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Au Raincy, la salle de gym 100% femmes qui fâche Eric Raoult

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le club de fitness réservé aux femmes Orty Gym, au Raincy (Seine-Saint-Denis), le 1er octobre 2013. (NORA BOUAZZOUNI / FRANCETV INFO)

Le maire UMP de cette commune de Seine-Saint-Denis souhaite la fermeture du club de sport, en invoquant le non-respect des normes de sécurité. Mais pour la gérante, une jeune musulmane voilée, c'est sa religion qui pose problème à l'élu.

"Entrez, enlevez vos chaussures… Je plaisante !" Nadia Elgendouli, grand sourire, longs cheveux méchés et eye-liner émeraude, a pris l'habitude de faire des clins d'œil sur l'islam. Et pour cause, le club de fitness dont elle est cogérante, situé dans une rue commerçante du Raincy (Seine-Saint-Denis), est l'objet d'attaques sur sa sécurité et son communautarisme supposé. Mais l'ambiance est détendue et bavarde, mardi 1er octobre. Dans l'entrée, deux femmes écoutent RMC, dont Lynda Ellabou, la gérante voilée de la salle. A l'antenne, les chroniqueurs des "Grandes Gueules" évoquent justement son club de sport, Orty Gym, qui a pour particularité d'être réservé aux femmes.

Pour le maire, une ouverture sans autorisation

 
L'établissement de 200 m², aux murs orange et fuchsia, a ouvert le 9 septembre. Il comprend une salle de sport collectif, une autre dédiée à l'esthétique, des machines de musculation et de cardio, ainsi que des vestiaires et une salle de repos "que l'on va aménager pour l'aquabiking". Mais depuis son inauguration, le maire UMP de la ville, Eric Raoult, tente de faire fermer le club de gym, invoquant une absence d'autorisation ainsi que des manquements aux normes de sécurité.
 
Eric Raoult déplore notamment l'absence de parking, "obligatoire lorsqu'un établissement peut accueillir plus de vingt personnes", affirme-t-il à francetv info. Et selon lui, l'une des issues de secours "donne sur un mur". Celle que Nadia Elgendouli nous montre permet d'accéder à un sas, qui donne lui-même sur l'entrée de l'immeuble mitoyen, mais peut-être y en a-t-il d'autres. Les extincteurs sont bien là ; tout est conforme en cas d'incendie ou d'évacuation urgente, documents signés par une entreprise de sécurité à l'appui. Et pour cause : avant d'être une salle de sport, le local était un restaurant, puis un centre de fitness et de relaxation. L'ancienne façade est d'ailleurs encore visible sur Google Street View. Le maire, lui, assure que le dernier occupant du local était une entreprise d'aide à la personne, Confiance Services. Cette société est bien domiciliée au Raincy, mais dans une autre rue. 
 
"C'est le propre des intégristes, ils ne vont pas reconnaître qu'ils ont peut-être tort. Mais pour tout commerce, on doit renforcer les conditions de sécurité. Je l'ai demandé pour une église évangélique et une crèche juive. Qu'il y ait des musulmans ou des bouddhistes, ce n'est pas le problème. Le problème, c'est s'il y a un pépin", assure Eric Raoult à francetv info. Une commission de sécurité doit d'ailleurs se rendre sur place jeudi, pour la deuxième fois.

Pour la gérante, c'est son voile qui déplaît au maire 

 
Lynda Ellabou, elle, pense que la préoccupation du maire est tout autre. Car toutes ces tracasseries administratives coïncident avec la publication, le 6 juin, sur le site communautaire Oumzaza, d'un billet sur Orty Gym. Il indiquait qu'une salle de prière allait bientôt ouvrir au sein de l'établissement. Nadia Elgendouli dément fermement : "On leur a demandé de retirer ce passage, c'est complètement faux. Est-ce que vous voyez une salle de prière ? Les seuls tapis qu'il y a sont des tapis de gym", sourit-elle.
 
