Chez les pro-UMP suisses, si vous aimez payer des impôts, "vous n'avez qu'à retourner en France"
Cocktail mondain dans le parc ? Non, meeting de la candidate UMP pour les législatives dans la circonscription Suisse-Liechtenstein. Côté campagne, le programme se limite aux impôts. Reportage.
Brochettes tomates cerises-mozza, feuilletés sésame, nappes blanches et verres à pied, la réunion publique de la candidate UMP pour les législatives dans la 6e circonscription des Français de l’étranger, qui regroupe la Suisse et le Liechtenstein, lundi 21 mai, tient davantage du cocktail que du meeting politique.
"J’ai malheureusement l’impression que ce sont surtout les amis ou ceux qui nous connaissent déjà qui viennent dans ce genre de réunion", confie la candidate, Claudine Schmid, qui peine à deviner "s'[ils seront] 10 ou 100", à quelques minutes du rendez-vous fixé sous la grande verrière du distingué café du parc des Bastions, au cœur de Genève.
"L'élection d'Hollande n’est pas une bonne nouvelle pour nous"
Entorse à la sacro-sainte ponctualité suisse, la réunion commence avec trente minutes de retard, histoire d’attendre les derniers arrivants. Au total, une assistance d'une grosse cinquantaine de personnes, dominée par les brushings grisonnants et les costumes sombres. D'emblée, le ton est donné par Anne Rivière, relais de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy sur place : "L’élection de François Hollande n’est pas une bonne nouvelle pour nous, surtout avec Jérôme Cahuzac au Budget, qui s’est prononcé pour la double imposition des Français de l'étranger."
Au côté de la candidate, mère de famille de 56 ans au léger accent bourgeois, Sébastien Brack, son suppléant trentenaire façon gendre idéal, tignasse brune ondulée et cravate assortie aux yeux bleus. Mais aussi le sénateur Christophe-André Frassa, jeune représentant UMP des Français établis hors de France à la chambre haute, pas peu fier de faire le tour du monde pour soutenir les candidats aux législatives. Appliqué, il a griffonné sur une feuille à petits carreaux arrachée à un carnet à spirales bons mots et attaques sur chacun des 20 autres candidats dans la circonscription. Des "indépendants qui ne représentent qu’eux-mêmes" aux "MoDem qui sont de gauche maintenant" en passant par le candidat du Parti pirate, dont il "ne sait pas s'il est borgne", tout le monde en prend pour son grade. Puis il entame l’éloge de la candidate UMP.
"La fiscalité, ensuite la fiscalité, et encore la fiscalité"
"Claudine Schmid n’est pas la meilleure. Elle est la seule", lance-t-il, déstabilisant l’assemblée, "la seule qui ne lâche pas les dossiers, (…) qui vous défendra bec et ongles". Qu’elle a parfaitement manucurés. Il faut dire que la candidate est rodée. Depuis qu’elle a rejoint son mari suisse à Zurich il y a trente ans, Claudine Schmid a écumé les associations de Français sur place. Actuellement, elle est élue à l’Assemblée des Français de l’étranger, "vice-présidente pour le monde" de l’Union des Français de l’étranger, et présidente de l’antenne Zurich de ladite Union.
Les préoccupations de ses concitoyens ? "La fiscalité, ensuite la fiscalité, et encore la fiscalité. Vous n’imaginez pas le nombre de mails que je reçois sur la question : 'combien on va être taxés', 'comment on va être taxés', 'qui va être taxé'", sourit-elle tout en coupant court aux clichés : "En Suisse, seul 1% des Français sont des exilés fiscaux."
En vertu de quoi les binationaux par mariage, comme son mari, ou les binationaux de naissance, comme ses trois enfants qui n’ont jamais vécu en France, paieraient des impôts à Paris ? Toute l’assemblée approuve d'un hochement de tête quand elle promet la vigilance absolue sur tout projet de loi sur le sujet.
"Moi, je ne supporte pas les socialistes au pouvoir"
Ce sujet est d'ailleurs le seul à provoquer un accrochage durant la soirée, quand un quinqua en jean et baskets prend le micro : "Moi, ça ne me dérange pas de payer des impôts". Il est immédiatement interrompu par un brouhaha et un : "Non mais y’en a marre. Si vous êtes établi ici, c’est que ça vous convient. Sinon, vous n’avez qu’à retourner en France. Moi, je ne supporte pas les socialistes au pouvoir", suivi d’applaudissements.
Le trouble-fête termine après avoir précisé : "Moi non plus, je n’aime pas les socialistes mais j’aimerais savoir quels sont les autres arguments pour convaincre de voter pour vous, parce que les impôts, je ne pense pas que ce soit le bon pour moi." Sans se démonter, Claudine Schmid décline brièvement sa connaissance des attentes des expatriés en matière de santé ou sur l’école, avant de revenir à la fiscalité.
Son suppléant, salarié d’une organisation internationale qui voit en la Suisse "l’anti-modèle de ce que propose le PS", se charge de faire le lien entre chaque thème et le programme de feu le candidat Nicolas Sarkozy.
"Une terre nourricière qui ne demande qu’à être cultivée"
Troisième et "dernière question avant de continuer à discuter autour d’un verre". Un monsieur en imper, grande mèche grise, un verre de vin blanc à la main, se lance, prêt à toutes les attaques : "Comment détruire la candidate socialiste ? Je veux dire, quelqu’un comme vous a des contacts, à Paris et en Suisse, un beau réseau. Mais votre adversaire…"
Vague malaise dans l’assistance, la candidate botte en touche. Il reprend avec une nouvelle question qui, en fait, contient la réponse : "Pensez-vous que l’étiquette UMP soit un argument percutant pour inciter beaucoup de gens autour de moi à voter pour vous ?"
Avec 62,29% des voix dans la circonscription pour Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle, il reste de toute façon peu d’âmes à convaincre. Même Dominique, frêle attachée de presse de 51 ans venue "se renseigner sur ces élections auxquelles elle ne comprend rien" est là "pour se bouger, peser de ce côté de l’échiquier politique maintenant que François Hollande a été élu". Une campagne en terrain conquis ? "Le terreau est fertile mais il faut le semer", "une terre nourricière qui ne demande qu’à être cultivée" blaguent en chœur, suppléant et sénateur.
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