trop, les gens savent ce qui s'est passé." Comme à son habitude, il invite le public "à sortir, à aller au théâtre, aux spectacles, aux concerts, à l'opéra". Sauf qu'ici, la phrase prend une résonnance particulière. Puis la lumière s'éteint.
<span>Une fois dans le noir, je dis que le spectacle est fini. Je le dédie à Nathalie et à tous les autres, ceux qui ne sont plus là et ceux qui sont restés, les vivants. Je termine comme ça.</span>
Pas de blague non plus pour Mathieu Madénian. Pour lui, il est "impossible de rire des attentats dans ce lieu-là, je n'ai pas réussi." Vers 14 heures, il s'assoit donc dans les loges avec son camarade Kader Aoun et les deux hommes discutent d'un petit texte qui viendra clore le spectacle. "Tu te dis que tu as intérêt à être canon pour faire marrer les gens et pouvoir dire : 'On a réussi.' Parce qu’il y a quelques mois, personne n’aurait pu penser qu’on puisse se marrer au Bataclan."
Avant que le rideau ne retombe – il n'aime pas les rappels –, Mathieu Madénian évoque la "peur" des attentats, ses amis de Charlie tués lors de l'attaque du 7 janvier 2015, cette conférence de rédaction qu'il a manquée à cause d'une télévision en panne... Puis il aborde la question du Bataclan.
<span>Tout à l'heure, une dame est venue me voir et m'a dit : 'Monsieur Madénian, c'est génial, le Bataclan est complet, quelle belle réponse faite au terrorisme !' J'ai rigolé parce que j'imaginais les mecs de Daech sur le site de la Fnac, en train de se dire : 'Merde, Madénian est complet au Bataclan, tout notre projet tombe à l'eau !' Et puis, je me dis que c'était pas si con, en fait. Regardez ce qu'on a réussi à faire. Pendant plus d'une heure, on s'est marrés ici, au Bataclan. Peut-être qu'à notre manière, c'est la meilleure des réponses qu'on puisse faire à ces connards. Merci de m'avoir écouté.</span>
"J'étais surprise, et puis ensuite j'ai compris pourquoi il parlait de Charlie Hebdo. J'ai trouvé ça courageux", réagit Tiphaine Saillard, présente ce soir-là dans le public. "Les gens se marrent et quand tu fais cette césure, tu leur rappelles ce qu'il s'est passé ici, analyse Mathieu Madénian. C'est le genre de choses qui doit arriver à la fin, sinon ça n'aurait aucun sens." Pour ne pas enrayer les rires, il préfère donc s'en tenir à son texte, celui qui le fait "marrer".
Remerciements, petit mot d'intention ou sketchs sur le terrorisme... A chaque humoriste sa manière d'aborder le Bataclan, estime-t-il. "Ne rien changer, c'est aussi une réponse. Je ne sais pas ce que va faire Baptiste Lecaplain en décembre, mais tous les choix sont légitimes s'ils sont justes et assumés." Ce dernier prévoit d'ouvrir le spectacle avec l'interprète Ben Mazué, lors des trois premières dates. "Il faut de la musique, car le plus dur, c'est quand les gens vont rentrer dans la salle."
"Le plus grand combat de ma vie"
A la fin du spectacle, la pression retombe. Yassine Belattar vacille tout de même un peu. "Je rentre vite en coulisses, je ne 'prends' même pas la standing-ovation. C'est comme la Route du Rhum, on ne comprend jamais pourquoi les navigateurs se mettent à chialer quand ils arrivent." Le comédien a mis du temps à encaisser le choc du "plus grand combat de sa vie".
En sortant de la salle, il découvre de nombreux messages hostiles postés sur les réseaux sociaux par des comptes d'extrême droite. Assis à la table d'un restaurant, près du Bataclan, il n'est pas dans son assiette. "Tu es toujours plus marqué par la méchanceté que par la gentillesse. Et puis c'est lourd, de jouer là-bas." Il reste enfermé chez lui pendant quatre jours et ne remonte plus sur scène pendant un mois. Mais il tire une grande fierté de l'expérience.
Ça fait quinze ans que je fais ce métier. On se pose souvent la question : 'Est-ce que ce que je fais est utile?'. Au Bataclan, j'ai compris pourquoi je faisais ce métier. Je sais que ce qu'on fait est utile, même modestement.
