: Tribune "Syrie : ne désespérons pas de la diplomatie"
Pour François Dupont, amiral, ex-chef du cabinet militaire de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Défense, les attentats de Paris pourraient accélérer les négociations pour régler la crise en Syrie.
François Dupont, promotion 1968 de l'Ecole navale, amiral et ingénieur en génie atomique, est l'ancien chef du cabinet militaire de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Défense, de 2002 à 2005. Il s'exprime ici librement.
Les discussions pour un règlement politique en Syrie qui se sont tenues à Vienne le 14 novembre ont, semble-t-il, bénéficié de l’horreur ressentie par l’ensemble des pays concernés, de près ou de loin, après les attentats de Paris. Une feuille de route pour une transition politique a été adoptée. Cela ne signifie pas qu'il y aura une résolution rapide des divergences entre les pays ou les organisations siégeant à Vienne. Car autour de la table, entre la Russie, l'Iran, les Etats-Unis, la France et les pays arabes, les histoires sont différentes, les intérêts sont différents, les objectifs politiques sont différents, les cultures de diplomatie sont différentes et des cartes maîtresses restent cachées. Et les diplomates, dont c’est le métier de trouver sinon une solution définitive, au moins un terrain d’accord ou plutôt de non-confrontation, le savent.
A Vienne, la France n'a donc pas la main. Et le rôle de notre ministre et de ses équipes qui agissent dans les coulisses avant, pendant et après, n’est pas d’imposer une solution mais de la faire advenir. Ce sera forcément long. Mais rappelons-nous par exemple que les négociations qui ont permis à l’Iran de revenir sur la scène internationale ont été aussi très longues et laborieuses ; or, c’est leur aboutissement qui permet aujourd’hui d'avoir autour de la même table l’Iran et l’Arabie saoudite. Une situation impensable il y a encore six mois. Une victoire de la diplomatie.
Les négociateurs sont dans un jeu de rôle
Il serait trop long de faire la liste des divergences aujourd’hui. Le Moyen-Orient a accumulé depuis l’entre-deux-guerres des nœuds conflictuels de toutes natures dont le nombre et la complexité sont inégalés, où que ce soit ailleurs dans le monde, et quelle que soit la période de l’histoire considérée. L’avenir politique de la Syrie est l’un de ces nœuds et le sujet du sort à réserver à Bachar Al-Assad, l’un des enjeux principaux de Vienne. Mais, au-delà du destin d'Assad, c’est l’avenir du Moyen-Orient qui est concerné. Aujourd’hui, autour de la table de Vienne, les négociateurs sont encore dans un jeu de rôle, autant celui qui exige le départ du président syrien que celui qui ne veut pas en entendre parler. Mais les négociateurs sont bel et bien autour de la table.
Un calendrier précis a été adopté, avec une rencontre d'ici au 1er janvier entre représentants de l'opposition syrienne et du régime, la formation d'un gouvernement de transition dans les six mois et l'organisation d'élections d'ici dix-huit mois. Cela devrait conduire à une Syrie différente, sans doute sans Assad.
La coalition militaire, elle, est une arme au service de la diplomatie. On peut légitimement penser qu’elle sortira renforcée après ce 13 novembre car la France est loin de pouvoir accomplir seule la mission d’affaiblir puis, à terme, de détruire les forces militaires de Daech. La prise de position du président américain est, en ce sens, rassurante. On est en droit aussi d’espérer que le 13 novembre orientera les forces militaires russes dans un sens qui nous convienne mieux, à savoir contre les forces de Daech et uniquement contre elles. Mais il faudra aussi que les Occidentaux acceptent que d’autres buts de guerre fassent encore partie des objectifs de Vladimir Poutine.
La France n'est pas seule
Quant au fait de savoir si la France a bien fait de frapper la Syrie et d’accroître son effort, il n'y a plus guère de doutes : cette décision est aujourd’hui parfaitement légitimée par l’état de guerre dans lequel nous sommes. Mais ici aussi les choses vont durer et tout le monde sait que ces opérations devront un jour ou l’autre se prolonger au sol. Avec l’appui et l’engagement des pays de la région. Ils ne prendront ce risque que s’ils sont convaincus de l’intérêt pour eux-mêmes et pour leur peuple de ces affrontements meurtriers. Et l’on en revient au rôle clé de la diplomatie.
Après ce 13 novembre la France n’est donc pas seule. Il s’agit pour elle de trouver sa juste place, notamment au sein de la conférence de Vienne. Après les attaques qu'il a subies, notre pays est en droit d’exiger des négociateurs internationaux qu’ils affichent leur volonté de résoudre la crise et prennent leur part du fardeau particulièrement lourd que nous portons aujourd’hui. L’histoire enseigne qu’il faut un élément déclencheur pour que s’engage un processus vertueux, comme ce fut le cas lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis pour les deux conflits du XXe siècle. Les victimes du 13 novembre ont peut-être permis que la négociation commence. Enfin.
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