Violeur de la Sambre : découvrir l'identité de son agresseur 15 ans après les faits est "un choc traumatique"
La psychiatre Muriel Salmona a estimé, jeudi sur franceinfo, que la mise en examen de Dino Scala, soupçonné de multiples viols principalement dans le Nord, permettra aux victimes de savoir qu'elles ne sont "pas seules".
Dino Scala, soupçonné d'avoir commis une quarantaine de viols et d'agressions sexuelles principalement dans le Nord, a été présenté comme "monsieur tout le monde" par le procureur de Valenciennes. "C'est assez violent d'entendre cela", a réagi, jeudi 1er mars sur franceinfo, Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie. Selon elle, "les gens ont des fausses représentations sur ce qu'est un violeur."
Les premiers faits sont vieux de plus de 30 ans. La psychiatre souligne surtout que découvrir l'identité de son agresseur, 15 ans après les faits, est "un choc traumatique qui se produit à nouveau" pour les victimes, mais qui permet aussi de savoir que l'on n'est "pas seul" et "d'échapper à toute la culpabilité qui est imposée aux victimes".
franceinfo : Découvrir l'identité de son agresseur, plus de 15 ans après les faits, est-ce un choc ou un soulagement ?
Muriel Salmona : Les deux à la fois. C'est essentiel d'être rassuré sur le fait qu'enfin ce prédateur est arrêté et que justice va être faite. Mais cela fait revivre tout l'évènement. C'est un choc traumatique qui se produit à nouveau. C'est un nouveau travail. C'est aussi le fait de savoir qu'il y a eu autant de victimes. On n'est pas seul. Cela permet d'échapper à toute la culpabilité qui est imposée aux victimes qui pensent qu'elles sont peut-être responsables. Là, elles s'aperçoivent que c'est un prédateur multirécidiviste qui était dans une stratégie de chasse. Cela change quelque chose parce qu'effectivement elles ont été confrontées à quelqu'un vis-à-vis duquel elles n'avaient aucune chance. Mais c'est aussi effondrant. Tant de victimes pendant tant de temps. Cela donne un vertige effarant. Les victimes ont souvent peur pour d'autres victimes, et elles ont raison.
Est-ce qu'il faut se reconstruire différemment lorsqu'on a mis un nom, un visage sur l'agresseur ?
Cela donne des outils pour mieux comprendre ce qui est arrivé, pour identifier, pour retourner sur l'évènement, pour le voir avec beaucoup plus d'éléments qui permettent une meilleure connaissance de ce qu'il s'est passé. C'est utile pour tout le travail en termes de psychotraumatisme que l'on fait. Mais il va falloir faire avec le choc que représente un nombre aussi important de victimes. Et le fait que, toutes ces années, il a pu continuer, c'est très violent. Mais c'est la majorité des victimes qui sont dans cette situation. Il n'y a que 9 % des victimes qui portent plainte, 83 % ne sont jamais protégées ni reconnues.
Est-ce que cela peut décider les victimes qui ne se sont pas fait connaître, à porter plainte ?
Oui. C'est fréquent. Quand il y a des grandes affaires qui explosent, il y a beaucoup de victimes qui n'avaient pas dénoncé les choses. Du coup, elles vont pouvoir le faire en meilleure sécurité. Là, elles ne vont pas avoir peur de ne pas être crues. Ne pas avoir peur qu'on les mette en cause. Elles vont surtout se remémorer. Souvent, il y a des amnésies traumatiques dissociatives où les gens sont en système de survie et ont très peu accès à ce qu'il s'est produit, par survie. Là, plein de choses vont leur revenir en flash-back. Elles vont pouvoir dénoncer ces faits et être prises en charge. Elles ont besoin d'accompagnement.
Dino Scala est qualifié de "monsieur tout le monde". Comment cela peut être vécu par ces femmes?
C'est assez violent d'entendre cela. La plupart des violeurs ne racontent pas à tout le monde qu'ils violent. Le plus souvent, ils ne sont pas connus. Et cela fait partie de la culture du viol. Les gens ont des fausses représentations sur ce qu'est un violeur, et d'autant plus un violeur en série. Effectivement, ces violeurs-là se recrutent dans tous les milieux. Ils peuvent être parfaitement bien insérés. C'est très habituel. C'est la réalité de tous les jours.
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