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Foot : pourquoi les Bad Blue Boys de Zagreb sont-ils si méchants ?

Le PSG rencontre le Dinamo au Parc des Princes ce soir, en Ligue des champions. Dans la rue, les redoutables hooligans du club croate ont déjà fait parler la poudre. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le groupe de supporters Bad Blue Boys, du Dinamo Zagreb, lors d'un déplacement à Londres, le 6 novembre 2008. (IAN KINGTON / AFP)

FOOT – Scènes de guérilla lundi 5 novembre, près de la place de la Bastille à Paris. Un "fight" entre deux groupes de supporters violents, du Dinamo Zagreb et du PSG, qui avaient convenu à l'avance d'un endroit où se retrouver pour se défouler. Echange de fumigènes, 25 interpellations, des matraques télescopiques et des couteaux retrouvés sur place, et cette vidéo filmée de la fenêtre d'un appartement voisin. Au total, 103 supporters ont été placés en garde à vue mardi.

Les autorités ont interdit le déplacement de tout fan croate sur le territoire français dans la journée du mardi 6 novembre, avant et après le match PSG-Dinamo Zagreb, comptant pour la Ligue des champions. Cela fait longtemps que la police croate n'arrive plus à contrôler les éléments les plus dangereux. Principale crainte des autorités françaises : l'arrivée dans la capitale des redoutables hooligans de Zagreb, les Bad Blue Boys. 

"Pour nous, tu es déjà mort"

Les Bad Blue Boys (ou BBB pour les intimes) ont choisi ce nom en hommage au film Bad Boys, sorti en 1983, avec Sean Penn au générique. Ce nom en anglais n'est pas le fruit du hasard. Un des leaders des BBB explique, dans le livre Soccer against the ennemy, avoir passé, adolescent, de nombreux après-midis au consulat britannique pour lire les articles du Times et du Telegraph sur les hooligans de Chelsea, les pires du Royaume-Uni à l'époque. 

Les BBB n'ont plus grand-chose à leur envier. Leur réputation a largement dépassé les terrains. Ils ont attaqué un bus de supporters du club grec du PAOK Salonique en utilisant des techniques de "guérilla" en 2010. En 2011, ils ont envoyé un message très clair à la presse, "Mort aux journalistes", estimant que les médias croates les traitaient injustement. Quand Niko Kranjcar, le fils d'une légende du club, décide d'aller jouer pour le club rival de Split, en 2007, ils le menacent de mort. Ils affirment qu'il ne pourra plus faire un pas en sécurité à Zagreb, allument 200 bougies devant sa maison et accrochent une banderole où on peut lire : "Pour nous, tu es déjà mort". Même les hooligans d'en face, ceux du club croate rival Hajduk Split, les craignent. L'un d'eux déclare, sur le site spécialisé Sharkfoot : "Traditionnellement, les Bad Blue Boys sortent les couteaux, mais nous, on est de la vieille école, on se sert de nos poings."

Les supporters du Dinamo Zagreb brûlent le maillot de Niko Kranjcar, qui a quitté le club pour rejoindre l'équipe rivale de l'Hajduk Split, le 11 septembre 2005. ( REUTERS)

En bisbille avec le vice-président du club, un homme d'affaire sulfureux qui régente le football croate, les BBB ont boycotté pendant un an les matchs du club. Avant de lever la consigne, hormis pour les matchs de Ligue des champions (ce qui ne les empêche pas de se rendre aux abords des stades pour se défouler). De toute façon, ça fait longtemps qu'il ne fait plus bon aller au stade à Zagreb. "Ils se mettent des cachetons et de la bière à tout va avant et pendant le match, explique un expatrié dans So Foot, pour à la sortie s'amuser à se casser la gueule entre eux, faute de groupe de supporters adverses. Des fois, comme ils sont pas très rigoureux, ils s'en prennent au premier pékin venu. C'est aussi pourquoi il ne fait pas bon aller au stade en famille là-bas..."

Les Bad Blue Boys, enfants de la guerre de Yougoslavie

Devant l'entrée du stade Maksimir de Zagreb se trouve un monument dédié aux supporters "qui ont commencé la guerre contre la Serbie", le 13 mai 1990. Ce jour-là se déroulait le match phare du championnat yougoslave : les Croates du Dinamo Zagreb contre les Serbes du Partizan Belgrade. La partie ne va pas à son terme, mais dans les tribunes, les sièges et les pavés volent bas. Un des joueurs de Zagreb, Zvonimir Boban, donne un coup de pied à un policier qui menace la foule et finit le match sous la protection des supporters croates. Le match est annulé, le championnat de Yougoslavie aussi. Le pays s'embrase bientôt dans une guerre qui va durer quatre ans. 

Tout ça à cause d'un match de foot ? C'est ce que les autorités croates veulent faire croire. "Vous n'avez pas besoin d'attendre un siècle pour ce mythe devienne réalité", soupire Zarko Puhovski, un prof de philosophie, interrogé dans le livre Soccer against the ennemy. En réalité, la bagarre était prévue de longue date et les supporters de Zagreb avaient accumulé un stock considérable de projectiles quelques jours avant le match. Encouragés par Franjo Tudjman, un homme politique qui allait prendre le pouvoir en Croatie après la sécession, les BBB ont donné de nombreux officiers à l'armée croate, certains mourant avec le blason du club épinglé sur leur uniforme.

Les joueurs du match Dinamo Zagreb-Hajduk Split, lors d'affrontements entre les Bad Blue Boys et la police, le 29 septembre 2012.  (DRAGO SOPTA/CROPIX/SIPA)

Aujourd'hui encore, l'héritage de la guerre de Yougoslavie se retrouve dans le comportement des BBB. "Les enfants des années 1990, nés à l'époque où le patriotisme était mesuré par la haine envers l'autre, ne font que refléter l'éducation familiale dans les tribunes", explique Hrvoje Prnjak, auteur d'un livre sur les Bad Blue Boys, à l'agence allemande DPA. "Ce n'est pas qu'une déformation du chauvinisme lié au sport, c'est lié au climat de l'indépendance, le 'eux contre nous'".

Pendant que les hooligans croates se battaient dans les rues de Paris, où étaient leurs joueurs ? Ils s'adonnaient à une activité beaucoup moins belliqueuse. Un journaliste d'Europe 1 en a ainsi croisé quelques-uns en pleine séance de shopping. 

 

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