Mathieu Madénian défend le public de la salle parisienne contre les jugements à l'emporte-pièce. "Contrairement à Nicolas Sirkis, je ne pense pas que les gens qui ont rigolé au Bataclan ont été indécents envers les victimes, conclut Mathieu Madénian. Bien au contraire." Mais pour lui, ces spectacles d'humoristes ont une vertu bien au-delà des seuls murs de la salle parisienne. "S'il y a un attentat à Albi ou ailleurs dans une salle de spectacle, toutes les salles de France vont se vider. C'est donc le symbole qui est touché. Ces gens-là ne veulent pas qu’on rigole."
L'humoriste ne vit pas pour autant son passage comme un acte politique ou un acte de courage, un mot qu'il réserve au personnel du Bataclan. Il cite volontiers l'exemple de Didi, chef de la sécurité lors de l'attaque et naturalisé français depuis. Cet homme a sauvé des dizaines de vie en intervenant dans la salle pour aider les spectateurs à fuir. "C’est presque gênant d’avoir des gens qui se lèvent à la fin et t’applaudissent debout comme si tu avais fait un truc fabuleux et derrière, tu as le type qui a sauvé 100 personnes."
Je ne pensais pas que des rires puissent être aussi bouleversants. Merci d'être venus si nombreux hier pour notre 108ème @bataclan_ ❤️ pic.twitter.com/1twthiYLRz
— Michael Gregorio ???? (@gregoriomichael) 19 octobre 2017
Le deuil se fait aussi là, en dehors des caméras. Le soir de son Bataclan, Michaël Gregorio boit des coups à l'ApéRock – encore – et discute avec deux spectateurs présents lors de l'attaque jihadiste, qui revenaient dans la salle pour la première fois. Quand on lui demande son plus beau souvenir de scène, il répond désormais que c'était un soir d'octobre au Bataclan. "J'encourage mes camarades humoristes à y retourner, s'ils hésitent. Allez-y, les gens ne vont pas s'arrêter de rire."
Je ne cherche pas à convaincre les gens de venir au Bataclan. Mais à notre petit niveau, on participe à la reconstruction de cette salle, avec tous ces techniciens qui bossent et qui ont envie d'accueillir du public. La vie est plus forte que tout, elle est plus forte que l'obscurantisme.
"Cette salle ne sera jamais normale", résume Jules Frutos, mais le 4 mai, jour du spectacle de Yassine Belattar, "le premier rire fut un bonheur total". Comme le rock, l'humour joue aujourd'hui un rôle important dans la reconstruction des lieux. Celle-ci se joue "tous les jours avec les artistes", ajoute le codirecteur du Bataclan. "Nous allons vite, nous avançons." Cette année encore, Jules Frutos ne souhaite pas de commémoration officielle dans la salle le 13 novembre. Comme l'an dernier, le Bataclan restera fermé ce jour-là.
"Forcément, je vais y penser pendant le spectacle, conclut Baptiste Lecaplain. Le comédien songe déjà tous les jours à son passage au Bataclan. "Le seul rôle que j'ai à jouer, c'est de dire qu'on peut rire partout, pas seulement là. L'humoriste a déjà en tête la soirée de ses rêves. "La plus belle victoire serait que les gens rigolent vraiment, sortent et se disent qu'ils ont ri ici, dans cette salle." Surtout, il veut prouver à son père que le Bataclan est toujours debout et qu'on peut y rire comme avant, sans oublier pour autant.
"Je n'avais jamais entendu un rire aussi beau"
Les premiers contacts avec la salle restent impressionnants. Yassine Belattar prend une claque lors du repérage technique, mi-avril. "Quand tu mets les pieds au Bataclan, tu te refais le film. Tu n'y échappes pas, tu es pris dans une bulle." Un silence règne dans la salle. "Je me dis... Putain, c'est exactement ce que je voulais éviter, l'effet mausolée."
Les gens du Bataclan me parlent des travaux, des sièges supplémentaires, des coulisses refaites parce que les artistes trouvaient ça trop petit. De tout, sauf des attentats. Ils essaient de "rebanaliser" la salle. Et l'un d'eux me dit : 'C'est vrai qu'on n'a pas encore parlé au Bataclan depuis. Tu seras le premier humoriste.' Et du coup, ça me met une pression incroyable.
Mathieu Madénian préfère attendre le jour du spectacle, le 21 octobre, pour mettre les pieds dans la salle. "Je ne voulais pas trop anticiper pour rester le plus naturel possible. Il fallait éviter deux excès : jouer le mec détaché ou, au contraire, être trop 'dark' [sombre]." Il est accompagné par sa sœur, qu'il taquine aujourd'hui : "Une flipette, elle lâchait des 'Oh mon Dieu !'", impressionnée par les lieux.
