"Je ne suis pas un terroriste" : au procès de l'assassinat de Samuel Paty, les accusés adressent leurs derniers mots à la famille du professeur


"Ça fait quatre ans que je suis face à une montagne qui m'empêche d'apercevoir l'horizon, qui m'empêche de me projeter, qui m'empêche d'être heureux. La montagne du désespoir..." Dans ses derniers mots prononcés devant la cour d'assises spéciale de Paris, jeudi 19 décembre, Naïm Boudaoud, l'un des huit accusés du procès de l'assassinat de Samuel Paty, a, de nouveau, clamé son innocence. Renvoyé pour complicité de terrorisme, l'homme de 22 ans a toujours nié, y compris pendant son interrogatoire, le 21 novembre, avoir eu connaissance du projet de l'assassin Abdoullakh Anzorov, qu'il a pourtant déposé à proximité du collège avant que ce dernier ne décapite le professeur d'histoire-géographie le 16 octobre 2020.
Comme la plupart des accusés, Naïm Boudaoud s'est ensuite adressé à la famille de l'enseignant, présente dans la salle d'audience. "Bien sûr, j'ai des souffrances qui ne sont pas du tout égales à celles de la famille de Samuel Paty, mais je veux qu'ils sachent que je n'ai jamais voulu faire du mal à quelqu'un et que je suis incapable d'aider quelqu'un à faire du mal", a-t-il déclaré d'une voix chevrotante.
Son coaccusé Azim Epsirkhanov, un Russe d'origine tchétchène âgé de 23 ans qui connaissait Abdoullakh Anzorov depuis l'enfance, a, lui, salué l'attitude de Bernadette Paty, la mère du professeur, venue témoigner au procès le 8 novembre. "J'ai un respect énorme face à cette mère, qui s'est présentée devant vous sans aucune haine, sans aucune frustration, qui s'est exprimée devant vous pour demander la justice et la vérité", a-t-il livré d'un ton peu audible. "C'est envers la famille qu'on doit la vérité", a insisté Azim Epsirkhanov, qui a réfuté avoir "participé à quoi que ce soit" ou fait du tort "à l'intégrité de qui que ce soit". Alors qu'il est lui aussi jugé pour complicité d'assassinat terroriste, l'accusation a demandé à la cour de requalifier les faits reprochés en association de malfaiteurs terroriste, comme pour Naïm Boudaoud.
"Le terrorisme, tout mon être le rejette"
Quant à Brahim Chnina, le père de la collégienne à l'origine de la rumeur sur Samuel Paty, il a une fois de plus présenté ses excuses, en particulier à l'égard du jeune fils du professeur, et renouvelé ses regrets "du fond du cœur". "Je n'ai pas réfléchi aux conséquences, j'ai été égoïste, je voulais bien défendre ma fille et malheureusement j'ai tout raté", a résumé l'accusé, à l'encontre duquel le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis 10 ans de réclusion criminelle. S'il reconnaît de la maladresse à l'audience, il nie les faits qui lui sont reprochés : "Je ne suis pas un terroriste, je ne fais pas partie d'une association de malfaiteurs terroriste, je hais les terroristes, ma vie c'est d'aider les gens, d'être utile."
"Le terrorisme, tout mon être le rejette, ma philosophie le rejette, mon militantisme il est pour la justice", a renchéri le prédicateur Abdelhakim Sefrioui, qui a profité des derniers mots pour réclamer, comme ses avocats l'ont fait mercredi, son acquittement. L'accusé, contre lequel le Pnat a requis 12 ans de réclusion criminelle, a dit espérer que "ce procès ait pu permettre à la famille de Samuel Paty et leurs proches d'évoluer dans la façon de [l]e regarder". "Je n'ai rien à voir avec ce crime indigne de l'humanité tout entière", a-t-il clamé.
Le verdict attendu vendredi soir
Deux autres accusés ont pris la parole. Yusuf Cinar avait griffonné sur un papier les quelques mots qu'il a lus. Il a déclaré qu'il voulait "retrouver" sa famille, sans être expulsé en Turquie, et qu'il était "de tout cœur avec la famille Paty". Priscilla Mangel, elle, n'a pas eu de mot pour la famille Paty. "Vous avez devant vous une femme voilée mais nue, nue et très inquiète, très inquiète pour l'avenir", a-t-elle conclu, disant reprendre les mots de son avocate. Egalement membres de la "jihadosphère", Ismaïl Gamaev et Louqmane Ingar ont, eux, choisi de ne pas prendre la parole.
Ces propos de six des huit accusés n'ont pas "franchement convaincu" la famille de Samuel Paty, d'après Virginie Le Roy, l'avocate des parents du professeur et de l'une de ses sœurs, Gaëlle Paty. "Ces derniers mots, de manière générale, étaient plutôt victimaires", a-t-elle réagi face aux journalistes. "Ceux qui sont dans le box ne veulent pas admettre" de "responsabilité", et "c'est dommage", a lâché Virginie Le Roy, en se disant "déçue de l'audience" car "on n'a pas eu beaucoup d'explications sur les faits". La cour s'est retirée pour délibérer. Le verdict est attendu vendredi, "à compter de 20 heures".
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