Cet article date de plus de sept ans.

Comment la police municipale a été envoyée dans une école pour interdire un cours d'arabe à Six-Fours-les-Plages

A l'automne 2016, dans le Var, un maire s'est opposé à l'enseignement de l'arabe dans une école primaire de sa commune. La justice a fini par s'en mêler.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Une salle de classe d'une école primaire à Paris, le 13 cotobre 2014. (MAXPPP)

L'affaire remonte à la rentrée 2016. Mais la découverte faite par un internaute l'a relancée, mercredi 4 janvier. A Six-Fours-les-Plages (Var), des cours d'arabe dispensés dans l'école primaire Reynier ont semé la discorde. Des parents d'élèves les ont dénoncés, laissant entendre qu'ils étaient "obligatoires". Le Front national s'en est mêlé. Le maire s'y est opposé et a même mobilisé la police municipale. Les autorités ont fini par saisir la justice, qui a tranché. 

Il s'agissait pourtant de cours facultatifs, donnés en dehors du temps scolaire par des intervenants étrangers, dans le cadre d'un dispositif vieux de quarante ans : les enseignements de langue et de culture d'origine (ELCO), précise Le Monde. Ces cours sont destinés aux élèves ayant des origines étrangères et portent sur la langue et la culture du pays de leurs ancêtres (l'Italie, l'Espagne, le Portugal, mais aussi l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, ou encore la Serbie et la Croatie).

A l'échelle hexagonale, ils sont dispensés à 80 000 élèves environ par quelque 850 intervenants, chiffre le journal. Dispositif critiqué, les ELCO sont amenés à disparaître. Le gouvernement entend les remplacer sur trois ans, à partir de la rentrée 2016, par des enseignements de langue étrangère classiques, sur le temps scolaire, avec des intervenants de l'Education nationale, mais toujours facultatifs, indique Le Monde.

Franceinfo vous raconte cette polémique en quatre actes.

Acte 1. La photo d'un document est postée sur Facebook

Le 25 septembre, une mère de famille de Six-Fours-les-Plages publie sur Facebook la photo d'un document envoyé par l'école. Les parents d'élèves sont invités, s'ils le souhaitent, à inscrire leurs enfants à "un enseignement de langue arabe pendant la prochaine année scolaire" et à "retourner obligatoirement à l'école" le document, complété et signé. 

"Devoir signer les papiers sur le carnet de liaison pour l’enseignement de la langue arabe en primaire, ça y est, encore un cap de franchi", écrit cette femme, citée par Var Matin. En réalité, elle fait un contresens : ce n'est pas l'enseignement de l'arabe qui est obligatoire, mais le fait de retourner le document si les parents veulent y inscrire leur enfant.

Mais le mal est fait : la photo est aussitôt abondamment partagée par les internautes sur les réseaux sociaux, et notamment par un conseiller municipal de Six-Fours, Frédéric Boccaletti, secrétaire départemental varois du Front national. La polémique est lancée. La direction de l'école dit même au Monde avoir reçu des messages d'insultes.

Acte 2. Le maire écrit son opposition à l'inspecteur d'académie

Le 6 octobre, le maire Les Républicains de Six-Fours, Jean-Sébastien Vialatte, écrit à l'inspecteur d'académie de Nice, rapporte Nice Matin.

"Je ne signerai pas [la] fiche qui autorise l'intervention de cours de langue arabe pendant le temps périscolaire, période dont j'assume l'entière responsabilité", écrit l'édile, cité par le quotidien local. Il ajoute : "Je contesterai toute réquisition de locaux qui me serait notifiée pour la mise en place du dispositif."

Le maire redit aussi son hostilité à ces enseignements. "Il serait opportun d'envisager sans tarder leur suppression au profit, suggère-t-il, de l'enseignement de langues étrangères classiques sur le temps scolaire" et "de mesures supplémentaires à accorder à tous les élèves en difficulté scolaire dont les besoins sont prioritaires".

Acte 3. La police municipale intervient à l'école

Le 18 novembre et le 25 novembre, "jours prévus pour la dispense de cet enseignement", la police municipale se rend à l'école primaire Reynier, daprès une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon, révélée sur Twitter par un juriste spécialiste du droit administratif, précise BuzzFeed.

La première fois, la police municipale constate que le cours a été "annulé". La seconde, elle remet à l'enseignant "un pli émanant de la mairie", "sans pour autant s'opposer à la tenue du cours".

Contacté par LCI, le maire confirme l'intervention de sa police. "Ils sont allés signifier à une personne qui voulait rentrer dans l’école que la mairie ne donnait pas son accord", déclare-t-il. "La mairie est responsable de ce qui se passe à l’école en dehors du temps scolaire. Elle veut donner son accord. De plus, il est assez courant que la police municipale aille porter des plis", argumente l'édile. Et l'élu de justifier à propos du chargé de cours : "Il s’agit d’un personnage que je ne connais pas, qui n’est pas payé par l’Education nationale, et à propos de qui je n’ai aucune assurance."

Acte 4. La justice donne raison au maire contre le préfet

Le 24 novembre, le préfet du Var saisit le juge des référés du tribunal administratif de Toulon. Mais, quatre jours plus tard, le 28 novembre, le juge donne raison au maire contre le préfet. Le cours d'arabe a eu lieu trois jours plus tôt, le 25 novembre.

"La présence de la police municipale ne peut être regardée comme une tentative d’assurer l’exécution forcée d’une mesure d’interdiction", écrit le magistrat. La lettre du maire est une "déclaration d'intention", elle n'est donc pas "un obstacle effectif à l'exercice de l'enseignement" et sa décision n'est pas "de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique". Conclusion du juge : le préfet du Var n'est pas fondé à en demander la suspension.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.