: Témoignages "Plus humaine", "en vigilance permanente"... Qu'a changé le 13-Novembre dans nos vies ?
Dans le cadre des commémorations des attentats du 13 novembre 2015, franceinfo a cherché à savoir ce que ce jour avait changé dans votre vie. Voici quelques-uns des témoignages que nous avons reçus.
Il y a eu un avant puis un après 13-Novembre. Dans le cadre des commémorations des attaques de Paris et de Saint-Denis, franceinfo a cherché à savoir ce que les attentats ont changé dans votre vie. Avez-vous modifié certaines de vos habitudes ? Avez-vous entamé de nouveaux projets, ou en avez-vous abandonné d'autres ? Avec le recul, quels souvenirs gardez-vous de ces événements ?
Vous avez été nombreux à nous faire part de vos craintes, de votre quotidien avec "la peur", mais aussi de vos nouvelles envies, de votre volonté d'oublier ou de ne rien changer. Voici quelques-uns de vos témoignages.
David, 43 ans, traducteur : "Je me sens concerné, mais pas menacé"
David se souvient très bien du soir du 13 novembre 2015. Il était chez lui, avec ses deux enfants et un ami en visite, dans sa petite ville de la Loire. "On a suivi les événements dans les médias. On s'est couchés en sachant qu'il y avait un nombre très élevé de victimes. Le lendemain matin, c'était pire. C'est là qu'on s'est rendu compte de l'ampleur des dégâts." Malgré le choc, David refuse de s'alarmer, "comme d’habitude, on a continué notre vie. On a la chance d’être à la campagne alors je me sens concerné, mais pas menacé."
Les sorties, les concerts, sont dans un premier temps source d'inquiétude, mais prennent vite un air de résistance. "Je suis allé à un concert à Lyon, je me suis dit : 'Il faut y aller, ça ne sert à rien d'abandonner son mode de vie. On ne lâchera pas'." Le seul moment dans l'année où il s'est senti menacé, c'est lors du festival Hellfest, en juin, à Clisson (Loire-Atlantique). "C'est un événement un peu subversif, qui aurait pu être une cible pour les terroristes." De manière générale, David se dit moins optimiste sur l'avenir. "On sait qu'il est incertain, je m'attends à vivre d'autres attentats, j'ai l'impression d'être plus détaché."
Pierre, 25 ans, étudiant : "J'essaye d'avoir des actions plus positives et constructives"
Pierre était à Londres le soir du 13 novembre 2015. "J'ai vu les images sur internet, ça se passait dans des rues que je connaissais bien, mais avec lesquelles je n'ai pas d'attache particulière", raconte-t-il. "Le lendemain, j'ai envoyé un mail à plusieurs collègues français pour savoir comment ils allaient. Tout le monde m'a répondu, sauf une." Quelques jours plus tard, Pierre réalise que cette personne a perdu son frère dans les attaques. "Je me suis senti coupable, mal à l'aise de lui avoir envoyé ce message." Cet épisode déclenche chez lui une prise de conscience, une envie d'avoir des actions plus positives et constructives. "Je me suis rendu compte que j’avais de la chance de vivre en France, d'être libre, de vivre comme je voulais. De faire des études qui me plaisent."
Il s'engage alors dans une association pour faire du soutien scolaire : "La culture, l'éducation, c'est essentiel pour qu'on se comprenne mieux. Je pense qu'on a besoin d'unité, d'apaisement et de dialogue." Peu habitué à aller à des concerts, il ira au Bataclan à la fin du mois pour écouter Marianne Faithfull. Pas pour le lieu et son symbole, mais parce que "j'ai cette chance-là, de pouvoir sortir et vivre comme je veux alors autant continuer, autant ne pas renoncer".
Laurence, professeure de français : "Je suis en 'vigilance personnelle' permanente"
Le lundi qui a suivi les attentats, Laurence a passé une demi-journée à parler avec ses élèves des événements. "On s'est rendu compte qu'on avait trois ou quatre élèves par classe touchés de près ou de loin par les attentats." Professeure au collège Françoise-Dolto à Paris, situé à proximité de la place de la République, elle se souvient d'élèves complètement "retournés", qui éprouvaient un véritable besoin de parler.
Habituée à organiser de nombreuses sorties scolaires, le 13-Novembre l'a rendue beaucoup plus vigilante. "Je ne sors jamais sans mes papiers, que je mets toujours dans une poche et jamais dans mon sac. Je ne le faisais jamais avant. Je suis en 'vigilance personnelle permanente'." Consciente qu'un attentat peut frapper n'importe où et à n'importe quel moment, Laurence a demandé à ses élèves de fabriquer un badge avec leur état civil et un formulaire d'autorisation de soins. "Ils le portent autour du cou à chaque sortie scolaire. C'est un petit détail qui permet, si quelque chose arrive, qu'ils puissent être identifiés tout de suite." Depuis les attentats, elle ressent le besoin d'être utile, et se dit "si un jour quelque chose se passe, j'aimerais faire partie de ceux qui auront permis d'atténuer la douleur, l'angoisse. Cela passe par des petites choses du quotidien."
Carole, 42 ans, kinésithérapeute : "Les attentats m'ont poussée à être plus humaine"
Carole habite dans une rue perpendiculaire à la rue Nicolas-Appert, dans le 11e arrondissement de Paris, où se trouvaient les locaux de Charlie Hebdo. "Je n'étais pas chez moi le 13 novembre, mais j'étais là le 7 janvier, lors des attentats contre le journal", raconte-t-elle. "Les attentats de novembre ont ravivé les blessures de Charlie. Je me suis de nouveau sentie en insécurité, j'ai eu peur." Dans les jours suivants le 13 novembre, Carole entend de nouveaux "les bruits de kalachnikov" dans sa tête, alors qu'elle les avait peu à peu oubliés grâce à une thérapie. Elle se fait arrêter plusieurs semaines, "c'était impossible pour moi d'aller travailler."
Au fil des mois, les bruits de tirs se transforment "en souvenirs", elle sort beaucoup moins, mais plus par "envie d'autre chose que par crainte". "Je faisais déjà de la musique avant, mais là je m'y consacre davantage." Kinésithérapeute pour certaines victimes du 13-Novembre, Carole garde en tête qu'un nouvel attentat "peut toucher n'importe qui", et dit vivre "plus intensément". "Les attentats m'ont poussée à être plus humaine, beaucoup plus attentive et à l'écoute. Consciente de la vie en somme."
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