D-Day : les romanciers américains débarquent aussi

Surnommé « l’homme qui inspire le plus confiance à l’Amérique », Walter Cronkite, journaliste américain, reste associé aux grandes pages de l’histoire de la deuxième moitié du XXe siècle : procès de Nuremberg,  guerre du Vietnam, assassinat de John F. Kennedy, scandale du Watergate. Lors du débarquement en Normandie, on dit que c’est lui qui rédige le premier reportage sur le Débarquement. Il l’écrit à la première personne, contrairement aux usages des agences de presse pour lesquelles il travaille : Scripps-Howard et United Press. De 1962 à 1981, il présente CBS Evening News, le journal télévisé de CBS. « De tout ce que j’ai vécu, c’est le D-Day qui m’a le plus marqué », dira-t-il.
 
Déjà célèbre pour sa couverture de la guerre d’Espagne, Robert Capa, correspondant de guerre américain est le seul photographe présent sur la plage d’Omaha Beach le 6 juin. Il travaille pour le magazine Life. Embarqué dans une des six péniches de la compagnie E du 16^e régiment, il prend, avec son fameux Leica, environ 120 photos pendant plus de six heures, sous les obus et entre les balles. Quand le bureau londonien de Life reçoit les photos, un laborantin commet une erreur : il ne restera que onze photos exploitables, mais plutôt floues, qui feront le tour du monde. Capa, bien inspiré,  publiera ses mémoires de guerre sous le titre de « Juste un peu flou » (« Slightly out of focus »).
 
Le 6 juin au matin, l’écrivain Ernest Hemingway, alors correspondant de guerre, est aux côtés des militaires américains, accompagnant la 7^ème vague d’assaut qui fait route vers Omaha Beach sur une barge, prêt à débarquer. Mais sa personnalité débordante est peu appréciée des gradés, qui finalement lui interdisent de participer à l’opération. Aussi, ce jour-là, l’écrivain observe à distance le déroulement des combats, les yeux collés à ses jumelles. Il ne débarquera que 42 jours plus tard, le 18 juillet. Il écrira des reportages sur le D-Day et même un roman, « En route pour la victoire », dans lequel il raconte l’horreur sur les plages et la peur des combattants.
 

En juin 1944, Samuel Fuller, écrivain et cinéaste américain de 32 ans, est soldat de deuxième classe, un des premiers à débarquer sur Omaha Beach au sein de la fameuse « Big Red One », 1^ère division d’infanterie de l’armée américaine. « La guerre, ce n’est pas psychologique, ce n’est pas du renseignement, ni de l’espionnage. Ce sont des fusils et des balles. Et la mort », dira-t-il. En 1980, il réalise le film « Au-delà de la gloire » (« The Big Red One »), tiré de son propre parcours de soldat.
 
Ernest Pyle, journaliste et écrivain américain meurt le 18 avril 1945 sous les balles japonaises sur l’île Okinawa, un an seulement après avoir remporté le prix Pulitzer. Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, il devient correspondant de guerre et part aux côtés de l’armée américaine, la suit dans ses conquêtes et ses défaites. Il a couvert, pour l’agence Scripps-Howard, la guerre en Afrique du Nord, en Italie et en France, du débarquement à la libération de Paris. Le film « Les forçats de la gloire » de William Wellman (« The story of GI Joe » ) a été tiré de ses écrits.

Le 21 juin 1944, Tony Vaccaro, simple fantassin américain de 21 ans, débarque à Omaha Beach. Son fusil M-1 dans une main, son appareil photo, un 35 mm Argus C3 dans l’autre, il réussit à convaincre ses supérieurs de le laisser photographier l’avancée de la 83^ème division d’infanterie américaine. Deux semaines après le débarquement du 6 juin, Tony découvre une côté normande déchiquetée et des milliers de corps alignés le long de la route menant à Vierville (Calvados). Depuis le 30 mai, l’exposition « Le soldat à l’appareil photo », au Mémorial de Caen, rend hommage à ce courageux soldat. Tony Vaccaro, toujours vivant, est âgé de 91 ans. 

A noter que la ville de Bayeux (Calvados), en collaboration avec Reporters sans frontières accueille un Mémorial unique en Europe entièrement dédié aux reporters tués dans le monde depuis 1944. On en dénombre plus de 2 000.