Deux représentations sont programmées, à 16h30 et 20h30. Pour corser le tout, la captation du DVD est prévue ce jour-là. Avant d'entrer en scène, le comédien évacue la pression et la charge émotionnelle en échangeant des plaisanteries avec son compère Kader Aoun – "Ces blagues sont 'interdites', je ne peux pas vous les dire." Amis et personnel de production se pressent déjà dans les loges, quand Mathieu Madénian est saisi par l'odeur des murs rénovés.
Quand je sens une odeur d'essence, je pense à la station-service de mon grand-père. Je sais désormais que l'odeur de peinture fraîche me fera penser au Bataclan. Pour moi, le Bataclan, ce sont des trous bouchés et de la peinture fraîche.
"J'appréhendais un peu", explique Michaël Gregorio, échaudé par l'expérience de l'ApéRock. "Le jour du spectacle, je revois des potes : Manu le gardien, Simon qui s'occupe de la lumière..." Comme tous les soirs, son spectacle débute avec une vidéo enregistrée. Avec l'expérience, cet élément invariable lui permet d'anticiper l'ambiance du spectacle.
A la première vanne dans la vidéo, j'entends un gros rire. Je suis derrière l'écran et j'ai les poils qui se dressent. Je fais 'ouah' aux autres membres de l'équipe. Je n'ai jamais entendu un rire aussi beau, aussi bouleversant. J'avais envie de jouer, mais d'une force...
"Mes doutes venaient de mon rapport à la scène, avec le public, mais tout s'est fait naturellement", explique l'imitateur. Cette fois-ci, plus d'hésitation : le Bataclan a bel et bien envie de rire. Michaël Gregorio s'élance rassuré sur le plateau de 14x9 mètres.
Convaincre le public et les professionnels
En acceptant de jouer au Bataclan, Yassine Belattar, Michaël Gregorio, Mathieu Madénian et Baptiste Lecaplain ont engagé une "vraie démarche". D'autres artistes ont – pour l'instant – refusé d'y revenir, explique Jules Frutos, codirecteur de la salle. "Deux ou trois humoristes m'ont donné un accord [avant de décliner]", raconte-t-il. A cause des attentats ? Au téléphone, certains producteurs temporisent, évoquant par exemple un spectacle pas encore achevé. "Il n'y a pas de justificatif d'absence comme à l'école, explique Jules Frutos. Le motif n'est pas donné explicitement. C'est quelque chose qu'on doit deviner." "Vers mars 2016, il y a un moment où tous ces refus m'ont révolté, je n'admettais pas", poursuit-il, même s'il reconnaît qu'il est "plus ou moins facile de jouer au Bataclan, particulièrement pour des humoristes".
Deux ans après l'attaque, le symbole reste encore trop lourd pour certains professionnels, mais aussi pour certains spectateurs. Claire, 29 ans, était sur le point d'accepter l'invitation d'un ami, il y a quelques mois, quand elle a appris que le spectacle de Michaël Gregorio avait lieu au Bataclan. "Impossible de faire la fête là-bas, confie-t-elle. On ne fait pas de festival sur les champs de bataille de Verdun. Intérieurement, j'aurais été bloquée et j'aurais passé une mauvaise soirée." "NON de chez NON", écrit-elle sur Twitter. "Je comprends", répond l'imitateur, quelque peu désabusé, quand on lui montre ce message.
On m'a proposé d'aller voir Michael Gregorio j'étais super heureuse car j'adore mais après on m'a dit au bataclan et c'était NON de chez NON
— #LifeIsADream (@ClairePlc) 18 octobre 2017
Baptiste Lecaplain a proposé à un ami humoriste d'assurer sa première partie, en décembre prochain, mais ce dernier a décliné. "Des journalistes m'ont dit qu'ils préféraient venir à la première séance de 16h30, confie également l'assistante de Mathieu Madénian. Parce qu'il y avait moins de risque d'attentat". Emilie Castillo a dû batailler jusqu'au bout pour vaincre les réticences et remplir la salle.
Lors de la promotion du spectacle, l'humoriste a cherché à dissiper tout effet de rejet ou d'aubaine déplacée. "On a évité de mettre trop en avant le nom de la salle. Mathieu Madénian de Charlie Hebdo + "Etat d'urgence" + Bataclan, cela faisait beaucoup. Je ne voulais pas de récupération." Il reste encore marqué par "la difficulté de remplir" la salle. Grâce à ces artistes, toutefois, les producteurs sont aujourd'hui plus confiants, estime Jules Frutos. Certes, les dates sont moins nombreuses cette année, mais le taux de remplissage atteindrait 90%.