L'ouverture ne s'est pourtant pas faite en catimini : selon Lynda Ellabou, Eric Raoult avait donné son accord, avant de se rétracter. D'après elle, s'il recule aujourd'hui, c'est parce qu'il ignorait qu'elle était musulmane et qu'elle portait le voile. "La première fois qu'il m'a vue, pour donner son accord, je ne portais que le bonnet", se souvient-elle. Le 18 juin, lors d'un second entretien à la mairie, elle vient voilée. "Il m'a dit que ça ne l'arrangeait pas de mettre une femme voilée à l'accueil, au vu de tout le monde", se rappelle-t-elle. La propriétaire antillaise des lieux, présente au moment de l'entretien, se souvient : "Il a rajouté que si elle voulait exercer ce type d'activité en portant le voile, elle devrait aller à La Courneuve ou à Aulnay, mais pas dans sa ville, au Raincy. Ce sont ses propos."
 
"Et puis, quelqu'un a dû lui apprendre que le 'orty' de Orty Gym, ça veut dire 'sœur' en arabe. Parce qu'on est toutes sœurs, toutes les femmes, de toutes les confessions", extrapole Nadia Elgendouli. "Alors quand on parle anglais, ça passe, mais dès que c'est de l'arabe, ça pose problème", regrette-t-elle. "Il n'y a pas de religion ici, est-ce que vous voyez des photos, des signes religieux ? C'est international women !", plaisante-t-elle. "La seule ambiguïté, c'est le maire qui la crée", souffle Lynda Ellabou. Des accusations d'islamophobie qui "passent au-dessus" d'Eric Raoult. "Je n'ai rien à prouver à ces deux plombiers [Lynda Ellabou et son mari], j'ai plus fait pour les Maghrébins que ces deux-là", lance-t-il à francetv info.

De l'intimité pour "toutes les femmes"

 
"J'entends souvent que les femmes voilées sont soumises. C'est mon mari qui a eu l'idée d'ouvrir une salle de sport réservée aux femmes. Et pendant que je travaille ici, c'est lui qui garde les enfants et qui prépare les repas", s'exclame Lynda Ellabou. "Moi, je suis musulmane, et je ne suis pas voilée, ni mariée ; je ne suis soumise à personne", renchérit Nadia Elgendouli en souriant. "Si on a ouvert cette salle, c'est parce qu'il y avait une demande", expliquent-elles.
 
Fatima (le prénom a été modifié), 46 ans, est chef avion. C'est une amie de Lynda Ellabou, qui fréquente les lieux depuis l'ouverture. "Ce que les femmes viennent chercher ici – toutes les femmes, juives, musulmanes, chrétiennes –, c'est de l'intimité. On aime être belles dehors, mais pas qu'on nous regarde pendant qu'on souffre pour y arriver !", plaisante-t-elle. Elle habite Aulnay, à 7 km de là. "Avant, j'allais dans une autre salle réservée aux femmes, en bas de chez moi. Mais je trouvais le local trop petit, c'était un peu cher et leur système de coaching ne me convenait pas. Ici, c'est ouvert de 7 à 21 heures, et comme j'ai des horaires décalés, c'est pratique." 
 
Et ce n'est pas Fatna, la prof de fitness, qui dira le contraire. Avant d'arriver en France, il y a trois ans et demi, elle vivait à Barcelone, où elle est née. "Je comprends que les femmes aient envie de faire du sport entre elles ici. En Espagne, je ne me suis jamais sentie mal à l'aise à la salle de gym. A Paris, les mecs vous regardent et viennent vous parler même si vous avez des écouteurs sur les oreilles", déplore la jeune femme, en secouant ses cheveux frisés. Une cliente, voile noir, gilet rose et jogging, sort des vestiaires. C'est son deuxième cours. Pour elle, "il n'y a pas de polémique". Elle vit en Seine-et-Marne et a entendu parler d'Orty Gym sur internet. "Certaines femmes sont pudiques, si elles ont quelques bourrelets, elles n'ont pas forcément envie de les montrer aux hommes", rétorque cette enseignante. 
 
Sofia, qui donne un coup de main à son frère, propriétaire de l'épicerie voisine, abonde : "Je ne porte pas le voile, je mets des jupes. Il n'y a aucune sélection de la clientèle. Cette salle est une bonne idée, on ne va quand même pas interdire aux gens d'avoir des idées !"

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